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Toraya : un confiseur japonais en activité depuis près d’un demi-millénaire

Économie Vie quotidienne

La maison Toraya, spécialisée dans les sucreries japonaises, a une histoire qui remonte à près de cinq cents ans. Aujourd’hui, l’entreprise a étendu ses activités à l’étranger où elle a ouvert plusieurs boutiques. Tout en s’attachant à faire connaître au monde le yôkan, une confiserie à base de pâte de haricots rouges (azuki) dans la plus pure tradition japonaise, elle propose aussi à sa clientèle des spécialités innovantes, comme le « fondant au cacao et à la pâte d’azuki » qui allie tradition et modernité. En 2020, la boutique Toraya de Paris célèbre ses 40 ans d’existence.

Des délices qui varient au fil des saisons

Kurokawa Mitsuhiro ne semble pas particulièrement obsédé par la tradition. Pourtant, celle-ci est bien palpable dans la boutique raffinée de wagashi située au rez-de-chaussée de l’immeuble qui abrite le siège social de Toraya. On y trouve un large éventail de yôkan dont certains sont en vente toute l’année alors que d’autres font leur apparition uniquement à un moment ou une saison donnés.

La boutique du Toraya Building propose aussi cinq ou six sortes différentes de « gâteaux frais » (namagashi), un type de wagashi fabriqué au jour le jour avec des ingrédients et un décor qui varient au fil des saisons. La palette des namagashi change toutes les deux semaines et elle réunit souvent des recettes vieilles de plusieurs siècles et des créations toutes récentes. Celle du début du mois d’août, par exemple, comprend à la fois un namagashi dont l’origine remonte à 1773 et celui créé en 1994.

Ces confiseries en forme de lapin (usagiman) sont considérées comme un porte-bonheur. Uniquement sur commande. (Avec l’aimable autorisation de Toraya)

Matsudaira Naritada, le directeur du département des relations publiques de Toraya, ajoute que son entreprise s’efforce constamment de mettre au point de nouveaux namagashi et d’autres sucreries, un travail qui demande à chaque fois environ trois ans. Il n’est en effet pas question de mettre en circulation un nouveau produit tant qu’il n’a pas donné entièrement satisfaction à ses créateurs, et d’attendre l’avis des clients pour faire des ajustements.

Chaque visite chez Toraya est toujours une découverte, dans la mesure où la gamme des namagashi proposés à la clientèle se renouvelle en permanence, y compris en ce qui concerne les créations les plus récentes. Le décor et les ingrédients des « gâteaux frais » du moment sont étroitement liés à un moment particulier de l’année.

Les sucreries de Toraya donnent un avant-goût des changements de saison. C’est ainsi que l’un des namagashi de la mi-août a la forme d’une châtaigne évoquant l’arrivée de l’automne. « Mais les confiseries à base de châtaigne ne font leur apparition dans nos boutiques qu’au mois de septembre, c’est-à-dire au moment où ce fruit arrive à maturité » précise Matsudaira Naritada.

Pour les habitants des villes, qui n’ont pas forcément une conscience aigüe du cours des saisons, ces friandises sont l’occasion de faire une pause et de goûter au charme spécifique d’un moment particulier de l’année.

L’avenir des fabricants de wagashi

La maison Toraya semble promise à un avenir aussi brillant que son passé. Mais pour les confiseurs japonais plus modestes, qui constituent l’essentiel de la profession, le futur paraît beaucoup plus incertain. En tant que directeur de l’Association des fabricants de wagashi du Japon, Kurokawa Mitsuhiro est tout à fait conscient de la situation.

« Les fabricants de wagashi manquent de confiance en eux-mêmes. Les patrons me disent souvent que leurs fils travaillent ailleurs, comme employés, et qu’ils ne veulent pas reprendre le flambeau familial parce que gagner sa vie dans ce secteur est trop dur »,  explique-t-il. Si elles ne trouvent personne pour les reprendre, ces entreprises devront fermer. Kurokawa Mitsuhiro pense que pour redonner le moral à la profession et la rendre plus attractive pour les nouvelles générations, il faudrait mettre l’accent sur les artisans qui fabriquent les wagashi. « Bien qu’ils soient  incroyablement doués, ils sont pour la plupart relativement peu connus. Il faut braquer la lumière des projecteurs sur eux. »

Kurokawa Mitsuhiro aimerait que le nom des artisans qui fabriquent les confiseries — plutôt que celui des entreprises pour lesquelles ils travaillent — soit bien en évidence, un peu comme pour les cuisiniers et les pâtissiers français. D’après lui, ce serait un moyen d’attirer l’attention des jeunes sur cette profession.

Si la maison Toraya est restée en activité pendant près d’un demi-millénaire, tout en conservant une grande partie de ses traditions, c’est parce qu’elle a su se concentrer sur ce qu’il fallait faire sur le moment, au lieu de se contenter de répéter ce qu’elle avait fait dans le passé.

La flexibilité de Toraya tient sans doute au fait que dans la famille Kurokawa, il n’y a pas de « mot d’ordre » transmis de père en fils. Quand Kurokawa Mitsuhiro a succédé à son père à la tête de l’entreprise, en 1991, il a pris conscience de la liberté et des responsabilités qui allaient de pair avec sa nouvelle fonction. « Comme il n’y avait pas de mot d’ordre, je pouvais faire comme je l’entendais, car tout reposait sur moi. »

Informations sur l’entreprise
Nom de la société : Toraya Confectionery Co., Ltd.
Siège sociale : 4-9-22 Akasaka, Minato-ku, Tokyo 107-8401
Représentant : Kurokawa Mitsuhiro, PDG
Activité : Fabrication et vente de sucreries japonaises
Capitalization : 24 millions de yens
Effectifs : 878 employés (1 juin 2013)
Site internet (français) : http://www.toraya-group.co.jp/paris/index.html

(Article mis à jour en octobre 2020. Texte de Nagasawa Takaaki. Photographies de Kimura Junko, Jana Press.)

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