Pour sauver les forêts du Japon, place aux jeunes indépendants !

Société

Satô Noriko [Profil]

L’exode rural et la baisse du prix du bois ont entraîné une diminution de nombre d’exploitants forestiers, sans compter l’augmentation du nombre de forêts dont l’entretien n’est pas assuré. Pour retrouver la vitalité du secteur, tous les regards sont tournés vers de jeunes Japonais passionnés qui ont quitté la ville pour s’installer en campagne.

Exploiter une forêt sans la posséder ?

Ces néo-ruraux se livrent ainsi à ce qu’on appelle « l’exploitation forestière indépendante ». Une ONG a ainsi été créée en 2014 afin de promouvoir ce type de sylviculture, à travers des rencontres et des stages menés dans tout le Japon avec le soutien des collectivités locales.

Jusqu’ici, la sylviculture classique à petite échelle résidait en l’exploitation familiale des forêts par les propriétaires eux-mêmes. Elle subissait toutefois des problèmes liés à la succession : de nombreux enfants de propriétaires décidaient ne pas poursuivre le labeur de leurs parents. L’exploitation forestière indépendante, elle, a pour particularité de permettre à des jeunes, même des citadins qui ne possèdent pas de forêts, d’y travailler en famille ou avec des amis de la même manière que le faisaient les exploitants forestiers propriétaires de forêts.

Concrètement, leur travail consiste à sélectionner soigneusement les arbres à élever et à abattre, qu’ils coupent ensuite petit à petit, lorsque cela est nécessaire, en utilisant des machines de petite taille, en réduisant la longueur des trajets, et donc en minimisant l’impact sur l’environnement alentour. Ils augmentent la fréquence des abattages d’entretien à petite échelle (kanbatsu), tandis que les abattages axés sur la récolte de bois (shubatsu) portent désormais sur des arbres deux fois plus vieux que la normale (entre 40 et 50 ans). Leur travail permet ainsi de protéger la faune et la flore des forêts, et de réduire les glissements de terrain. Comparé aux exploitations forestières à grande échelle recherchées jusqu’à présent, le travail de l’exploitation forestière indépendante a un impact moins lourd sur la forêt, et se trouve être bénéfique du point de vue environnemental.

Un aspect essentiel : l’association entre les néo-ruraux et les propriétaires de forêts

Désormais, l’avenir de cette nouvelle occupation sera déterminé par la capacité des jeunes qui ne possèdent pas de forêts à acquérir la confiance des propriétaires de celles-ci, afin de se voir confier leur gestion et leur entretien.

Les types de relations qui existent entre les deux parties sont très divers. Les exploitants peuvent acheter des arbres aux propriétaires, ou se voir confier la tâche d’abattage d’entretien. Ils peuvent aussi décider de partager les bénéfices d’une manière autre que pécuniaire.

Certaines collectivités locales ont créé des instances qui mettent en contact des propriétaires de forêts et des néo-ruraux, et un nombre croissant d’entre elles voient ce nouveau type d’exploitation forestière comme une mesure de lutte contre le dépeuplement rural.

Au niveau national aussi, un système d’approvisionnement stable de bois grâce aux propriétaires de forêts commence à être mis en place. Grâce à la nouvelle loi de gestion des forêts adoptée en mai 2018, le droit de gestion d’une forêt qui ne peut pas être entretenue comme elle le devrait par son propriétaire peut être transféré à un exploitant forestier qui a la capacité et la volonté de se charger de la tâche. Elle promeut aussi les abattages pour récolte du bois, considérant la forêt comme une industrie en croissance, ce qui constitue un changement d’orientation.

Le Japon a été frappé ces dernières années par de nombreuses catastrophes naturelles comme les inondations ou les tremblements de terre. Déterminer à qui revient l’exploitation de la forêt et comment s’en charger est devenu une question primordiale. Nous sommes à un tournant qui décidera de sa forme future. De grandes attentes sont placées dans l’exploitation forestière indépendante, une activité à petite échelle menée par des jeunes, différente de l’exploitation forestière à grande échelle du siècle dernier.

(Photo de titre : de jeunes exploitants forestiers indépendants transportent du bois abattu, dans la ville de Kamogawa, préfecture de Chiba. Avec l’aimable autorisation de l’Association pour la promotion de l’exploitation forestière indépendante)

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Satô NorikoArticles de l'auteur

Professeur à la faculté d’agriculture de l’Université de Kyûshû. Née en 1961 dans la préfecture de Fukuoka. Spécialiste en politique forestière, elle obtient son doctorat sylviculture à l’Université de Kyûshû en 1989 et y est nommée professeur en 2007. Depuis septembre 2016, elle publie chaque mois une chronique intitulée « Voyages au cœur de la gestion forestière » dans la revue « L’industrie forestière aujourd’hui ». Présidente de l’ONG « Réseau des forêts de Kyûshû », elle est membre du comité sur l’aménagement du territoire du ministère du Territoire, des Infrastructures et des Transports, et du comité sur le dépeuplement des zones rurales du ministère des Affaires intérieures et des Communications.

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