En avant les nouveaux TGV Shinkansen !
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Le Shinkansen est entré en opération en 1964 et le réseau ferroviaire construit entre-temps atteint désormais 3 280 kilomètres(*1) de long, couvrant tout le territoire japonais (sauf Okinawa), depuis Hokkaidô au nord jusqu’à Kyûshû au sud. Hormis le « mini Shinkansen », les trains roulent à des vitesses excédant les 200 km/h. C’est le Shinkansen Tôhoku qui obtient les meilleurs scores, avec une vitesse de 320 km/h. Aujourd’hui, quelque 420 millions de passagers voyagent chaque année confortablement à grande vitesse, la moyenne quotidienne étant d’environ 1,15 million de passagers (pour l’année 2016).
La mise au point du Shinkansen de la prochaine génération est en cours
Les wagons constituent à l’évidence un élément essentiel du système de transport Shinkansen. La vélocité, la sécurité, le confort, l’économie d’énergie et le respect de l’environnement sont des critères indispensables. Les wagons Shinkansen en conformité avec ces strictes exigences se répartissent en deux grandes catégories. Ceux du premier groupe sont utilisés pour les trains qui desservent les régions chaudes, tels que les Shinkansen Tôkaidô, San’yô et Kyûshû, tandis que ceux du second groupe sont réservés aux lignes des régions froides, à savoir les Shinkansen Tôhoku, Jôetsu, Hokuriku, Yamagata et Akita. Dans le premier groupe, le principal wagon est le N700A, utilisé sur les Shinkansen Tôkaidô et San’yô, et dans le second, les wagons des séries E5 et H5, utilisé sur les Shinkansen Hokkaidô et Tôhoku.
Le N700A est entré en service en 2013, mais la série N700 a été lancée il y a 11 ans, en 2007. Quant à la série E5, qui a fait ses débuts en 2011, elle roule depuis 7 ans. Le N700A et les séries E5 et H5, qui ont constitué pendant longtemps l’épine dorsale du réseau ferroviaire à longue distance et grande vitesse du Japon, ont tous atteint un stade laissant très peu de place à l’amélioration.
La JR Tôkai (compagnie des chemins de fer de la région centrale de la côte Pacifique), qui a mis au point le N700A, et la JR East (compagnie des chemins de fer de l’Est du Japon), qui a conçu les séries E5 et H5, ont toutes deux annoncé qu’elles se consacraient en 2016 et 2017 à l’élaboration des wagons de la prochaine génération. La première phase, qui sera expérimentale pour les deux sociétés, concernera le wagon d’essai N700S fabriqué par JR Tôkai et le modèle E956, surnommé « ALFA-X », produit par JR East. Le N700S a vu le jour en mars 2018 (voir notre article), tandis que l’achèvement du ALFA-X était prévu pour le printemps 2018. Le Shinkansen des années 2020 prend ainsi forme sous nos yeux, pour peu que nous comprenions les innovations et les objectifs incarnés par ces deux modèles.
Vers une réduction du poids et de la taille
Au premier regard, le N700S ne semble guère différent de l’actuel N700A. La raison en est que ses concepteurs se sont donné pour objectif de renouveler les équipements et de perfectionner les systèmes embarqués sans modifier le châssis et autres structures de base des wagons. Peut-être le N700S n’est-il pas très spectaculaire à cet égard mais il intègre de nombreuses innovations. Sa caractéristique principale réside dans la diminution voulue du poids et de la taille des équipements et des machines situés sous le plancher des wagons.
Évolution des Shinkansen Tôkaidô et San’yô
Série | Ligne | Année | Vitesse maximale |
---|---|---|---|
0 | Tôkaidô | 1964 | 210 km/h (220 km/h depuis 1986) |
San’yô | 1972 | 210 km/h (220 km/h depuis 1986) | |
100 | Tôkaidô | 1985 | 210 km/h (220 km/h depuis 1986) |
San’yô | 1985 | 210 km/h (220 km/h depuis 1986) | |
100N* | Tôkaidô | 1985 | 220 km/h |
San’yô | 1989 | 230 km/h | |
300 | Tôkaidô | 1992 | 270 km/h |
San’yô | 1993 | 270 km/h | |
500* | Tôkaidô | 1997 | 270 km/h |
San’yô | 1997 | 300 km/h | |
700 | Tôkaidô | 1999 | 270 km/h |
San’yô | 1999 | 285 km/h | |
N700 | Tôkaidô | 2007 | 270 km/h |
San’yô | 2007 | 300 km/h | |
N700A | Tôkaidô | 2013 | 270 km/h (285 km/h depuis 2015) |
San’yô | 2013 | 300 km/h | |
N700S | Tôkaidô | 2021 (prévu) | 285 km/h |
San’yô | 2021 (prévu) | 300 km/h |
*Opéré uniquement par la JR West (compagnie des chemins de fer de l’Ouest du Japon). Les autres sont utilisés conjointement par le JR Tôkai et la JR West.
