Les hôtesses philippines au Japon, entre mariage fictif et traite illégale

Société

Beaucoup de Philippines viennent au Japon et y travaillent comme hôtesses, dans des établissements connus sous le nom de « bars philippins », pour gagner de l’argent et venir en aide à leurs familles. De plus en plus fréquemment, elles entrent illégalement, en se procurant un visa par le biais d’un mariage blanc, et deviennent par la même occasion des proies faciles pour les intermédiaires sans scrupules qui les exploitent.

Une chance d’échapper à la pauvreté dans leur pays

C’est pour venir en aide à leurs familles que bien des Philippines viennent au Japon pour y gagner de l’argent. Dans leur pays, elles vivent misérablement dans des logis délabrés. Peut-être ont-elles du mal à manger ne serait-ce qu’un repas par jour et, bien souvent, elles ne vont pas à l’école. Pour se nourrir, certaines travaillent comme employées de maison chez des proches aisés. Elles se demandent comment améliorer leur situation, et c’est alors qu’elles entendent parler de la possibilité de se rendre au Japon.

« Si vous arrivez à entrer au Japon, c’est une superbe opportunité », dit une de ces femmes. « Si vous la laissez passer, il n’y en aura pas d’autre. Voilà pourquoi, même si le contrat est dur et qu’il n’y a pas de liberté, vous devez vous y résoudre pour arriver jusqu’ici. Une fois le contrat achevé, vous retrouvez votre liberté. »

Les femmes peuvent gagner correctement leur vie une fois le contrat terminé. Elles peuvent espérer être en mesure d’envoyer leurs frères et sœurs à l’école, ou de vivre dans une grande maison après leur retour aux Philippines et avoir leurs propres domestiques. Sans compter que la vie au Japon n’est pas tout le temps pénible pour les hôtesses. Elles peuvent se livrer à des occupations plaisantes, comme acheter des produits de beauté et de beaux vêtements, voir pour la première fois la neige et peut-être même avoir discrètement un rendez-vous amoureux. Il arrive aussi qu’elles construisent avec leurs intermédiaires une relation de confiance suffisante pour obtenir un peu de liberté.

« Je ne veux pas que les gens me plaignent », m’a dit une femme que j’ai interviewée. « C’est moi qui ai choisi de venir au Japon. Tous les intermédiaires ne sont pas mauvais. »

Les inégalités économiques entre le Japon et les Philippines sont à l’évidence l’une des causes des mariages fictifs. Dans un pays où les chances de gravir les échelons semblent très minces, même l’offre d’un intermédiaire peut être accueillie favorablement par bien des femmes. Et il peut même arriver que l’opportunité de venir au Japon débouche sur un mariage légitime avec un Japonais et la formation d’une nouvelle famille.

La politique confuse du gouvernement japonais, qui a autorisé les Philippines à rester de nombreuses années dans le pays avec un visa d’artiste de spectacle avant de serrer soudain la vis en 2005, a elle aussi constitué un facteur déterminant. Mais si les autorités décident maintenant de sévir contre les mariages de complaisance, les intermédiaires vont tout simplement trouver d’autres moyens pour faire entrer des femmes dans le pays. S’il devenait plus difficile de se procurer des hôtesses, la situation des femmes risquerait de se détériorer du fait de l’allongement de leurs contrats et de la réduction de leurs libertés.

Plutôt que de chercher à mettre un terme à la pratique bien établie qui veut que des Philippines viennent au Japon pour y gagner de l’argent, le législateur devrait déjà s’interroger sur les raisons qui les poussent à agir ainsi. Et je pense aussi qu’il faudrait surtout s’activer à créer un environnement qui leur permette de travailler en toute conformité et sur un pied d’égalité avec les intermédiaires.

(D’après un original en japonais publié le 30 mars 2018. Photo de titre : Pixta)

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