Être métis au Japon [1] : histoire et réflexion

Société

Les Japonais métis, appelés hâfu (de l’anglais « half »), suscitent un regain d’attention depuis la notoriété de la joueuse de tennis Osaka Naomi ou encore l’élection de Tamaki Denny au poste de gouverneur de la préfecture d’Okinawa. L’auteur de cet article, Shimoji Lawrence Yoshitaka, connaît bien le sujet : sa mère est une japonaise métisse, qui au cours de sa vie s’est vue catégorisée comme konketsu (littéralement « de sang-mêlé »), hâfu (« métisse») ou encore amérasienne. Il revient sur les nombreuses dénominations attribuées au métis au Japon depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et propose une réflexion sur l’identité japonaise dans un pays où de plus en plus d’habitants possèdent des origines diverses.

Les problèmes de discrimination mis en évidence sur les réseaux sociaux

Depuis la seconde moitié des années 2000, l’État japonais entreprend des initiatives pour promouvoir la symbiose des cultures. Mais dans la plupart des cas, ces activités veulent faire coexister d’un côté les étrangers et de l’autre les Japonais. Les hâfu ne sont pas pris en compte par ces initiatives, alors qu’ils subissent des expériences douloureuses au quotidien. Ils n’ont d’autre que choix que de faire face eux-mêmes à ces actes discriminatoires à l’école, à l’embauche ou au mariage.

Parallèlement, à mesure que leur communauté s’agrandit, de plus en plus de hâfu s’expriment ouvertement sur leur vécu et leur identité, permettant une prise de conscience sociale du problème. En particulier, le développement des technologies de l’information leur permet de renforcer leurs activités, surtout via les réseaux sociaux. Ces problèmes de discrimination raciale, invisibles depuis la fin de la guerre, sont ainsi graduellement mis en évidence.

Jusqu’à récemment, l’image d’un hâfu pour la population japonaise revenait souvent à celle d’une personnalité du petit écran ou d’un sportif. Mais aujourd’hui, grâce aux nombreux témoignages de première main, cette représentation stéréotypée et les mots et expressions utilisés pour les désigner évoluent peu à peu.

Le plan du gouvernement japonais d’accélération de l’accueil d’étrangers fait actuellement couler beaucoup d’encre (voir notre dossier spécial). Mais ce que le débat néglige de prendre en compte, c’est qu’en dehors de la communauté grandissante des hâfu, le Japon lui-même se diversifie, à l’image des zainichi (descendants de Coréens) et des ressortissants étrangers qui ont été naturalisés.

Ne pas simplifier une réalité complexe

Malgré cette revue des différents termes utilisés pour désigner les métis au Japon et de leur contexte historique, de nombreuses questions demeurent : « Comment faut-il les appeler ? », « Qu’est-ce que véritablement un hâfu ? », « Comment vivent-ils leur identité au quotidien ? »

Même s’il est difficile d’apporter des réponses, une chose est claire : il n’est ni acceptable ni nécessaire qu’une tierce personne décide arbitrairement de l’identité d’un groupe. Quand un métis utilise un des nombreux mots qui existent au Japon pour parler de lui-même, il y a une raison particulière, une volonté de mettre en avant la connexion entre deux identités, d’exprimer facilement ses origines à autrui ou de communiquer la complexité de son identité.

Afin de réellement saisir la réalité de la vie au quotidien des métis au Japon, il suffit alors d’accepter cette complexité telle quelle. Nul besoin de la simplifier ou de la catégoriser. Il est important d’adopter cette perspective lorsque l’on observe une société telle que celle du Japon, dans laquelle il existe déjà une grande diversité.

(Photo de titre : la mère de l’auteur, à droite, avec son amie. Photo avec l’aimable autorisation de Shimoji Lawrence Yoshitaka)

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