L’allégement des wagons des trains électriques a été obtenu grâce à des réductions d’environ 140 kilogrammes du poids de la partie moteur et de l’ordre de 75 kilogrammes de celui du châssis du bogie, soit un total de 215 kilogrammes. Ce chiffre ne représente qu’approximativement 3 % des quelque 7 tonnes que pèse le bogie de ces wagons, mais, compte tenu de la gageure qu’un bénéfice ne serait-ce que de quelques grammes représente dans le cas des wagons très sophistiqués des Shinkansen, le résultat obtenu est loin d’être négligeable.
L’allégement des équipements permet aux wagons de rouler plus vite sans modification de la puissance délivrée. Il améliore en outre l’efficacité énergétique en réduisant la quantité d’électricité consommée. Sans compter que des wagons plus légers font moins de bruit et produisent moins de vibrations en roulant. Au final, cela améliore le confort à l’intérieur des trains et attenue les effets externes générés sur le parcours.
La réduction de la taille a elle aussi de nombreux avantages. Avec le rapetissement des convertisseurs et autres appareils situés sous le plancher des wagons, un seul wagon suffit désormais pour loger des équipements pour lesquels il fallait jusqu’ici trois wagons.
(*1) ^ En comptant les « mini-Shinkansen » Yamagata et Akita, qui empruntent les rails du Shinkansen sur une partie de leur trajet et reviennent pour le reste sur des rails de surface qu’ils partagent avec les trains ordinaires. La mesure de la longueur totale de rails du Shinkansen est calculée à partir du nombre de kilomètres effectifs, défini par la JR comme « la longueur réelle d’une ligne de chemin de fer entre deux gares, quel que soit le nombre de rails de la ligne. »
Libérer de la place pour les batteries
Une fois le gain d’espace sous le plancher des wagons obtenu grâce à la réduction de la taille des équipements, quel usage en sera-t-il fait ? JR Tôkai a annoncé son intention de mettre à l’essai des wagons équipés de batteries d’accumulateurs au lithium-ion dotées d’une capacité suffisante pour assurer l’autopropulsion. Si les essais sont concluants, le dispositif permettra aux wagons de rouler en utilisant l’énergie qu’ils produisent, sans dépendre des lignes aériennes. Ce serait assurément un bon moyen d’éviter les immobilisations dans les tunnels et sur les ponts.
Bien que JR Tôkai n’ait rien dit à ce sujet, l’installation de batteries à forte capacité aurait, semble-t-il, un avantage supplémentaire. S’il s’avère possible de stocker dans ces batteries l’électricité produite par les freins à récupération d’énergie, on pourra alors se servir de ces freins pour les arrêts d’urgence comme pour le fonctionnement ordinaire.
Les freins à récupération d’énergie (*2) amortissent la rotation de l’axe grâce à la résistance provenant de l’énergie électrique fournie par le moteur. Leur fonctionnement peut être comparé à celui du frein moteur dans les automobiles, qui permet de contrôler la stabilité du véhicule, notamment à grande vitesse. Toutefois, sur tous les wagons Shinkansen, le freinage dans les situations d’urgence est assuré, non pas par des freins à récupération d’énergie, mais par des freins à disques de friction. Cela tient principalement au fait que les freins à récupération d’énergie doivent envoyer l’énergie qu’ils produisent aux lignes aériennes, si bien qu’on ne peut pas les utiliser en cas d’interruption de service du réseau aérien, par exemple suite à un fort séisme. Si l’on parvient à transmettre la puissance récupérée vers des batteries embarquées, ces freins pourront fonctionner même en cas de fort séisme, et ils contribueront alors à raccourcir le temps de freinage et les distances d’arrêt.
Viser les 360 kilomètres
Le projet de développement de la prochaine génération des wagons ALFA-X de JR East intègre un large éventail d’améliorations touchant à la sécurité, la stabilité, le confort, le respect de l’environnement et la facilité d’entretien. Mais l’objectif principal est d’augmenter la vitesse maximale. Le projet ALFA-X ouvre la voie à l’exploitation commerciale de trains roulant à la vitesse de 360 km/h.
Ce projet a également été envisagée dans le cadre de la mise au point des séries E5 et H5. Il s’est toutefois avéré que l’augmentation de la consommation d’énergie entraînait une hausse des coûts de fonctionnement, et les mesures environnementales visant à atténuer le bruit et les vibrations étaient elles aussi problématiques, si bien que, dans le cas de ces wagons conçus à une date antérieure, l’accroissement de la vitesse n’était pas commercialement viable.
