Entreprises made in Nippon

Une dynastie de marchands de thé et de papier japonais installée à Odawara depuis 350 ans

Kikuchi Masanori [Profil]

La famille Ejima tient un commerce de thé et de papier japonais depuis plus de trois siècles, dans la ville située au pied du château d’Odawara, à une soixantaine de kilomètres de Tokyo. Au cours de sa longue histoire, elle a été confrontée plusieurs fois à de terribles épreuves qu’elle a réussi à surmonter en se diversifiant sans perdre pour autant l’essence de ses traditions.

Une très ancienne maison de commerce, à l’ombre d’un château-fort

La ville d’Odawara se trouve dans la préfecture de Kanagawa, à une heure de train du centre de Tokyo. Elle est très fréquentée par les touristes japonais et étrangers attirés par son château et ses environs. Le château d’Odawara a servi de base aux activités de la puissante famille des Hôjô postérieurs (Go-Hôjô), durant l’époque des Provinces combattantes (Sengoku jidai, 1467-1573). Au centre de la ville, à cinq minutes à pied de la gare, il y a aussi un vieil édifice de bois qui abrite la vénérable maison de commerce Ejima, spécialisée dans le thé et le papier japonais (washi).

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« Washi » : le papier japonais

À l’entrée, nous sommes accueillis avec le sourire par Ejima Ken, un homme de 50 ans descendant à la 17e génération du fondateur des lieux, qui nous donne toutes les explications nécessaires.

La construction du bâtiment actuel remonte à 1928. Ce vieux magasin de bois a failli être détruit pendant la seconde moitié des années 1980, quand la bulle économique japonaise battait son plein, à cause d’un plan d’aménagement prévoyant de construire à sa place un immeuble d’habitation et un parking. Il a été transféré sur un site provisoire en prévision des travaux, mais le projet immobilier a fini par être abandonné à la suite de l’éclatement de la bulle. Du coup, Ejima a été sauvé et l’édifice historique est revenu à son emplacement d’origine où la maison de commerce a repris ses activités.

La maison de commerce Ejima exerce ses activités depuis 350 ans dans un superbe édifice traditionnel en bois, situé en plein cœur de la ville d’Odawara. L’auvent qui protège la façade du rez-de-chaussée est d’une taille particulièrement imposante. Il est surmonté par une énorme enseigne en bois au nom d’Ejima, fixée au milieu du premier étage.

Les débuts de la maison de commerce Ejima remontent à l’année 1661, au début de l’époque d’Edo (1603-1868). Son fondateur, Ejima Gonbei, était un fonctionnaire de la barrière de Hakone qui est venu s’installer à Odawara, un relais de poste de la route du Tôkaidô reliant Edo (Tokyo) à Kyoto, où il a ouvert une échoppe.

« Au début, mon aïeul s’est lancé dans la production de sel parce qu’Odawara est au bord de la mer », raconte Ejima Ken. « En devenant marchand, il s’est comporté comme les gens qui aujourd’hui abandonnent la vie de salarié pour se lancer dans une autre activité. Vers le milieu du XVIIIe siècle, la maison Ejima a commencé à proposer du papier japonais pour les cloisons (shôji) et les portes coulissantes (fusuma), puis du thé et des produits connexes. Et c’est ainsi que l’entreprise familiale a pris de l’ampleur. »

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La maison traditionnelle japonaise

D’après Ejima Ken, sa famille s’est mise à vendre des produits liés au thé lorsque l’un de ses membres a découvert du thé de très haute qualité dans les provinces de Suruga et de Tôtômi – qui font aujourd’hui partie de la préfecture de Shizuoka – où il cherchait des papiers japonais. Et ce nouveau négoce s’est avéré très lucratif. À première vue, on ne voit pas très bien le rapport entre le papier japonais et le thé, mais quand on y regarde de plus près, on s’aperçoit que la famille Ejima a fait preuve de beaucoup de flair en appréciant aussitôt à sa juste valeur le thé de Shizuoka, considéré aujourd’hui comme le meilleur du Japon. Elle s’est depuis lors affirmée comme l’une des plus importantes maisons de commerce en termes de papier et de thé.

L’inscription figurant sur l’étiquette apposée sur ces deux jarres traditionnelles en céramique verte précise que le thé vert qu’elles contiennent provient des « jardins d’Ejima » (Ejima en).

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Kikuchi MasanoriArticles de l'auteur

Né en 1965 à Hokkaidô. A été journaliste au quotidien Hokkaidô Shimbun, puis journaliste indépendant. Écrit des reportages basés sur des interviews et des chroniques à caractère social pour des revues comme Aera, Chûô Kôron, Shinchô 45 et President.

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