L’Airbnb japonais se soumet à de nouvelles règles très strictes
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Plus de 10 % des visiteurs au Japon utilisent le système des minpaku
Au Japon, on appelle minpaku une sorte d’Airbnb à la japonaise, ce qui se dit en anglais Vacation Rental. Le nombre de personnes inscrites sur le site Airbnb, qui met en relation des voyageurs avec des loueurs offrant ce service, a connu une croissance rapide ces dernières années. D’après l’enquête trimestrielle de l’Agence nationale du tourisme pour la période janvier-mars 2018, plus de 10 % des visiteurs étrangers ont utilisé les minpaku.
L’attrait de ce type d’hébergement est qu’il permet aux touristes étrangers de vivre comme des Japonais ordinaires, et d’échanger avec ceux qui les accueillent. L’activité des hôtes inscrits sur les sites qui les mettent en contact avec les touristes a créé un mouvement d’ampleur, et l’hébergement chez des particuliers est devenue un objectif en soi, et donc une nouvelle ressource touristique en tant qu’expérience culturelle. Elle attire aujourd’hui beaucoup d’attention car elle peut stimuler le tourisme en région.
La location touristique est pratique pour les visiteurs étrangers, non seulement parce qu’elle leur offre une expérience unique, mais aussi parce qu’elle résout la pénurie d’hébergement qui existe, et offre une solution aux problèmes rencontrés par les groupes, familles et autres, pour se loger au Japon. Sans compter la mise en valeur du concept de « l’économie de partage ». Ainsi, héberger des touristes chez soi est-il devenu un véritable gagne-pain de plus en plus populaire.
Cette nouvelle activité recèle aussi un aspect « divertissant ». Elle est certes exigeante, car gérer les réservations, maintenir la propreté des hébergements offerts ou encore guider les touristes jusqu’à chez soi ou ailleurs, demandent du travail, mais beaucoup d’hôtes prennent plaisir à accueillir. Cela leur permet aussi d’interagir avec des personnes d’origine étrangère, une expérience riche qui incite à en parler autour de soi et qui contribue ainsi à donner de l’ampleur au mouvement.
La sécurité et la sérénité des personnes hébergées, une priorité
Tel est le contexte dans lequel la discussion concernant une réglementation des minpaku a débuté. Il existe au Japon une législation relative à l’hôtellerie, qui couvre les différents types d’hébergement hôteliers comme les hôtels, les auberges japonaises (ryokan), les guest house, les pensions (geshuku) et les chambres d’hôtes traditionnelles (minshuku), mais il n’y en avait pas concernant les locations saisonnières.
Le gouvernement a rédigé un projet de loi intitulé « Loi sur les locations de logements privés », en tenant compte des besoins en ce domaine, de la diversification grandissante des besoins d’expérience culturelle des touristes et de l’élargissement des possibilités de choix. La loi votée en juin 2017 est entrée en vigueur en juin de l’année suivante. Étant donné que pour la première fois, une loi mentionne l’hébergement de type minpaku, celle-ci est connue comme la « Loi sur les minpaku ».
Cette législation spécifie les rôles et les règles s’appliquant aux particuliers et aux personnes morales s’occupant de location touristique à courte durée ainsi qu’aux autorités nationales et régionales. L’objectif de la législation figure dans les règles générales. Pour dire les choses clairement, il tourne autour de deux axes, à savoir garantir une gestion appropriée de l’hébergement minpaku, et promouvoir la venue et le séjour de touristes. La législation a pour priorité la garantie de la sécurité des personnes hébergées.
Une obligation pour les loueurs de signaler leur activité
Les parties impliquées dans l’hébergement minpaku sont classées en trois groupes : les loueurs, les services de gestion de ce type d’hébergement, et les services de mise en relation de cette activité. Les loueurs sont bien entendu les hôtes qui accueillent chez eux. Par services de gestion de ce type d’hébergement, on entend les personnes privées et morales qui se chargent des démarches administratives au nom des hôtes, et qui sont rémunérées par eux.
Les services de mise en relation désignent des entreprises internationales présentes au niveau mondial comme Airbnb ou HomeAway, ainsi que des entreprises japonaises du même secteur comme Rakuten Lifull Stay ou Hyakusen renma. La nouvelle loi prescrit les méthodes de notification et d’enregistrement que ces différents acteurs doivent respecter, le contenu de leurs activités, celui de la réglementation s’y appliquant, ainsi que les sanctions en cas de non-respect de celle-ci.
Elle fixe à 180 jours par an la limite maximale pendant lesquelles les hôtes peuvent accueillir. Ils ne peuvent le faire que s’ils ont notifié leur activité aux autorités préfectorales et municipales, et enregistré les noms des particuliers et des personnes morales avec leur numéro commercial, en fournissant leur adresse et celles des lieux d’hébergement.
La loi prévoit aussi que les loueurs saisonniers doivent garantir aux personnes qui font appel à leurs services de bonnes conditions d’hygiène (nombre maximum de personnes pouvant être accueillies, ménage) et de sécurité (nécessité d’installations d’éclairage d’urgence et d’une sortie de secours), et un accès facile et approprié aux visiteurs étrangers (avec des instructions en langue étrangère sur les installations et les moyens de transport). Elle stipule de même que les hôtes doivent tenir un registre d’accueil.