Évolution des Shinkansen Tôhoku et Hokkaidô
Série | Ligne | Année | Vitesse maximale |
---|---|---|---|
200 | Tôhoku | 1982 | 210 km/h |
200* | Tôhoku | 1985 | 240 km/h |
E1 | Tôhoku | 1994 | 240 km/h |
E2 | Tôhoku | 1997 | 275 km/h |
E4 | Tôhoku | 1997 | 240 km/h |
E5 | Tôhoku | 2011 | 300 km/h (320 km/h depuis 2013) |
Hokkaidô | 2016 | 260 km/h | |
H5** | Tôhoku | 2016 | 320 km/h |
Hokkaidô | 2016 | 260 km/h | |
E956 (ALFA-X) | Tôhoku | 2019 (prévu) | vitesse envisagée lors des essais : 400 km/h vitesse prévue lors du lancement : 360 km/h |
Hokkaidô | 2019 (prévu) | 260 km/h |
*À partir de la 1 000e unité produite.
**Opéré par JR Hokkaidô. Les autres sont opérés par JR East.
Note : Les séries E956 (ALFA-X) sont des wagons test. Le nom définitif de la série n’a pas encore été décidé.
(*2) ^ Les moteurs étant construits sur le même modèle que les générateurs, ils peuvent aussi être utilisés pour produire de l’électricité. Le freinage à récupération d’énergie réduit à zéro l’énergie cinétique du train au cours du processus qui l’amène à l’arrêt, en se servant du moteur pour convertir une partie de cette énergie cinétique en énergie électrique.
Au cours du processus de mise au point du ALFA-X, JR East a annoncé que des progrès avaient été obtenus en termes d’efficacité énergétique. La société n’a pas fourni d’explication détaillée, mais on pense que cette avancée est le fruit de ses efforts en vue de réduire le poids du matériel et des machines. Dans le même temps, les ingénieurs ont modifié la forme des freins à disques et du pantographe qui reçoit l’énergie provenant de la ligne aérienne, ce qui leur a permis d’aborder les problèmes acoustiques en intervenant sur les pièces responsables d’une grande partie du bruit émis quand les trains roulent.
Au nombre des innovations en cours figurent aussi les appareils d’amortissement des vibrations verticales utilisés pour améliorer le confort des voyageurs. Ces dispositifs atténuent les secousses dès qu’une vibration verticale est détectée dans le wagon. Associés aux systèmes d’amortissement horizontal déjà en service, les nouveaux appareils promettent d’améliorer encore le confort des voyageurs quand la vitesse augmente.
JR East est en train d’intégrer dans le ALFA-X de nouvelles mesures de préparation aux séismes, en s’appuyant sur l’expérience qu’elle a connue le 23 octobre 2004, lorsqu’un train du Shinkansen Jôetsu a déraillé pendant le tremblement de terre de Chûetsu. De nouveaux « amortisseurs anti-séisme », qui n’interviennent qu’en cas de détection d’une forte onde de choc émise par un tremblement de terre, préviennent les secousses du châssis du wagon, dont ils stabilisent le mouvement s’il menace de quitter les rails.
Sont également à l’essai de nouveaux « freins écrasables », qui autorisent temporairement la formation d’écarts autour des broches qui normalement ne laissent pratiquement aucun espace entre le châssis du wagon et le bogie. L’impact des forts tremblements de terre est atténué lorsque ces freins sont écrasés sous l’effet d’un choc puissant. L’écart est augmenté, si bien que les secousses du châssis ne sont pas directement transmises au bogie, et que les forces qui s’exercent entre les roues et les rails sont atténuées. On pense que la probabilité des déraillements s’en trouvera réduite.
Les nouveaux wagons : peu spectaculaires mais solides
Certaines améliorations prévues tant pour le N700S que pour le ALFA-X sont déjà effectives. Des informations plus détaillées sur l’état de fonctionnement des machines et du matériel embarqués seront transmises instantanément à des centres de contrôle, de concert avec des données visuelles provenant des caméras de sécurité, disposées en beaucoup plus grand nombre dans les wagons. Bien qu’ils ne soient pas évidents pour les passagers, ces changements devraient apporter une amélioration notable à la sécurité et à la stabilité des Shinkansen. Si tout se passe bien, les sociétés ferroviaires japonaises feront un pas de plus et développeront des outils pour prendre des mesures à distance à partir d’un centre de contrôle lorsque survient une situation imprévue, par exemple un incident à l’intérieur d’un wagon ou un dysfonctionnement d’instrument.
Si l’on veut résumer le processus de mise au point du N700S et du ALFA-X, on peut dire que, étape après étape, « ce qui doit être fait est fait ». En dehors de l’accroissement de la vitesse, il n’y a pas grand-chose à signaler. Mais tout va bien ! Le Shinkansen n’est pas en compétition. S’il continue à fonctionner comme à l’ordinaire tout en roulant plus vite et plus tranquillement qu’avant, avec moins de secousse et en consommant moins d’énergie, de quoi pourrait-on se plaindre ?
(Article publié à l’origine en japonais du 11 septembre 2018. Photo de titre : le nouveau Shinkansen Tôkaidô N700S dévoilé à la gare de Tokyo le 23 juin 2018. Jiji Press)