Le mauvais enseignement de l’anglais au Japon

Société

Torikai Kumiko [Profil]

Les Jeux olympiques de Tokyo de 2020 toujours dans le viseur, le gouvernement a lancé une réforme accélérée de l’enseignement de l’anglais. Son objectif ? Permettre un apprentissage efficace de cette langue, que les japonais ont beaucoup de mal à maîtriser, à partir de l’école élémentaire jusqu’au concours d’entrée dans le supérieur. Mais cette idée pose quelques problèmes de base.

Des réformes sans résultats probants

Penchons-nous à présent sur les résultats de ces trente années de réforme. Le gouvernement s’était donné des buts chiffrés à atteindre pour l’exercice se finissant le 30 mars 2018, à savoir, parvenir à ce que 50 % des collégiens en dernière année obtiennent au moins le niveau 3 de l’Eiken, et que 50 % des lycéens de terminale atteignent au moins le niveau 2 bis. Mais d’après l’enquête parue en avril 2018 sur la situation de l’enseignement de l’anglais du même ministère pour la même période, les pourcentages réels étaient de 40,7 % pour les collégiens en dernière année, et de 39,3 % pour les lycéens de terminale. Les objectifs fixés n’ont donc pas été atteints.

Le test Eiken atteste sept différents niveaux (1-5) de compétences linguistiques : si les niveaux 1, 1 bis et 2 sont les rangs les plus élevés, obtenir le niveau 2 bis signifie être capable « d’utiliser et de comprendre l’anglais nécessaire à la vie quotidienne », et le niveau 3 correspond à « la capacité d’utiliser et de comprendre l’anglais basique ». Ni le niveau 2 bis et ni le 3 ne présentent un niveau de difficulté élevé. Or moins de la moitié des élèves ont atteint ne serait-ce que le niveau 3… Cela montre bien que les réformes engagées manquent d’efficacité.

Ces derniers temps, le niveau d’anglais des étudiants de première année est considéré comme problématique. Leurs connaissances grammaticales et lexicales de base étant insuffisantes, ils ne comprennent pas ce qu’ils lisent en anglais, et par conséquent sont aussi incapables de le comprendre à l’oral, de l’écrire ou de le parler. Devant un tel constat, certaines universités ont pris l’initiative d’offrir des cours de rattrapage en anglais de niveau collège.

Se focaliser seulement sur la communication : une erreur

Les réformes de l’anglais sont dirigées essentiellement sur la conversation, mais n’oublions pas l’importance de la grammaire. Les connaissances grammaticales et lexicales se cultivent par la lecture. Pouvoir lire l’anglais, c’est aussi pouvoir l’écrire, puis ensuite le comprendre oralement. C’est à ce moment-là seulement que la communication peut s’installer. Apprendre des expressions stéréotypées ne permettra qu’une conversation rudimentaire. Ce n’est pas de la vraie communication. Pour l’acquérir, il faut donc commencer par les bases de la langue.

Les réformes ont été menées en se fondant sur une l’idée simpliste que la lecture était secondaire, que la communication passait avant tout. Au final, les résultats de la dernière enquête sur les connaissances en anglais des collégiens et des lycéens, la cinquième depuis la réforme de 2003, sont alarmants. Le gouvernement persiste pourtant dans sa direction, même si elle est erronée. Il est plus que temps de reconsidérer l’orientation des réformes.

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Torikai KumikoArticles de l'auteur

Professeur émérite à l’université Rikkyō, ses domaines de recherches incluent la théorie de la communication, l’enseignement de l’anglais, l’interprétariat et la traduction. Diplômée du département d’études hispaniques de l’université Sophia, elle obtient ensuite une maîtrise de l’université Columbia, puis un doctorat en sciences humaines à l’université de Southampton. Jusqu’aux années 1980, elle travaille comme interprète de conférence simultanée. Elle est aussi l’auteur de nombreux livres, dont Eigo kyōiku no kiki (La crise de l’enseignement de l’anglais, Éditions Chikuma Shinsho, 2018).

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