L’évolution du Japon depuis 1995, l’année des tournants

Dernier verdict dans les procès Aum

Société

Le jugement en première instance de Takahashi, ancien fidèle de la secte Aum Shinrikyô, annonce le terme des procédures criminelles liées à cette organisation, responsable notamment de l’attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo il y a 20 ans. Voyons comment la secte Aum a transformé de brillants jeunes gens en criminels.

Pourquoi des jeunes gens éduqués ?

Le groupe Aum, tout d’abord un cercle de yoga, est devenu une secte religieuse en 1987. À cette époque, l’économie japonaise entre dans une période de bulle. Le prix des valeurs boursières et des terrains grimpe, certaines personnes cherchent les profits faciles, c’est une période durant laquelle les billets de banque se comptent par liasses. Parallèlement, une volonté de trouver « le vrai bonheur », « la vraie richesse », hors de l’argent et des possessions matérielles, se fait jour. La spiritualité occulte, éloignée du monde réel et des sciences, enregistre des succès. Avant cela déjà, les Prophéties de Nostradamus prévoyant la fin du monde pour 1999 avaient été un best-seller éditorial, certaines personnes entretenant une vague inquiétude face à l’arrivée de la fin du siècle. Cela aussi a participé à l’acceptation d’Aum.

Dans ce contexte, le fondateur, Asahara, en prétendant répondre à tous les problèmes grâce à l’obtention de pouvoirs surnaturels, attire des jeunes gens intéressés par la spiritualité. De plus, il « annonce » une terrible catastrophe, un armageddon qui frapperait le Japon, attisant ainsi les inquiétudes, tout en expliquant se préparer à sauver l’âme de ceux qui périraient alors. La « délivrance » spirituelle au niveau individuel et le « sauvetage de l’humanité » au niveau social deviennent ainsi les concepts d’appel de la secte Aum.

S’améliorer soi-même, être sauvé et sauver aussi autrui – voilà qui est attirant pour des jeunes gens à la recherche d’un but dans la vie ou peu sûrs d’eux-mêmes.

Prenons l’exemple d’un jeune homme incapable de décider du métier qu’il voulait faire. Il ne voulait ni être un employé ordinaire comme son père, ni vivre une existence banale. Il cherchait, en vain, un métier digne d’y consacrer sa vie. Invité par un ami devenu adepte de la secte Aum, il se montre dubitatif et, au début, cherche à retenir son ami. Mais à force de fréquenter la secte, il finit par être attiré par les histoires d’armageddon et de sauvetage de l’humanité. Refusant d’entendre ses parents, il rejoint la secte. Il a participé à l’assassinat de l’avocat Sakamoto Tsutsumi et de sa famille, ainsi qu’à l’attentat au gaz sarin à Matsumoto dans la préfecture de Nagano ; il a été condamné à mort.

Abandonner ses doutes au profit de la foi

Un autre homme très brillant, qui avait fait des études de physique en troisième cycle à l’université, a intégré la secte Aum sans avoir l’intention de s’y adonner totalement – à savoir faire don de la totalité de son patrimoine à l’organisation, rompre avec sa famille, ses amis et la société en général et se dévouer aux activités liées à la secte –, il avait même trouvé du travail dans le centre de recherche d’une grande entreprise. Mais le fondateur de la secte l’a convaincu, « si un jeune homme brillant comme toi ne sauve pas le monde, qui le fera ? », il s’est senti élu. Il a fini par renoncer à son travail et rompre avec sa famille, avec laquelle il s’entendait pourtant bien, et s’est consacré à la secte Aum. Six ans plus tard, il faisait partie de ceux qui ont répandu du gaz sarin dans le métro. Lui aussi a été condamné à la peine capitale.

Pour d’autres aussi, qui ne s’entendaient pas bien avec leur famille, ou qui avaient des difficultés à communiquer, ou qui ne parvenaient pas à trouver leur place dans la société, la secte Aum, en les libérant de ces encombrantes contraintes relationnelles, apparaissait comme un lieu confortable.

Les fidèles, une fois entrés dans la secte, sont convaincus de la supériorité absolue du fondateur. Ses ordres sont forcément justes, et à ceux qui ne le comprennent pas, on explique qu’ils ne voient pas encore la vérité parce qu’ils sont à un « stade spirituel » insuffisant. S’interroger ou contredire ces instructions sur la base du bon sens, des habitudes, de la morale, des connaissances scientifiques, des lois ou des règlements, bref, des règles de la société, est considéré comme un « manque de foi ».

Même s’ils ont des doutes, les fidèles les gardent pour soi. Les ordres du fondateur n’ont pas à être remis en question, ils doivent toujours être acceptés en tant que tel. C’est ainsi que sont formés les fidèles idéaux, qui, sans penser par eux-mêmes, obéissent à toutes les volontés du fondateur.

Parmi les cinq coupables qui ont perpétré l’attentat au sarin dans le métro de Tokyo, quatre n’avaient jamais eu maille à partir avec la justice. Médecins ou physiciens, ils connaissaient la toxicité du gaz sarin. Et pourtant, aucun d’entre eux n’a refusé ce rôle, ni n’a hésité à l’endosser.

Suite > Les outils de la manipulation mentale : yoga et LSD

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