Être métis au Japon [1] : histoire et réflexion

Société

Les Japonais métis, appelés hâfu (de l’anglais « half »), suscitent un regain d’attention depuis la notoriété de la joueuse de tennis Osaka Naomi ou encore l’élection de Tamaki Denny au poste de gouverneur de la préfecture d’Okinawa. L’auteur de cet article, Shimoji Lawrence Yoshitaka, connaît bien le sujet : sa mère est une japonaise métisse, qui au cours de sa vie s’est vue catégorisée comme konketsu (littéralement « de sang-mêlé »), hâfu (« métisse») ou encore amérasienne. Il revient sur les nombreuses dénominations attribuées au métis au Japon depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et propose une réflexion sur l’identité japonaise dans un pays où de plus en plus d’habitants possèdent des origines diverses.

De nombreuses expressions similaires

Aujourd’hui hâfu est le terme le plus communément utilisé, mais il existe de nombreuses expressions similaires pour désigner des personnes ayant des origines autres que japonaises.

Après la Seconde Guerre mondiale, les enfants nés de soldats américains et de femmes japonaises étaient qualifiés de konketsuji (littéralement « enfants de sang-mêlé »). Par la suite, de nouveaux termes ont vu le jour, créés par des groupes de soutien, les médias et les métis eux-mêmes :

Kokusaiji (« enfant international ») : couramment utilisé par les groupes de soutien, les mouvements sociaux et également en recherche universitaire. Le terme a été conçu pour remplacer celui de konketsuji, considéré comme discriminatoire. Il a été en particulier employé au cours des mouvements de soutien aux enfants sans nationalité d’Okinawa et aux enfants philippo-nippons.

Daburu (de l’anglais « double ») : souvent utilisé pour souligner une identité composée de deux langues et cultures, en opposition à hâfu, considéré comme réducteur car il laisse entendre que la personne est une « moitié ». Le terme plus positif de daburu est utilisé pour mettre en avant l’héritage des deux parents. Les médias l’ont repris dans les années 1990, dans un contexte de mouvements sociaux et de films promouvant l’identité des métis. Certains métis se sont appropriés le terme, alors que d’autres le critiquent car ils estiment qu’il n’est pas représentatif de ce qu’ils sont.

Kuôtâ (de l’anglais « quarter ») : utilisé pour les enfants de hâfu, ou plus récemment pour indiquer qu’une personne possède plus de deux origines. Le sens du terme continue à évoluer et peut signifier différentes choses en fonction de celui qui l’utilise.

Mikkusu (de l’anglais « mix ») : terme inspiré de « mixed race », souvent utilisé dans les pays anglophones pour mettre l’accent sur la diversité des origines. Cependant, c’est un terme qui peut être considéré comme inapproprié selon le contexte.

Jafrican et

Blasian : mots-valises fréquemment employés ces dernières années, composés de l’anglais « Japanese » et « African », et « Black » et « Asian ».

Amerasian : mélange de « American » et « Asian ». Utilisé en particulier par les mouvements sociaux et les groupes de soutien pour les écoles gratuites dans les années 1990 à Okinawa. À l’origine, il s’agissait d’un mot créé après-guerre pour désigner les enfants nés de soldats américains et de femmes asiatiques.

Hapa : terme hawaïen pour « métis », parfois employé au Japon, notamment sur les réseaux sociaux.

Le champ sémantique couvert par ces mots, ainsi que leurs significations sociales, leurs importances politiques et historiques, et l’intention derrière leur emploi sont très variés.

Ces termes divers et variés étaient mis en avant par les mouvements sociaux dans un but précis, à savoir la revendication de droits pour les métis, et leur portée était significative. Mais cette diversité de mots similaires est à l’origine de la difficulté de saisir l’identité et l’existence des métis dans la société japonaise.

Enfants ayant reçu une « éducation daburu » en japonais et en anglais à la Amerasian School in Okinawa de la ville de Ginowan. (Photo de 2002 lors de la célébration du 30e anniversaire du retour d’Okinawa sous la souveraineté japonaise. Jiji Press)

Suite > Évolution et contexte social d’après-guerre

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