Le secret du produit « qui vend »

Spécialités provinciales : de nouvelles tendances

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Kitamura Mori [Profil]

Nous vous parlerons aujourd’hui de ces « omiyage » de province qui innovent : les Sachi no kowake (« spécialités du cru en petites portions ») de la préfecture de Toyama, et les Ikiteiru Nori, (« Algues Nori vivantes ») des algues fraîches séchées de Tokushima. Leur succès résulte d’un refus du moindre compromis tant sur la qualité que sur le potentiel de la production locale.

Une sévère sélection : le fameux sushi de truite n’a pas passé la barre

En deuxième lieu, les produits ont tous été rigoureusement sélectionnés. Après plusieurs étapes de discussion et dégustation, le comité a établi la liste des produits qui porteraient le label Sachi no Kowake. Un épisode particulier illustre bien l’exigence qui a présidé à cette sélection.

Initialement, il semblait naturel que le sushi de truite (masu zushi), une spécialité traditionnelle de Toyama, trouve sa place parmi les produits du label Sachi no Kowake. Plusieurs producteurs de cette spécialité ont été approchés et l’un d’entre eux a fait part de son intérêt à participer au programme. À l’étape de la dégustation, le sushi de truite proposé était parfaitement délicieux. Mais quand le moment est venu de produire en quantité suffisante pour répondre à la demande, il est apparu que le niveau de qualité ne répondait pas aux attentes du comité. Les produits ont tous été rappelés et de nouveaux tests ordonnés. Mais le goût n’était plus là. Le producteur a donc été contraint de se retirer. Le sushi de truite est donc absent des présentoirs Sachi no Kowake. Rappeler un produit en vente n’est pas une décision facile à prendre, mais ce fait illustre bien la détermination du label.


La série Sachi no Kowake comprend au total 20 articles. Tous sont des spécialités locales traditionnelles appréciées depuis longtemps dans la région. Seuls la taille et le packaging ont été renouvelés.

Le label Sachi no Kowake est un projet original du Centre de Design de Toyama, un organisme émanant de l’administration préfectorale de Toyama. Cette entreprise extrêmement ambitieuse ne vise pas à simplement sauvegarder une industrie locale, mais à passer au tamis les producteurs susceptibles de conduire cette industrie vers une nouvelle croissance, quitte à décourager ceux qui n’en auraient pas la capacité.

Quand le secteur public prend les choses en main

M’entretenir avec MM. Obata Yutaka et Kubo Hideaki, les deux responsables du projet, m’a permis de mieux comprendre les critères qui ont guidé le processus de sélection. Tous deux m’ont expliqué qu’ils avaient finalement sélectionné uniquement des produits qu’eux-mêmes pouvaient envisager d’offrir comme omiyage à leurs amis ou à leur entourage. Bien entendu, du fait que le projet était mené par une agence publique, cela fut plus facile à dire qu’à faire ; le Centre a fait l’objet de diverses pressions indirectes pour inclure tel ou tel article dans la sélection.

Un autre principe directeur fut le désir de réformer des pratiques de gouvernance éculées. Des hauts fonctionnaires de l’administration locale ont d’ores et déjà lancé des appels aux producteurs locaux pour le développement de nouvelles spécialités afin de répondre à la demande que doit générer l’ouverture du train à grande vitesse Hokuriku shinkansen, qui passera par Toyama, au printemps 2015. Mais, contrairement au secteur privé, les agences publiques ont tendance à ne pas mener au bout un certain nombre de projets qu’elles initient. Cela donne à certains producteurs locaux l’impression que l’on se sert d’eux quand les projets n’ont que peu de chance de décoller. MM. Obata et Kubo ont précisément voulu faire mentir le préjugé : braquer les projecteurs sur des produits réellement remarquables, et mener le projet jusqu’à sa conclusion.

Le succès de Sachi no Kowake a créé un mouvement de fond au sein de l’administration de la préfecture. D’autres sections de la préfecture considèrent de lancer des projets sur le même modèle, on parle aussi d’autoriser l’utilisation du logo du label Sachi no Kowake à d’autres types de produits que les omiyage. Enfin, à mon humble avis, l’utilisation d’un logo qui a eu du succès ne garantit absolument pas à lui seul d’autres innovations dans le secteur des omiyage, ni un profit pour l’industrie locale. La preuve est faite que de bons produits existent sur le marché local, mais il faudrait encore trier le bon grain de l’ivraie. Telle est l’une des leçons que l’on peut tirer de l’aventure des Sachi no Kowake.

De l’espoir pour une industrie locale sinistrée

Autre exemple de spécialité locale innovatrice : les Ikiteiru Nori, une spécialité gastronomique développée par Spec Lab, une société de conseil en hygiène alimentaire de la préfecture de Tokushima.


Jusqu’à maintenant, seuls les pêcheurs de Tokushima connaissaient le goût des algues nori fraîches. Ici, M. Kagawa Nobuaki, un pêcheur local dont la discrète collaboration fut déterminante pour le développement des Ikiteiru Nori en permettant aux employés de Spec Lab d'utiliser sa cabane de pêche pour tester le produit.

Les Ikiteiru Nori offrent l’expérience exceptionnelle du goût des algues nori fraîches pour 1050 yens le sachet. À l’heure actuelle, ce produit acheminé par transport frigorifique est disponible uniquement par correspondance sur le net. Ce n’est donc pas un omiyage stricto sensu, mais gageons que ce n’est qu’une question de temps avant que des comptoirs dans les gares et les aéroports le proposent pour livraison directe aux voyageurs, comme toute spécialité de Tokushima qui se respecte.

La pêche aux algues est une industrie vigoureuse à Tokushima, mais la chute des prix ces dernières années, associé à la hausse des coûts d’opération de la pêche, a rendu un climat difficile.

M. Tanaka Tatsuya, le président de Spec Lab, a décidé de faire quelque chose pour les pêcheurs d’algues de la région il y a 3 ans. La solution qu’il a imaginé était le développement d’un nouveau produit à base d’algues nori. Mais sa société était une société d’audit et de conseil, c’était la première fois qu’il s’attelait au développement marketing. Mais M. Tanaka était déterminé à aider les pêcheurs et c’est cela qui l’aida à ne pas lâcher le morceau.

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Kitamura MoriArticles de l'auteur

Né en 1966 à Toyama. Après avoir passé un diplôme de la Faculté de droit de l’Université Keiô, il rejoint la société de presse Nikkei Home Publishing en 1992. Il effectue depuis lors quantité de tests de consommation, à commencer par la vérification de la qualité de l’hébergement dans les hôtels en tant que rédacteur pour Nikkei Adoré, Nikkei Trendy et autres magazines. Il est rédacteur en chef de Nikkei Trendy de 2005 à mars 2008, date à partir de laquelle, en tant que « journaliste produits », il porte haut la devise : « tout produit susceptible d’être acheté par les consommateurs sera évalué ». Il recueille activement des informations en province, fait des conférences et écrit des articles. Il teste ainsi des dizaines de produits et services par mois, se rend incognito dans les hôtels et les restaurants au Japon et même à l’étranger. Chargé des cours en ligne en théorie du marketing informatique pour la Cyber-Université, créée entre autres par Softbank.

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