Le stylo magique : 1,5 milliard d’unités vendues dans le monde

« Frixion », le stylo à bille effaçable, est aujourd’hui vendu en Europe depuis plus de 10 ans. Distribué dans les 170 pays couverts par la marque Pilot, la popularité du Frixion est maximale en Europe et en Asie. Plus de 20 gammes de produits différents, tels que stylos fluorescents ou tampons forment la famille des produits incorporant une encre basée sur la même technologie.

Tampons Frixion

30 modèles de tampons ont été lancés en 2014. Très populaires parmi les femmes et les enfants, la gamme comprend aujourd’hui 60 modèles. (Photo avec l’aimable autorisation de Pilot Corporation)

Le Frixion en France était à l’évidence voué au succès

Si le produit a été mis au point au Japon, le lancement sur le marché japonais n’est intervenu qu’en 2007, un an après l’Europe. À vrai dire, pour cette entreprise globale, les lancements en Europe avant le Japon ne sont pas rares. Pour le Frixion, c’est le responsable marketing du marché français qui a appuyé avec force un lancement sur ce territoire. En effet, en France, les enfants scolarisés écrivent à l’encre, et corrigent avec des liquides blancs. Dans ce contexte, proposer un stylo bille effaçable serait à l’évidence un succès.

Le modèle à poussoir est également distribué en Europe, mais c’est le type à capuchon dont les ventes sont les plus constantes depuis longtemps. Le cœur du marché est constitué d’écoliers et étudiants. Avec ce stylo effaçable, plus besoin de liquide de correction. On peut dire que ce produit a révolutionné le paysage des salles de classe en Europe.

Le stylo à bille Frixion à capuchon (Photo avec l’aimable autorisation de Pilot Corporation)

Depuis 2010 et le développement d’une encre qui ne dessèche pas dans le stylo, est apparu le modèle à poussoir tant attendu. (Photo avec l’aimable autorisation de Pilot Corporation)

Le secret de l’encre du Frixion

Le secret du stylo effaçable réside dans son encre : l’encre Frixion. Trois produits, un leuco-pigment (qui génère la couleur), un adjuvant (qui fait apparaître la couleur du pigment), et un produit stabilisateur de température sont encapsulés de façon homogène dans des microcapsules d’encre appelé « metamo-ink », ou « encre à métamorphose ». L’étape la plus complexe du développement a été d’élargir l’écart des températures de réaction du stabilisateur.

Structure de l’encre Metamo (avec l’aimable autorisation de Pilot Corporation)

Le leuco-pigment détermine la couleur de l’encre : noire, rouge, etc. Mais il n’a pas de couleur par lui-même. C’est l’adjuvant, qui, chimiquement connecté au leuco-pigment, permet à cette couleur d’apparaître. À ce moment intervient un élément essentiel, le stabilisateur de température. Il provoque une disparition de la couleur lorsque la chaleur augmente par frottement contre le papier, et lorsque la chaleur diminue, la couleur réapparaît. Changez le type de stabilisateur, et vous changerez la température à laquelle l’encre sera décolorée.

Ce graphe représente la densité de couleur de l’encre des stylos Frixion, plus ou moins faible en fonction de la diminution ou élévation de la chaleur. C’est l’élargissement de la différence entre les deux températures seuil, celle à partir de laquelle l’encre s’efface et celle à partir de laquelle elle réapparaît, qui a permis d’élargir l’univers de la papeterie.

Au départ, les températures de coloration et décoloration étaient très rapprochées.  La couleur s’effaçait ou réapparaissait trop facilement. Bien sûr, une encre qui s’efface au moindre changement de température n’est pas souhaitable. Pour obtenir un outil pratique et d’utilisation quotidienne, il était nécessaire d’écarter ces minimum et maximum de température, afin d’obtenir une encre stable à température ambiante… et qui ne réapparaisse pas une fois effacée.

C’est en 2005 que les développeurs de Pilot ont réussi à stabiliser une encre à spectre étendu de température de basculement : la couleur disparaît à plus de 65°C, et ne réapparaît qu’à -20°C. Cette technologique a permis le lancement du premier stylo à bille Frixion. L’embout-gomme est lui-même spécialement conçu pour générer une température supérieure à 65°C par frottement.

30 ans de recherche

L’idée de la gamme Frixion est née il y a plus de 40 ans dans l’esprit de l’un des chercheurs de la société Pilot. En regardant les feuilles d’automne, il a remarqué qu’elles pouvaient changer de couleur en une seule nuit. « Et si on reproduisait ce mécanisme en laboratoire ? » Le développement de la « metamo-ink » à changement de couleur à la température n’aurait jamais commencé sans lui. Très vite, ce concept a été mis au point, et un brevet déposé dès les environs de 1975, a permis la réalisation de premières applications. Par exemple, des verres en carton faisant apparaître un motif lorsqu’on les remplissait d’eau froide.

Ninomiya Sayaka de Pilot Corporation

Il aura néanmoins fallu 30 ans pour développer un stylo à bille utilisant cette technique. Comme nous l’avons dit, il fallait trouver le moyen d’élargir la différence de température grâce à un stabilisateur adéquat pour des applications en instruments d’écriture. Mais pas seulement. Il fallait aussi miniaturiser le dispositif de façon à obtenir des gouttes d’encre compatibles avec la technologie du style à bille. Les trois composants encapsulés de la metamo-ink ne facilitaient pas cet aspect essentiel.

En 2002, la compagnie Pilot a réussi à réduire la goutte d’encre minimale par 5, pour une taille de 2 à 3 microns (soit 1/40^e de l’épaisseur d’un cheveu). Puis en 2005, les développeurs ont réussi à stabiliser la différence de température à plus de 80°C (entre une température d’apparition de la couleur de -20°C et une température d’effacement de 65°C). L’application de l’encre metamo-ink au stylo effaçable était désormais possible.