Les jeunes japonais sont-ils forcés de participer aux clubs scolaires ?

Société Sport

Selon les directives du ministère de l’Éducation, les activités des clubs scolaires (bukatsudô ou bukatsu) sont fondées sur la participation autonome et volontaire des élèves. Mais ceux-ci ne sont-ils pas en réalité dépossédés de toute réflexion sur leurs choix personnels ? Une affaire en 2018 a mis en lumière les failles du système d’encadrement des jeunes japonais.

Des pressions exercées sur ceux qui quittent les clubs

Dans de nombreux clubs sportifs scolaires, les entraînements ont lieu chaque jour à la fin des cours. Il existe aussi ce qu’on appelle des « entraînements libres ». Il s’agit de ceux qui ont lieu tôt le matin, avant le début des cours, ou le dimanche. N’est-il pas étrange de catégoriser ces entraînements en les qualifiant de « libres » alors que la participation en soi à un club est censé être un choix personnel ? D’ailleurs, la plupart des membres de clubs participent à ces entraînements… S’ils ne le font pas, ils se font gronder par leurs responsables, et peuvent se faire exclure des compétitions.

Tout cela montre bien que la « participation libre » est une fiction : les élèves sont quasiment contraints de faire partie du club, et sont soumis à une pression importante par son enseignant responsable si jamais ils tentent de partir. « Et tu ne penses pas à tes camarades ? » ou « Espèce de bon à rien » sont des propos qui, selon des témoignages, auraient été tenus par des responsables envers des lycéens.

Il s’avère que lorsqu’un élève demande de quitter un club sans raison valable aux yeux des autres (pas comme lors d’une blessure par exemple), il est perçu comme se rebellant contre le responsable du club. Ce dernier considère alors qu’il est mis à l’épreuve en tant qu’enseignant, et que le persuader de rester fait partie de son travail.

On estime en effet qu’un enseignant qui laisse les élèves agir comme bon leur semble ne remplit pas son rôle. Certes, cette position n’est pas dénuée de sens, mais dans ce cas, où est passé le côté « libre » des clubs scolaires ? Un enseignant responsable d’un club n’a pas à se mettre en colère contre un élève qui souhaite s’en retirer.

Quelle leçon peut-on tirer de l’affaire du tacle ?

Je ne dis pas que les clubs scolaires n’ont que des défauts. Mais si l’on décide que la participation est libre, il faut que les clubs agissent dans ce sens, de manière cohérente. Autrement dit, qu’ils forment les élèves non pas à obéir loyalement aux ordres venus du haut, mais qu’ils les rendent capables de réfléchir au sens de ces ordres. Si les élèves sont sans cesse limités jusque dans leurs propres jugements, cela veut dire qu’il y a une faille importante dans la façon de les encadrer. L’affaire du tacle vicieux est le résultat de cette faille. Cependant, il nous fournit aussi une raison d’espérer : le joueur a tout de suite compris que son acte posait un grave problème, et qu’il devait présenter des excuses à son adversaire. De plus, il a reconnu honnêtement en public qu’il avait mal agi.

La sincérité auquel l’a mené sa propre réflexion n’a-t-elle pas ouvert les yeux de la société vis-à-vis des problèmes existant dans les clubs scolaires ? L’opinion publique s’est bien plus focalisée sur la turpitude de l’entraîneur et du coach que par l’acte commis par le joueur. Les critiques ne se sont pas trompées d’objectif, puisqu’elles ont été dirigées contre la nocivité d’un encadrement qui prive les joueurs de leur autonomie. Espérons que cette forte réaction de l’opinion publique envers cet incident ne sera pas vaine et contribuera à approfondir les discussions sur la nature des liens entre les individus et les organisations.

(Photo de titre : les joueurs du club de football américain de l’Université Nihon ont repris leurs entraînements à Setagaya, Tokyo, le 29 juin 2018. Jiji Press)

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