Un pionnier de la recherche sur les cellules souches
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Le CiRA, un laboratoire à la pointe de la technologie cellulaire
Les premières cellules souches pluripotentes induites (iPS) ont été développées par le professeur Yamanaka Shinya de l’Université de Kyoto. La production de ces nouvelles cellules constitue une avancée majeure dans la recherche sur les cellules souches et elle ouvre de vastes perspectives dans le domaine des traitements thérapeutiques. Les cellules iPS sont le fruit d’une manipulation génétique. Ce sont des cellules adultes reprogrammées pour se comporter comme des cellules souches embryonnaires. Il suffit d’introduire quatre gènes spécifiques dans un petit échantillon de cellules de la peau, pour que celles-ci deviennent capables de se différencier en n’importe quel type cellulaire et de se multiplier quasi indéfiniment. Les cellules iPS peuvent se transformer en n’importe quel type de cellule ou d’organe, y compris les os, le cœur, les nerfs, le foie et le sang.
Ce qui fait le caractère unique des cellules iPS, c’est leur capacité à se multiplier pratiquement sans limites et à se différencier en n’importe quel type de cellule. Le mécanisme est le même que celui qui est à l’œuvre quand un ovule fécondé se divise en des millions de cellules qui se différencient pour former des organes ou quand la peau ou les vaisseaux sanguins se régénèrent après une blessure. Les cellules souches induites artificiellement ont la capacité de se transformer en différentes cellules par un processus de division et de différenciation.
Les cellules embryonnaires (ES) ont des propriétés similaires. Mais leur exploitation a soulevé diverses questions éthiques du seul fait qu’elles proviennent d’embryons. Les cellules iPS peuvent être développées à partir de cellules somatiques — un terme générique qui s’applique aux cellules qui ne peuvent pas produire de gamètes (spermatozoïdes et ovules) ni transmettre à leur descendance les mutations qu’elles ont subi. De ce fait, elles ne posent aucun des problèmes éthiques liés aux cellules embryonnaires. Yamanaka Shinya a mis au point une technique efficace et facile à mettre en œuvre pour transformer des cellules somatiques en cellules pluripotentes. Les chercheurs sont en train d’évaluer les risques éventuels de réactions de rejet immunitaire et de formation de tumeurs que pourrait provoquer la transplantation de cellules iPS. S’ils réussissent à surmonter ces problèmes et à confirmer que les iPS peuvent être développées en toute sécurité, les cellules souches pluripotentes induites devraient trouver toutes sortes d’applications thérapeutiques.
La plus prometteuse de ces applications, c’est la médecine régénérative. Prenons l’exemple d’un patient atteint d’une grave maladie du cœur. Des cellules iPS développées à partir d’un prélèvement de sa peau pourraient être reprogrammées pour se diviser et se différencier en cellules cardiaques, puis être transplantées dans son cœur. Dans ce cas, les chances de réaction de rejet immunitaire sont minimes parce que le greffon est obtenu à partir de cellules du patient.
Les cellules iPS pourraient aussi être utilisées pour produire des cellules ou des organes présentant des symptômes similaires à ceux de diverses maladies incurables. Ce type de recherche permettrait de faire de grands progrès dans l’identification des causes des dites maladies et la mise au point de médicaments efficaces pour les soigner.
Des plaquettes issues de cellules iPS humaines
Le Centre de recherche et d’application des cellules souches induites (CiRA) de l’Université de Kyoto se compose de quatre pôles de recherche : le Département de la reprogrammation des cellules, le Département de la croissance et de la différenciation cellulaire, le Département des applications cliniques et le Département de la réglementation scientifique. Le laboratoire du professeur Etô Kôji, qui fait partie du Département des applications cliniques, a concentré essentiellement ses recherches sur les techniques permettant d’obtenir différents types de cellules sanguines à partir de cellules iPS. Etô Kôji et son équipe ont réussi à mettre au point une méthode de production de grandes quantités de plaquettes à partir de cellules iPS.
Quand la peau ou les vaisseaux sanguins sont endommagés, les plaquettes se précipitent à l’emplacement de la lésion pour éviter que le sang ne continue à couler. La thrombocytopénie est une anomalie caractérisée par une diminution du nombre des plaquettes de 50 % par rapport au chiffre de référence, diminution qui entrave la coagulation sanguine et aggrave les risques d’hémorragie. Le traitement implique en général une transfusion de plaquettes sanguines. Mais celles-ci sont fragiles et avec les techniques actuelles, on ne peut les conserver que quatre jours après les avoir collectées. Dans certains secteurs, on manque de plaquettes. Par ailleurs les transfusions répétées provoquent l’apparition d’anticorps antiplaquettaires — dont la plupart sont produits en réaction aux antigènes d’histocompatibilité humains (HLA(*1)) du donneur de plaquettes. Le risque est donc que les plaquettes soient rapidement éliminées à cause d’une réaction de rejet immunitaire du patient.
