Les tenants et aboutissants de l’accord de partenariat économique Japon-UE

Économie

Le gouvernement du président Donald Trump a annoncé son intention de mettre en œuvre des politiques protectionnistes, et les frictions commerciales entre les États-Unis et la Chine sont en train de s’aggraver. Dans ce contexte, l’accord de partenariat économique signé en juillet par le Japon et l’Union européenne peut être interprété comme une tentative en vue de repousser les menaces qui pèsent sur le système international des échanges.

Parer aux menaces qui pèsent sur le système international des échanges

Si l’APE Japon-UE revêt une grande importance, c’est aussi parce qu’il fait obstacle aux menaces qui pèsent sur le système international des échanges fondé sur le droit.

Sous la présidence de Donald Trump, les États-Unis ont annoncé qu’ils allaient sans délai mettre en œuvre toute une série de politiques commerciales protectionnistes. Ce parti pris est flagrant dans les renégociations de l’ALE US-Corée comme de l’ALENA. Les politiques commerciales en question minent la confiance placée dans le système international des échanges fondé sur le droit. Emblématiques à cet égard sont le recours à la Section 232 de la Loi sur l’expansion du commerce, sous prétexte de menaces à la sécurité nationale et l’imposition de droits de douane à la Chine par le biais de la Section 301 de la Loi sur le commerce, une initiative qui est une parfaite incarnation de la politique d’America first (« l’Amérique d’abord »).

Il existe de nombreux problèmes avec la Chine et d’autres économies de marché émergeantes, et ces difficultés vont bien au-delà de la protection de la propriété intellectuelle et des entreprises publiques. Mais la guerre commerciale ne peut pas constituer une réponse à ces questions. L’attitude adéquate consisterait à promouvoir des politiques économiques fondées sur les règles internationales et à intégrer les économies concernées au sein d’un système international des échanges fondé sur le droit. En agissant comme ils le font aujourd’hui, les États-Unis vont dans la direction opposée.

Le fait que l’APE Japon-UE entre en vigueur dans un tel contexte est lourd de signification, car le message envoyé au monde sur la nécessité d’un système international des échanges fondé sur le droit s’en trouve renforcé. En dépit des divergences entre les points de vue adoptés au sein de l’UE, on peut considérer que la reconnaissance officielle par les États membres de la volonté affichée par Bruxelles de mener à terme l’APE avec le Japon reflète la montée du sentiment d’urgence au sein de l’Europe.

Si l’APE Japon-UE entre en vigueur, il en résultera probablement, à un degré ou à un autre, une réorientation des échanges, par laquelle l’UE se substituera aux États-Unis en tant que pourvoyeur des exportations à destination du Japon, et une réorientation de l’investissement, sous la forme d’un transfert des investissements vers l’Europe plutôt que vers les États-Unis. Aussi modeste que puisse être l’impact de ces phénomènes sur l’économie prise dans son ensemble, il n’en reste pas moins que l’émergence d’une situation clairement désavantageuse pour les États-Unis est susceptible de faire évoluer la situation politique à l’intérieur de ce pays. Il n’est pas exclu que les États-Unis se retrouvent encore plus à la traîne que ses habitants ne l’imaginent dans le domaine de l’élaboration des règles internationales. Si le CPTPP entre en vigueur à peu près à la même date que l’APE Japon-UE, l’impact sur la politique intérieure des États-Unis s’en trouvera encore renforcé.

Bien que les négociations piétinent depuis un certain temps, il semble désormais que le RCEP, ou Partenariat économique régional global (connu également sous l’appellation ALE ASEAN+6), débouchera sur un large accord avant la fin de l’année. La politique intérieure des États-Unis échappe à notre contrôle. Nous n’en devons pas moins faire notre possible pour obtenir de ce pays qu’il assume à nouveau son rôle de porte-étendard du libre échange et de fer de lance dans l’élaboration des réglementations internationales. Impliqué comme il l’est dans les méga-ALE que constituent l’APE Japon-UE, le CPTPP, et le RCEP, le Japon se trouve dans une situation où il a un grand rôle à jouer.

(D’après un original publié en japonais le 1er octobre 2018. Photo de titre : à partir de la gauche, Jean-Claude Junker, président de la Commission européenne, Abe Shinzô, Premier ministre japonais, et Donald Tusk, président du Conseil européen, souriant dans le Bureau du Premier ministre à Tokyo, après la signature de l’accord de partenariat économique et la conférence de presse conjointe du 17 juillet 2018. Jiji Press)

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