Le Japon et les deux Corées après les JO de Pyeongchang

Politique

À l’heure du retour triomphant de la délégation nord-coréenne à l’issue de son offensive de charme aux Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang, Tokyo et Séoul feraient bien de songer à renforcer leur propre jeu diplomatique dans la perspective de faire bloc face à la montée de la menace du gouvernement de Kim Jong-un…sans oublier de prendre en compte rôle des États-Unis.

Les actions impulsives du président Moon

Dans son attente désespérée d’une retombée pacifique des Jeux olympiques de Pyeongchang, Séoul a fait montre d’un empressement excessif à trouver un terrain d’entente avec Pyongyang. De ce fait, la Corée du Nord et leur « offensive de charme » ont pleinement mis à profit la position de faiblesse où se trouvait M. Moon. Le coup de grâce a été porté par Pyongyang avec sa proposition, transmise par l’envoyée spéciale Kim Yo-jong (sœur du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un), de réunion au sommet entre les deux Corées, proposition à laquelle le président Moon s’est empressé de donner son accord de principe (pour préciser plus tard que cet accord était conditionné par la réouverture des pourparlers entre Pyongyang et Washington(*2)). Même en Corée du Sud, de nombreuses voix se sont élevées pour exprimer la crainte que M. Moon soit en train de perdre de vue les questions importantes. Et les critiques ont redoublé lorsqu’on a appris qu’il n’avait pas une seule fois évoqué la question nucléaire au cours des trois jours où il avait passé de longues heures assis en compagnie des représentants de la Corée du Nord.

Bien sûr, M. Moon reconnaît que les deux Corées ont dépassé le stade du « dialogue pour le dialogue ». Il a dit que la dénucléarisation constitue l’objectif ultime des pourparlers avec le Nord. Mais les pourparlers n’ont pas le même poids que les négociations. La position de Washington est que les États-Unis n’entreront pas dans des négociations à part entière avec la Corée du Nord tant que Pyongyang n’aura pas pris des mesures tangibles en vue du démantèlement de son arsenal nucléaire. Ceci étant, le Sud a de bonnes raisons de s’inquiéter de la dégradation de la position de la Maison blanche dans les négociations. Avant de se rendre à Pyongyang, le président sud-coréen ferait bien de dépêcher des envoyés spéciaux aux États-Unis (et au Japon) pour y tenir des consultations rapprochées en vue de garder les trois partenaires en matière de sécurité sur la même longueur d’onde et d’établir clairement qu’aucune option – y compris la menace d’une intervention militaire – n’est à écarter. Si la « carte Trump » est éliminée d’emblée du jeu, la partie est terminée... Il se pourrait alors que toute opportunité de modifier une fois pour toutes les calculs et les comportements stratégiques de la Corée du Nord se soit évanouie.

Pour la même raison, il est vital de maintenir une « pression maximale » sur toutes les parties prenantes par le biais d’une application sans faille de dures sanctions contre le Nord. Il se trouve malheureusement que, au moment même où ces sanctions commençaient finalement à s’avérer payantes, la Corée du Sud avait décidé de faire des exceptions en vue de faciliter la participation de son voisin du Nord aux Jeux olympiques. Dans ces conditions, il est difficile pour le Conseil de sécurité de l’ONU et les pays œuvrant dans le même esprit de demander à la Chine et à la Russie d’appliquer les sanctions existantes, et d’accroître leurs efforts en vue de prévenir le contournement des sanctions via les transferts de cargaisons entre navires ou autres failles dans le système. Faute d’une pression continue appuyée sur la force, le dialogue n’a pas de sens. Les États-Unis et la Corée du Sud vont-ils reprendre sans tarder les exercices conjoints qu’ils avaient suspendus pour la durée des Jeux olympiques ? Ou Pyongyang va-t-il convaincre Séoul de les remettre encore à plus tard en faisant de cette décision une condition préalable à la tenue d’un sommet entre les deux Corées ? Pour le président Moon, le moment de vérité approche, où il n’aura pas d’autre choix que d’énoncer clairement ses priorités – les obligations vis-à-vis des alliés ou les liens de l’ethnicité.

(*2) ^ Le 8 mars, un haut représentant sud-coréen a annoncé que Donald Trump avait accepté de participer à un sommet historique avec le leader nord-coréen Kim Jong-un.— n.d.l.r.

Suite > Japon, États-Unis, Corée : qui est le maillon faible ?

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