« Si l’on réussissait à produire des plaquettes de manière artificielle, la médecine ne serait plus tributaire des dons de sang et il n’y aurait plus de problèmes d’approvisionnement. Qui plus est, l’utilisation de plaquettes venant de cellules iPS produites à partir de cellules somatiques prélevées sur le patient éviterait tout problème de réaction de rejet immunitaire », explique Takayama Naoya, professeur assistant au CiRA de Kyoto. Avant de rejoindre le CiRA, Takayama Naoya a exercé en tant qu’hématologue et il dit qu’à l’époque, son souhait le plus cher était que l’on puisse « fabriquer des plaquettes dans des éprouvettes ».
Takayama Naoya effectue des recherches sur les cellules souches pluripotentes et les cellules sanguines depuis de nombreuses années. Il a réussi à produire des mégacaryocytes, des cellules géantes de la moelle épinière responsables de la production des plaquettes sanguines, et à obtenir des plaquettes à partir de ces cellules. Une expérience avec des souris — dont les vaisseaux sanguins ont été endommagés au rayon laser et qui ont reçu une transfusion de plaquettes dérivées de cellules iPS humaines — montre que les plaquettes fonctionnent normalement et se réunissent autour de la lésion pour faire coaguler le sang et arrêter l’hémorragie.
(*1) ^ HLA est un acronyme pour Human Leucocyte Antigen, en français antigènes d’histocompatibilité humains.
Les antigènes d’histocompatibilité humains sont présents dans pratiquement toutes les cellules du corps. Ces molécules, situées à la surface des cellules, permettent au système immunitaire d’identifier les cellules étrangères qui ont un autre type de HLA. Les antigènes d’histocompatibilité humains jouent un rôle capital dans le processus de transplantation de cellules dans la mesure où ils tendent à éliminer toute cellule « étrangère ».
Vers des applications thérapeutiques
« Nous savons que le recours aux cellules iPS pose un risque de formation de tumeurs » ajoute Takayama Naoya. « Mais les plaquettes et les globules rouges sont dépourvus de noyau et donc incapables de se diviser et de donner lieu à l’apparition de tumeurs. Ce qui revient à dire qu’on peut les utiliser en toute sécurité pourvu qu’on les transplante après une irradiation pour éviter la prolifération d’autres cellules. De ce point de vue, on peut dire que, dans le domaine de l’hématologie, la recherche en matière d’iPS devrait aboutir rapidement à des applications thérapeutiques. »
En fait, la médecine a besoin d’un grand nombre de plaquettes sanguines. D’après Takayama Naoya, des recherches sont en cours pour mettre au point une technique permettant d’obtenir des plaquettes stables. Il espère que, dans l’avenir, il sera possible de produire, à partir de cellules iPS, des cellules souches hématopoïétiques qui sont à l’origine de toutes les cellules sanguines. Cela permettrait de soigner les maladies du sang contre lesquelles il n’y a pas encore de traitement efficace.
« Les objectifs des chercheurs du CiRA vont de la recherche fondamentale à des projets, comme celui des plaquettes sanguines, orientés vers les applications thérapeutiques. Nous envisageons de créer dans l’avenir une banque de cellules iPS à usage médical. Un des atouts du CiRA, c’est que les recherches se déroulent dans un contexte interdisciplinaire, avec des laboratoires ouverts. Ma spécialité, c’est l’hématologie, mais je dois beaucoup aux échanges d’idées que j’ai chaque jour avec des chercheurs qui travaillent dans d’autres domaines de la médecine ou qui se consacrent à la recherche fondamentale. Et ces échanges d’idées m’éclairent grandement sur ma propre recherche. »
« Nous avons commencé à produire de grandes quantités de plaquettes en utilisant les cellules iPS les plus aptes à donner des plaquettes. » conclut Takayama Naoya.
Les technologies d’ingénierie des cellules iPS ont fait l’objet de brevets en Europe et aux Etats-Unis et des études sont également en cours pour développer le potentiel commercial de cette découverte. Un certain nombre de rapports scientifiques font état de différenciation réussie de cellules iPS humaines en cellules nerveuses, musculaires et autres. Voilà un domaine qu’il va falloir surveiller de près pendant les années à venir.
(Original en japonais écrit par Ushijima Bifue.Photographies de Hans Sautter.)