Une spécialité japonaise, le développement de matériaux composites pour l'aéronautique
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Un matériau idéal qui n'aurait pas les faiblesses des métaux
L'Agence d'exploration aérospatiale japonaise (JAXA , Japan Aerospace Exploration Agency), connue internationalement pour la sonde spatiale Hayabusa ou le module expérimental de la station spatiale internationale Kibô, est aussi le seul centre de recherches aéronautiques japonais. Elles concernent des domaines très variés, depuis le développement d'équipements, tels qu'un moteur respectueux de l'environnement ou encore un avion supersonique, jusqu'aux essais de sécurité aéronautique sur simulateurs de vol.
Le MRJ de Mitsubishi Aircraft Corporation, le premier avion développé au Japon depuis un demi-siècle, fait couler beaucoup d'encre au Japon. Son fuselage utilise des matériaux composites développés par l'équipe avions de passager du programme aviation de l'agence.
Depuis le premier vol accompli il y a quelque cent dix ans par les frères Wright aux Etats-Unis, les avions ont été construits avec toutes sortes de matériaux, depuis le bois ou l'acier, en passant par la toile. Ensuite est venu le temps des composites d'aluminium ou du titane, et ces dernières années ont vu un usage grandissant de matériaux composites, dont le plastique à renfort fibre de carbone (PRFC) fournit un exemple représentatif.
La moitié des matériaux structurels du dernier Boeing est fabriquée au Japon
Le PRFC est une fibre de carbone solidifiée par une injection de résine. La fibre de carbone est bien plus légère que le fer, puisque son poids n'est qu'un quart environ de celui-ci, et en terme de poids unitaire effectif, sa densité énergétique est dix fois supérieure. Près de la moitié des matériaux de structure du B787, le dernier avion de Boeing, et le premier de l'histoire dans lequel la proportion de PRFC dans le poids des structures est supérieure à celle de l'aluminium, consiste de PRFC fabriqué au Japon. Le MRJ, mentionné plus haut, ainsi que l'A350, le nouvel Airbus qui doit faire ses débuts l'an prochain, utilisent aussi le PRFC.
Ishikawa Takashi, l'administrateur de JAXA qui est le directeur du programme aviation de l'agence présente ainsi les avantages du PRFC dans l'aéronautique : « Son poids plus léger permet des économies de carburant. Parce que le PRFC est plus dense et ne rouille pas, il permet des contrôles de maintenance plus espacés. Ce qui revient à dire que ce matériau contribue à l'environnement d'une part, et à la rentabilité des compagnies aériennes. Il a aussi des avantages pour les passagers. Un avion dont les structures sont essentiellement en aluminium doit maintenir un taux d'humidité en cabine inférieur à dix pour cent. Celui du B787 peut atteindre presque cinquante pour cent, ce qui est bien plus agréable pour les passagers. »
Une nouvelle méthode de production qui permet de réduire les coûts
La progression de la production de fibre de carbone ces vingt dernières années est un des facteurs qui expliquent pourquoi elle est aussi utilisée dans le domaine aéronautique. En 2010, elle atteignait un volume total de 27 000 tonnes, dont 70 % environ étaient fabriqués au Japon qui en est le premier producteur mondial. Le ministère de l'Economie, du Commerce et de l'Industrie japonais prévoit que le volume total produit dans le monde atteindra 125 000 tonnes en 2020, soit environ 4,5 fois la quantité produite en 2010, et qu'en 2030, et que son volume financier dans le domaine de l'industrie aéronautique sera de 3000 milliards de yens.
Pour réussir à développer ce marché, il va falloir résoudre deux problèmes, à savoir le prix et la sécurité. La fibre de carbone revient non seulement plus cher que les alliages d'aluminium, mais les prépregs (qui sont des feuilles de fibre de carbone durcie par une résine semi-dure), des produits intermédiaires pratiques pour la distribution et le traitement, ont un prix de revient élevé en raison de l'addition de particules thermoplastiques qui permettent de garantir sur la durée leur résistance. Enfin, les prépregs sont moulées à chaud dans des fours géants appelés autoclaves, qui leur donnent leur forme. Lorsqu'il s'agit d'une aile d'avion, le coût par pièce ne descend jamais plus bas que quelques dizaines de milliards de yens. JAXA, en collaboration avec un partenaire du secteur privé, a mis au point un procédé de fabrication de moulage par transfert de résine sous vide, qui permet de réduire les coûts de fabrication, le VaRTM. M. Ishikawa explique qu'il s'agit d'un procédé dans lequel on injecte dans de la fibre de carbone prise en sandwich entre deux pellicules, après l'avoir placée sous vide, de la résine à faible viscosité. Pour dire les choses simplement, ajoute-t-il, le procédé ressemble un peu à ces sacs sous vide qu'on utilise pour stocker des vêtements.
Un des avantages du procédé VaRTM est qu'il se fait sans équipement de frittage. Son désavantage, comparé au procédé conventionnel de fabrication utilisant les prépregs, est son infériorité en termes de solidité. Le procédé conventionnel est donc plus approprié pour des pièces de structure comme un fuselage d'avion. Cela a donné à JAXA l'idée d'un procédé hybride utilisant du prépreg pour les parties ayant une surface importante et plane, et des composites VaRTM pour les parties ayant une forme complexe, comme le châssis, dans l'idée de réunir l'amélioration de la qualité et la diminution des coûts.
Des applications possibles pour l'automobiles, la construction navale ou l'éolien
Les recherches se poursuivent sur la sécurité du PRFC. On sait par exemple qu'un choc sur du PRFC peut causer une exfoliation, ce qui augmente le risque qu'il soit ensuite endommagé lorsque soumis à des pressions. Comme il est actuellement impossible de réaliser une simulation numérique de ce phénomène, il faut procéder à un test sur matériaux au moment de la certification de type (système d'examen et d'homologation qui certifie qu'un aéronef remplit différents critères, dont la sécurité). Si même une partie seulement de ce test pouvait être simulée numériquement, cela permettrait de diminuer les coûts et le temps nécessaire pour cette procédure, et JAXA travaille à développer une telle simulation.
L'agence a déjà réalisé une simulation numérique de la collision entre le PRFC et un objet d'une autre nature. La comparaison des résultats des tests et de l'analyse sur ordinateur a prouvé qu'une simulation numérique exacte est possible. M. Ishikawa en est fier, car il y voit un résultat de recherche de pointe au niveau mondial.
Les préregs dans lesquels on a dispersé dans de la résine des nanofibres du type empilées, c'est-à-dire des nanotubes de carbone de dernière génération, attirent une grande attention. L'application des nanotechnologies permet d'élargir les possibilités de la fibre de carbone en lui donnant de nouvelles fonctions. Les applications des spécificités des fibres de carbone ne sont pas limitées au domaine aéronautique. Elles peuvent êtres utilisée dans bien d'autres domaines, l'automobile, l'énergie éolienne, les machines industrielles, ou encore les bateaux. On attend beaucoup de leur contribution, tant sur le plan de l'environnement que sur celui des coûts. C'est le début d'une nouvelle ère, dans laquelle le carbone, l'élément dont on en a fait le "vilain" du réchauffement climatique, pourra servir à l'humanité tant sur le plan de l'écologie que de l'économie.
* Les titres des personnes citées dans cet article sont ceux qu'elles avaient au moment de la rédaction de cet article.
(Original en japonais écrit par Hayashi Aiko. Photographies de Hans Sautter.)