La « période glaciaire de l’emploi » au Japon : les difficultés de ses survivants

Société

À partir de la seconde moitié des années 1990, le Japon a traversé une décennie de récession appelée « période glaciaire de l’emploi », après l’éclatement de la bulle économique. La cohorte de jeunes gens diplômés de l’université qui ont à ce moment-là tenté de faire leur entrée dans le marché du travail ont aujourd’hui la quarantaine, un âge qui devrait normalement correspondre aux meilleures années d’une carrière. Mais parmi eux, nombreux sont ceux qui, après s’être battus pour faire leurs premiers pas dans le monde professionnel juste après avoir obtenu leur diplôme de fin d’études, doivent aujourd’hui encore se contenter de bas salaires et de sombres perspectives professionnelles. La stagnation de la consommation au sein de cette catégorie de la population a des répercussions à grande échelle, qui entravent les efforts de revitalisation de l’économie tout entière. Il est grand temps d’amorcer, avant qu’il ne soit trop tard, un débat sur la solution globale qu’il convient d’apporter à ce problème.

La solitude du travailleur précaire

Et pourtant, les membres de la « décennie perdue » qui ont réussi à trouver des postes permanents leur assurant ne serait-ce qu’un salaire décent devraient sans doute considérer qu’ils ont de la chance, même si leurs revenus n’atteignent pas tout à fait les niveaux de ceux de leurs prédécesseurs. La figure 2 illustre l’évolution des tendances en matière d’emploi entre 2002 et 2015 chez les hommes de la génération de la période glaciaire. En 2002, la conjoncture économique défavorable faisait qu’environ 18 % des hommes titulaires d’un diplôme universitaire occupaient des emplois précaires (hi-seishain, ou « non seishain ») à leur sortie de l’université. Un tiers d’entre eux environ n’avait toujours pas accédé à un poste permanent en 2015. Au Japon, les hommes qui ne jouissent pas de la sécurité que procure un poste permanent rencontrent toujours des difficultés pour se marier et fonder une famille. Et cela aggrave encore le casse-tête auquel le gouvernement se heurte dans ses efforts en vue d’inverser la tendance faible du taux de natalité et d’enrayer le déclin de la population japonaise.

Plus sérieuse encore est la situation des gens qui n’ont pas de travail. La figure 2 montre que 5,9 % des membres de la cohorte concernée étaient dans ce cas en 2002, pour n’avoir pas réussi à trouver une place dans une entreprise à leur sortie de l’université. Plus de 40 % d’entre eux étaient toujours sans travail en 2015. Et beaucoup de ceux qui avaient un emploi étaient soit des travailleurs précaires, soit des travailleurs indépendants, tandis que moins de 30 % avaient réussi à accéder au statut envié de seishain. Les jeunes gens qui, ayant échoué dans leur recherche d’emploi après obtention de leur diplôme dans les premières années du XXIe siècle et renonçé à chercher du travail, ont été regroupés sous l’acronyme NEET, pour Not in Education, Employment or Training (ni étudiants, ni salariés, ni en cours de formation). On compte désormais de nombreux NEETs d’âge mûr, qui ont abandonné l’idée de pouvoir trouver du travail.

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