Comment protéger les droits des actrices de films pour adultes

Société

Kawai Mikio [Profil]

Le monde de la production de films pour adultes n’est guère connu, mais la révélation ces dernières années de la participation forcée de certaines actrices à des tournages a attiré une attention considérable. Il existe désormais un comité pour défendre leurs droits, dont fait partie l’auteur de cet article. Ce dernier nous explique par la même occasion l’évolution de l’industrie du X.

Protéger les droits des actrices

Le Comité indépendant des experts pour une réforme du secteur des films pour adultes (devenu en octobre 2017 l’Organisme de l’éthique et des droits humains dans le secteur des films pour adultes), a pris diverses initiatives afin d’empêcher que des personnes soient contraintes à participer à des tournages contre leur gré. Concrètement, cela consiste à élaborer un contrat type, fondé sur la confirmation de la volonté de participer au film, et qui exclut, dans le cas où le signataire change d’avis une fois le tournage commencé, tout dédommagement pour le producteur à titre de compensation des frais déjà engagés.

L’organisme a commencé en février dernier à accepter les demandes d’arrêt de distribution émanant d’actrices ayant été contraintes à participer à des tournages. Cela concerne des produits mis en vente plus de cinq ans auparavant, qui entraînent des dommages sur le quotidien des actrices. Il faut néanmoins que la personne confirme son identité pour que l’organisme somme le distributeur de cesser.

Ces initiatives ont permis de mettre au jour le fait que le problème ne porte pas seulement sur la contrainte.

Il y a tout d’abord des femmes qui, bien que n’ayant pas été forcée de tourner, réclament l’arrêt de la distribution car elles ont eu la stupéfaction de découvrir que n’importe qui peut voir sans aucune limite des films dans lesquels elles ont tourné avant que la distribution sur Internet ne se généralise. Comme elles ont définitivement renoncé à tous leurs droits sur ces films, le seul moyen pour elles d’exiger l’arrêt de la distribution est probablement de motiver leur demande en affirmant qu’elles ont tourné sous la contrainte.

Le deuxième problème porte sur l’exploitation, et il est lié en partie à la mauvaise conjoncture du secteur. Les agences ont pour habitude de ne communiquer seulement la somme qu’elles destinent aux actrices, sans les informer du montant du cachet total prévu pour elles par les sociétés de production. Le contrat-type prévoit que les agences devront désormais le faire avant de décider du montant que les actrices percevront. Il reste à voir si les sociétés qui veulent travailler en respectant la loi suivront de leur plein gré l’intégralité de ces règles.

J’aimerais pour finir aborder l’attitude de la société dans son ensemble vis-à-vis de ce secteur. S’il existe des groupes jugeant que l’industrie du X, dans son existence même, méprise les femmes, d’autres veulent soutenir leur émancipation en l’élargissant à leur liberté de choisir elles-mêmes de devenir des travailleuses sexuelles ou des actrices de films pour adultes. Les groupes qui militent dans un sens comme dans l’autre sont essentiellement féminins, car la plupart des hommes ne considère pas qu’il s’agisse d’un grave problème.

Ces derniers temps, la présence de mères célibataires parmi les actrices attire l’attention. À ces femmes qui choisissent de tourner, pour des raisons et situations diverses, avec l’objectif de gagner seules l’argent dont elles ont besoin pour vivre, on ne peut leur dire : « ayez une profession digne, même si vous devez rester pauvres ». Oui, une régulation est nécessaire afin de ne pas montrer ce genre de films aux gens qui ne veulent pas les voir, mais on ne peut pas interdire ceux qui désirent les visionner, ni interdire aux femmes qui ont envie d’y tourner de le faire. La chose la plus importante que nous puissions faire aujourd’hui est de réfléchir à la protection des droits des actrices de ce secteur et des femmes qui sont contraintes.

(Voir également notre article Les actrices X japonaises : du personnage à la personne)

(D'après un original en japonais du 5 mars 2018. Photo de titre : PIXTA)

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Kawai MikioArticles de l'auteur

Professeur à l’Université Tôin de Yokohama. Né en 1960. Docteur en droit de l’Université de Tokyo. A également effectué un troisième cycle de droit à l’Université Panthéon-Assas de Paris. Auteur de nombreux ouvrages, dont Anzen shinwa hôkai no paradokkusu (L’effondrement paradoxal du mythe de la sécurité) et Nihon no satsujin (Le meurtre au Japon).

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