L’adoption au Japon : des améliorations notables en perspective

Société

Miura Naomi [Profil]

Face à la multiplication des cas de maltraitance infantile, le gouvernement japonais a réagi en s’efforçant de promouvoir le « système des adoptions spéciales » permettant à certains enfants d’être inscrits dans les registres de l’état civil de leurs parents adoptifs sous les mêmes statuts qu'un enfant biologique. Une nouvelle loi entrée en vigueur en avril 2018 encadre de plus près les activités des agences d’adoption privées. Mais pour que cette réforme soit vraiment efficace, il faut que l’aide sociale se montre elle aussi à la hauteur.

Le Japon est à la traîne des pays développés en matière d’adoption. Dans le reste du monde, les enfants qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent pas être élevés par leurs parents de naissance sont en général adoptés ou placés dans une famille d’accueil. En revanche dans l’Archipel, la plupart d’entre eux vivent dans des institutions spécialisées (voir notre article sur ce sujet). Depuis quelques temps, le gouvernement japonais s’intéresse de très près au « système des adoptions spéciales » – l’équivalent de « l’adoption plénière » dans le droit français – et il est en passe de l’amender pour la première fois depuis sa promulgation en 1987, il y a trente ans.

Avec l’adoption plénière, l’enfant adopté obtient le même statut que celui d’enfant biologique

Le système des adoptions spéciales a été appliqué à partir de 1988, après la réforme du Code civil japonais opérée en 1987. Contrairement à l’« adoption simple », où l’enfant adopté figure en tant que tel dans les registres de l’état civil, l’adoption plénière met un terme définitif à tout lien ou contact avec les parents biologiques. L’adopté jouit dès lors des droits familiaux liés à son nouveau statut. L’objectif de ce système est de lui assurer une vie équilibrée dans un foyer stable. De ce point de vue, l’adoption plénière se distingue clairement du placement en famille d’accueil qui est par définition temporaire. Étant donné l’importance de la création de liens familiaux solides dès le plus jeune âge, elle est limitée aux enfants de moins de six ans. Elle comporte aussi une période probatoire d’au moins six mois et doit être approuvée par un juge aux affaires familiales.

D’après le département de la Famille du ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales, le nombre des adoptions spéciales est en augmentation depuis quelque temps et il s’est élevé à 538 pour l’année fiscale 2016. Mais il reste très faible compte tenu du fait que chaque année, environ 3 000 petits japonais font l’objet d’un placement dans une institution spécialisée et que près de 26 000 enfants vivent déjà dans des centres de protection infantile. À titre de comparaison, dans les pays occidentaux, les adoptions plénières se chiffrent en milliers, voire dizaines de milliers par an.

Les Japonais ont du mal à renoncer à leurs droits parentaux

Pourquoi y a-t-il une telle différence entre le Japon et les autres pays en matière d’adoption ? Un des raisons est que les habitants de l’Archipel ignorent souvent l’existence du système des adoptions spéciales. Mais la réticence des autorités à s’impliquer activement dans ce domaine joue un rôle beaucoup plus décisif à cet égard. Les centres de protection de l’enfance qui sont en charge de ces questions sont débordés par le nombre croissant des cas de maltraitance infantile. Par ailleurs le système de protection infantile japonais privilégie le rôle des parents biologiques dans l’éducation des enfants, ce qui empêche les autorités d’encourager activement l’adoption plénière qui coupe les liens entre eux. Si l’on en croit un responsable d’un centre de protection de l’enfance, les Japonais ont très souvent du mal à renoncer à leurs droits parentaux, même quand ils ne sont pas en mesure de s’occuper de leur progéniture.

Ajoutons à cela un autre facteur compliquant encore les choses : l’adoption plénière ne peut se faire sans l’accord des parents biologiques, et ceux-ci peuvent changer d’avis à tout moment au cours du long processus qu’elle implique. Il arrive aussi que les parents soient difficiles à joindre. C’est pourquoi quantité de couples hésitent à se lancer dans les démarches pour adopter un enfant. D’après une étude du ministère auprès des centres de protection de l’enfance, l’obtention du consentement des parents biologiques a constitué un obstacle dans 70 % des adoptions spéciales.

Suite > Le premier objectif de la réforme : doubler le nombre des adoptions plénières

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Miura NaomiArticles de l'auteur

Journaliste indépendante depuis 2017. Elle entre en 1991 à l’agence Jiji Press où elle travaille dans la section scientifique en tant que responsable de la médecine. Rédactrice en chef et éditorialiste de la revue Kôsei fukushi (La santé publique et l’aide sociale). Spécialiste de la médecine, des soins infirmiers, de l’aide sociale et des questions liées aux femmes. Étudie actuellement la musicothérapie à l’Université de musique Shôwa.

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