Être métis au Japon [2] : des épreuves au quotidien

Société

Shimoji Lawrence Yoshitaka [Profil]

Discriminations raciales au niveau privé ou professionnelle : le quotidien des métis (hâfu) au Japon est compliqué notamment en raison de leur apparence. Le sociologue Shimoji Lawrence Yoshitaka, dont la mère est métisse, présente à travers leurs témoignages les expériences qu’ils ont vécues.

Établir des règles contre le racisme au travail

Des métis sont victimes de harcèlement à caractère racial au travail, où chacune de leurs actions est observée et jugée pour savoir s’ils se comportent de manière « japonaise » ou « étrangère ». Même s'il n'y a pas de mauvaise intention derrière ce genre de pratique, elle peut avoir un impact lourd sur le moral lorsqu’elle est répétée au quotidien. Certes, ces derniers temps, la réforme du travail et l'équilibre entre vie privée et professionnelle sont au centre des préoccupations du gouvernement japonais, et de plus en plus d'entreprises établissent des directives contre le harcèlement sexuel et les discriminations concernant l’orientation sexuelle et les identités de genres. Cependant, alors qu'il y a non seulement un nombre grandissant de travailleurs étrangers, mais aussi de plus en plus Japonais aux origines diverses, les mesures à leur encontre restent très insuffisantes. Il est urgent de mettre en place des règles dans les entreprises afin de lutter contre la discrimination raciale.

En ce qui concerne la recherche d'emploi, toutes les expériences ne sont pas forcément négatives : certains parviennent à se faire embaucher en mettant volontairement en avant leur identité internationale. Mais en réalité, la plupart des métis souffrent d’un accès inégal à l’emploi en raison de leur apparence physique. Pour les hâfu ayant un parent venant d'un pays d'Asie de l'Est, leur expérience est différente : considérés comme Japonais du fait de leur apparence « asiatique », ils sont contraints de taire leurs origines étrangères car ils redoutent d'être discriminés à l'embauche.

Dans la vie de tous les jours, l'apparence extérieure est un des facteurs qui rend la vie des hâfu compliquée. Il n’est pas rare qu’ils se voient catégorisés comme des étrangers ne parlant pas japonais ou qu’ils subissent des propos malveillants et des regards en coin…

Il reste encore beaucoup à découvrir sur l’histoire des métis au Japon après la guerre, leurs identités variées et leur situation sociale. Ce manque de compréhension engendre des opinions préconçues à leur sujet : sans changement, les hâfu continueront à être soit assimilés, soit exclus, et les stéréotypes ne disparaîtront pas de la société.

Comme je l’ai expliqué dans mon précédent article, de plus en plus de métis partagent ouvertement leur vécu. Il est important de leur tendre l'oreille afin de revoir les modes de communication dans un Japon de plus en plus multiculturel.

(Photo de titre tirée d'un album photo précieusement gardé par la mère de l'auteur. Photos de la grand-mère et mère de l'auteur à gauche et de son grand-père à droite.)

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Shimoji Lawrence YoshitakaArticles de l'auteur

Né en 1987. Il obtient un doctorat de la faculté de sciences sociales de l’Université Hitotsubashi. Sa spécialité est la sociologie et les études sociales internationales. Il travaille actuellement en tant que coordinateur au Centre pour l'égalité hommes-femmes de l'arrondissement de Minato (Tokyo). Parmi ses ouvrages publiés : Konketsu to Nihonjin : hâfu, daburu, mikkusu no shakaishi (« Métis et Japonais – Histoire sociale des hâfu, daburu et mikkusu », Seidosha, 2018). Il gère le site Internet de partage d'informations « HAFU TALK » pour les Japonais métis et personnes d’origines étrangères.

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