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Transmettre la culture des délicates fragrances japonaises

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Kikuchi Masanori [Profil]

L’encens est arrivé au Japon au VIe siècle, avec le bouddhisme. C’est au XVIe siècle qu’est née la profession d’artisan de l’encens, qui s’est ensuite développée de manière propre. Nippon Kôdô, le plus grand fabricant d’encens japonais, se concentre sur l’élargissement de la demande pour ses produits à l’international tout en assurant la poursuite de cette tradition.

La Voie de l’encens, un art prisé aussi par les guerriers

À l’époque de Heian (794-1185), les compétitions autour du parfum émis par le nerikô, l’encens en boulettes fabriqué à partir de poudre de bois aromatique mélangé à du miel et d’autres ingrédients, figuraient parmi les passe-temps de la noblesse. Leur but était de deviner le genre du bois aromatique ou son origine. C’est à l’époque de Muromachi (1336-1573) qu’est née, en lien avec le Zen que pratiquaient les familles de guerrier, la Voie de l’encens (kôdô) qui a codifié les règles pour faire brûler l’encens et les manières de l’apprécier. Elle a des liens profonds avec la Voie du thé établie à la même époque par Murata Jukô et Sen no Rikyû. Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi et Tokugawa Ieyasu, les personnages les plus importants de la période Sengoku (milieu du XVe siècle – fin du XVIe siècle) qui aimaient la cérémonie du thé, étaient aussi des adeptes de la Voie de l’encens.

Juste avant l’ère Tenshô (1573-1592), période pendant laquelle Oda Nobunaga renforça son pouvoir dans le but d’unifier le Japon, est née une lignée d’artisans de l’encens, qui se sont transmis le nom de Kôjû, en référence aux dix vertus de l’encens (kô no jittoku en japonais), au nombre desquelles figuraient le réconfort et la purification. Le premier du nom était Yasuda Mataemon, descendant du clan des Genji, qui fournissait la cour impériale alors installée à Kyoto. La famille Takai a ensuite repris le flambeau en se donnant pour mission de propager la Voie de l’encens. Takai Jûemon, le huitième chef de cette famille, est considéré comme le restaurateur de cet art à l’époque d’Edo, et il a inventé de nombreux encens qui sont devenus célèbres.

Nippon Kôdô, le premier fabricant d’encens au Japon, a repris à la fin des années 1950 les formules de fabrication des encens fournis par le dix-septième chef de la famille Takai et le permis de circuler dont il se servait pour entrer dans le palais impérial. Tous ces documents sont conservés par la société qui continue à fabriquer et vendre les différents encens manufacturés dans la tradition de Kôjû, c’est-à-dire le premier artisan parfumeur à avoir reçu ce titre lors de la création de la maison à l’ère Tenshô.

Konaka Masayoshi, PDG de Nippon Kôdô.

Konaka Masayoshi, qui est depuis 2000 le quatrième PDG de la maison depuis qu’elle a adopté le statut de société, s’est attaché au développement de nouveaux produits, en veillant à ce qu’ils deviennent des marques déposées. Il a aussi lancé la construction d’une usine au Vietnam.

« Ces dernières années, l’encens japonais au parfum raffiné est de plus en plus apprécié à l’étranger. Nous devons nous intéresser plus encore aux clients étrangers, et donc aux touristes qui visitent le Japon, parce que le marché japonais diminue en raison du déclin démographique », explique M. Konaka, exprimant ainsi son ambition de continuer à faire connaître l’encens, un des symboles de la culture japonaise mystérieuse et profonde. Aujourd’hui, le nouvel emballage des produits de Nippon Kôdô comprend aussi des explications en anglais.

Ouvrir à Kyoto

Depuis dix ans, le chiffre d’affaires du secteur de l’encens montre une légère tendance à la baisse. Celui de Nippon Kôdô a connu de 2000 à 2015 une légère augmentation, puisqu’il est passé de 13 à 14 milliards de yens, mais il est indéniable que le déclin démographique ne joue pas en sa faveur. Confronté à cette situation délicate, Nippon Kôdô doit absolument chercher à faire connaître aux non-Japonais la beauté de l’encens.

Les clients japonais ne sont d’ailleurs pas les seuls à acheter l’encens le plus cher, celui de kyara qui coûte 200 000 yens par faisceau. Il attire aussi de nombreux acheteurs étrangers, principalement chinois, qui reconnaissent la forte valeur ajoutée de la culture japonaise de l’encens.

Nippon Kôdô qui en est parfaitement conscient a ouvert à Kyoto en avril 2016 une boutique en gestion directe, sous le fier nom de Kôjû. On y trouve tous les types d’encens et tous les ustensiles de la Voie de l’encens, et son logo a été conçu en version japonaise et en version anglaise. Pour le PDG de Nippon Kôdô, ce magasin est le fondement pour revenir au point de départ : « Notre présence à Kyoto, la ville préférée des touristes étrangers, signifie beaucoup pour nous. Nous espérons qu’ils seront nombreux à y venir et nous avons l’ambition d’en faire un nouveau centre d’information sur la culture japonaise. »

Kôjû Ninenzaka, le magasin en gestion directe qui a ouvert à Kyoto, offre des produits de toutes les couleurs dans une sereine ambiance japonaise. (Photo avec l’aimable autorisation de Nippon Kôdô)
Kôjû Ninenzaka, le magasin en gestion directe qui a ouvert à Kyoto, offre des produits de toutes les couleurs dans une sereine ambiance japonaise. (Photo avec l’aimable autorisation de Nippon Kôdô)

(D’après un article de Kikuchi Masanori. Photo de titre : ustensiles utilisés pour la cérémonie de kôdô, avec l’aimable autorisation de Nippon Kôdô. Autres photos : Kikuchi Masanori)

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Kikuchi MasanoriArticles de l'auteur

Né en 1965 à Hokkaidô. A été journaliste au quotidien Hokkaidô Shimbun, puis journaliste indépendant. Écrit des reportages basés sur des interviews et des chroniques à caractère social pour des revues comme Aera, Chûô Kôron, Shinchô 45 et President.

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