Les règles concernant le contenu des activités accordent la priorité à la sécurité des personnes accueillies et à la prévention des problèmes. En effet, les touristes étrangers présents au Japon pour la première fois sont souvent déroutés par les logements privés japonais dont ils ne comprennent pas le fonctionnement, ainsi que par les moyens de transport. Pour cette raison, la loi impose aux hôtes la mise à disposition de brochures écrites en d’autres langues que le japonais, de manière à ce que les touristes étrangers puissent profiter de leur séjour en toute sérénité.
Ainsi, afin d’exercer comme loueur saisonnier, il faut respecter les ordonnances relatives à la nouvelle loi, les règlements de prévention des incendies ainsi que les règlements d’urbanisme. Des normes et des conditions détaillées existent quant à la structure des hébergements, et ce n’est qu’après s’être mis en conformité avec tous ces différents protocoles que la procédure de notification et d’enregistrement est terminée.
Le voisinage et les lois supplémentaires des collectivités locales
Dans la loi figure également la question du voisinage. Concrètement, les hébergeurs doivent ainsi être toujours disponible afin de répondre aux éventuelles plaintes ou questions des voisins, mais aussi indiquer leur activité par un panneau devant leur habitation, et enfin expliquer à leurs invités qu’ils ne doivent pas gêner leur nouvel entourage avec leur bruit.
Enfin, certaines collectivités locales ajoutent aussi leurs propres conditions à celles prévues par la loi. Leur but est de tenir compte de la présence éventuelle d’établissements scolaires et des habitudes de vie des voisins des locations saisonnières, en limitant les zones dans lesquelles elles peuvent être situées et la période pendant laquelle elles peuvent fonctionner. Une collectivité locale peut par exemple décider d’interdire les minpaku dans les zones purement résidentielles, ou les limiter aux week-ends.
Les locations saisonnières non déclarées vont-elles disparaître ?
Les services de gestion des locations saisonnières qui se chargent d’effectuer, à la demande des loueurs, les démarches nécessaires, doivent s’enregistrer administrativement, et renouveler cette enregistrement tous les cinq ans. Aussi, les employés de ces entreprises qui sont en contact avec les personnes accueillies et les voisins des hôtes doivent avoir sur eux un document établissant leur fonction. Les services de mise en relation doivent aussi être enregistrés, et n’ont pas le droit de mettre en ligne des minpaku n’ayant pas obtenu une autorisation d’exercer, ni de se faire l’intermédiaire pour elles avec les touristes.
Les touristes étrangers demandent souvent ce qu’ils risquent s’ils sont hébergés chez un loueur non déclaré. La nouvelle législation ne prévoit pas d’amende pour les personnes dans ce cas. Néanmoins, une location saisonnière conforme à la loi étant aussi conforme aux normes de sécurité exigées, les touristes auront sans aucun doute l’esprit plus apaisé que dans un logement illégal.
Avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, Airbnb a pris des mesures pour éliminer de son site les minpaku non homologuées. En guise de résultat, le nombre de logements disponibles a diminué de 80 %... Certaines réservations qui avaient été faites plus tôt, auprès de locations saisonnières non déclarées, ont été annulées, ce qui a engendré de la confusion tant du côté des loueurs que des touristes étrangers.
Comme la loi sur les minpaku vient à peine d’être mise en vigueur, il serait hardi d’affirmer que tous les sites de mises en relation où l’on trouve des locations saisonnières au Japon ont déjà retiré toutes celles qui posent problème. Mais le mouvement semble toutefois aller dans ce sens.
Les avantages du nouveau système
Selon un communiqué de l’Agence nationale du tourisme, le nombre de touristes étrangers au Japon a été en 2017 de 28,69 millions, une progression de 19,3 % sur l’année précédente (voir notre article lié). Le gouvernement a annoncé l’objectif de 40 millions de visiteurs en 2020, l’année des Jeux olympiques de Tokyo, et il s’efforce donc de développer l’attractivité des lieux touristiques et des hébergements japonais.
Des grandes attentes sont placées dans les minpaku, considérées comme une façon de remédier au problème croissant posé par les logements vacants dus au déclin démographique. Elles devraient aussi créer de l’emploi en région, et constituer des endroits où se réfugier en cas de catastrophes. Celles qui sont situées dans de vieilles maison traditionnelles (les kominka) rencontrent déjà du succès. Elles sont aussi une façon pour les femmes au foyer qui élèvent leurs enfants de générer des revenus supplémentaires, et la venue de touristes étrangers permet à leurs les enfants de parler anglais et d’avoir des contacts avec une autre culture.
Les minpaku ont beaucoup d’avantages, et pour cela, la nouvelle loi doit être appliquée de manière appropriée. En guise de récompense ? Un nombre croissant de touristes qui pourront jouir de leur séjour au Japon.
(Article à l’origine écrit en japonais. Photo de titre : des panneaux pour touristes à la gare de Shin-Imamiya à Osaka. Jiji Press)