Les tenants et aboutissants de l’accord de partenariat économique Japon-UE

Économie

Kimura Fukanari [Profil]

Le gouvernement du président Donald Trump a annoncé son intention de mettre en œuvre des politiques protectionnistes, et les frictions commerciales entre les États-Unis et la Chine sont en train de s’aggraver. Dans ce contexte, l’accord de partenariat économique signé en juillet par le Japon et l’Union européenne peut être interprété comme une tentative en vue de repousser les menaces qui pèsent sur le système international des échanges.

Des réglementations internationales conçues pour stimuler les réseaux de production de véhicules automobiles

Une comparaison entre l’APE Japon-UE et le CPTPP fait ressortir d’intéressantes différences.

Les barrières non tarifaires mises en place par le Japon constituent depuis un certain temps un point sensible. L’APE Japon-UE contient une annexe consacrée aux véhicules et aux pièces automobiles, dédiée à la coopération entre autorités chargées de la réglementation, à la suppression et à la prévention des impacts négatifs des mesures non tarifaires, à l’harmonisation des normes internationales et à la reconnaissance mutuelle des autorisations de nombres de modèles. Sous réserve de certaines conditions, diverses pièces produites dans des pays tiers liés par des ALE au Japon ou à l’UE auront le statut de pièces produites au sein de la région. En comparaison, les politiques commerciales mises en œuvre par les États-Unis sont hautement problématiques. Aux termes de l’Accord de libre échange EU-Corée, les États-Unis seront autorisés à exporter un certain nombre de voitures conformes aux seules règles de sécurité américaines. Et dans le cadre de la renégociation de l’ALENA, les États-Unis ont exigé des règles d’origine extrêmement protectionnistes. Le Japon et l’UE méritent ainsi des applaudissements tant pour leur engagement en faveur d’un libre échange et d’un investissement fondés sur la concurrence que pour leurs efforts en vue de stimuler l’ensemble des réseaux de production de l’industrie automobile.

L’APE Japon-UE mettra l’accent sur les appellations d’origine en relation avec la propriété intellectuelle, notamment dans le cas des produits agricoles et des boissons alcoolisées. Des engagements ont été pris en vue de protéger mutuellement les appellations d’origine de 71 articles originaires de l’UE (par exemple le fromage Gorgonzola) et de 48 articles originaires du Japon (par exemple le bœuf de Kobe). Ce sont les négociations avec l’UE qui ont incité le Japon à adopter le dispositif qu’il s’apprête à mettre en place pour encadrer toutes les appellations d’origine.

Malgré le peu d’attention que les Japonais lui accordent, le bien-être animal n’en est pas moins mentionné dans le chapitre sur la coopération en matière réglementaire. Dans l’UE, le bien-être animal suscite un fort intérêt, qui ne se limite pas aux organisations de la société civile. Il faudra que le secteur japonais de l’élevage soit plus actif dans ce domaine s’il souhaite pouvoir exporter vers l’UE.

Accepter les normes européennes sur la protection de la vie privée

Les négociations vont se poursuivre sur les procédures de règlement des litiges relatifs à l’investissement. Le Japon défend le système de règlement des litiges entre l’État et l’investisseur (ISDS), conformément à la formule retenue dans nombre d’ALE et d’accords en matière d’investissement. Mais l’ISDS suscite une forte opposition dans l’UE, qui réclame la fondation d’un tribunal permanent de l’investissement doté d’une cour d’appel. Force est de constater que l’UE n’est pas favorable au choix de l’ISDS comme fondement de l’ordre international.

En ce qui concerne le cybercommerce, les engagements pris dans le cadre de l’APE Japon-UE ont une portée plus réduite que ceux figurant dans le CPTPP. Ce dernier stipule (1) la libre circulation des données, (2) l’interdiction des obligations concernant la localisation (interdiction du transfert transfrontalier de données personnelles) et (3) l’interdiction des conditions requises pour le transfert et l’accessibilité des codes sources. Seul ce dernier point est stipulé dans l’APE Japon-UE. Il a toutefois été convenu, lors de négociations parallèles entre la Commission japonaise de protection des données personnelles et la Commission européenne sur le transfert des données personnelles, de reconnaître l’échange mutuel de données personnelles. Au titre du Règlement général sur la protection des données entré en vigueur dans l’UE au mois de mai, les transferts de données personnelles hors de l’UE sont strictement encadrés. La reconnaissance de la libre circulation des données entre le Japon et l’UE constituerait une percée importante. Mais elle impliquerait aussi que le Japon accepte les normes européennes concernant la protection de la vie privée, avec l’impact que cela pourrait avoir à l’avenir sur l’élaboration des règles internationales.

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Kimura FukanariArticles de l'auteur

Professeur d’économie à l’Université Keiô. Économiste en chef à l’Institut de recherche économique pour l’ASEAN et l’Asie de l’Est (ERIA). Spécialiste de la théorie des échanges internationaux et de l’économie de développement. Né à Tokyo en 1958. Diplômé de l’Université Keiô et titulaire d’un doctorat d’économie de l’Université du Wisconsin. Il exerce comme professeur adjoint d’économie à l’Université d’État de New York et à l’Université Keiô avant d’occuper son poste actuel.

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