Au Japon, les chiens et les chats peuvent-ils aller au paradis ?

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Ukai Hidenori [Profil]

Un nombre croissant de Japonais qui sont propriétaires d’un animal aimeraient pouvoir célébrer un office funéraire lorsque celui-ci meurt, à l’instar d’un être humain. Au sein du monde bouddhique, ce désir fait aujourd’hui débat. L’auteur, qui est également un religieux, fait le point sur les pratiques japonaises à cet égard depuis les temps anciens.

L’enterrement de Hachikô

Un autre chien japonais mérite peut-être encore plus d’attention. Il s’agit de Hachikô, dont la célèbre statue est érigée devant la gare de Shibuya à Tokyo. Tous les Japonais connaissent cet animal, et le film américain Hachi, dans lequel jouait Richard Gere, lui a valu une célébrité mondiale.

Hachikô était le chien d’Ueno Eizaburô, un professeur de la faculté d’agriculture de l’Université impériale de Tokyo (aujourd’hui Université de Tokyo). Chaque matin, il accompagnait son maître à cette gare, la plus proche de son domicile, et revenait le chercher le soir. Mais lorsque son maître mourut foudroyé par une crise cardiaque sur son lieu de travail, en 1925, un an après son adoption chez Ueno, le chien continua à se rendre à la gare pour attendre son maître, jusqu’à sa propre mort dans la rue dix ans plus tard, en 1935.

Déjà à cette époque, ce chien était célèbre pour son dévouement. Sa mort a alors été un grand événement : son corps fut exposé devant la gare, et on décida d’organiser pour lui un service funéraire, comme pour un être humain, célébré par 16 bonzes dans l’enceinte de la gare.

La famille du propriétaire défunt de Hachikô se recueille devant la dépouille du fidèle chien à la gare de Shibuya, en mars 1935.

Hachikô fut ensuite empaillé, et il est possible de le voir à la faculté d’agriculture de l’Université de Tokyo. Il a aussi sa propre tombe dans le cimetière d’Aoyama à Tokyo, qui se trouve à côté de celle de son maître. Elle reçoit encore beaucoup de visiteurs 80 ans après la mort de ce chien fidèle.

La tombe de Hachikô, qui ressemble à une niche

Les enterrements d’animaux familiers ont donc une longue histoire au Japon. Les Japonais sont vivement conscients du fait qu’ils vivent en coexistence avec la nature, et ils savent en prendre soin même lorsqu’elle meurt. Peut-être priait-on déjà pour le repos posthume des chiens de chasse qui auraient été domestiqués à l’époque Jômon (dans la préhistoire japonaise, jusqu’au IVe siècle avant notre ère)...

Vouloir enterrer son animal familier au même endroit que soi est naturel. Le bouddhisme peut-il véritablement prêcher la miséricorde s’il rejette ce souhait ?

(Toutes les photos ont été fournies par l’auteur, sauf la photo de titre par Jiji Press : chaque avril a lieu un service commémoratif pour le chien Hachikô devant la gare de Shibuya à Tokyo.)

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Ukai HidenoriArticles de l'auteur

Journaliste indépendant, mais aussi moine bouddhiste. Né à Kyoto en 1974. Ses sujets sont liés à la religion et à la société. Après ses études à l’université Seijō, il travaille comme journaliste pour des quotidiens et des magazines, et devient freelance en janvier 2018. Il est aussi abbé adjoint du temple familial, le Shōkaku-ji à Kyoto, qui appartient à l’École de la Terre pure (Jōdo Shū), et chercheur au Jōdo Shū Research Institute.

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