Il existe des personnes sans état civil au Japon

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Ninomiya Shûhei [Profil]

Il existe des enfants dont les parents n’ont pas déclaré la naissance, et qui se retrouvent donc sans état civil. Comment expliquer qu’une telle situation juridique est encore possible de nos jours ? Tout simplement parce que le Code civil en vigueur possède de nombreuses failles et injustices…

Qui est le père de l’enfant ?

Dans quelles circonstances naissent ces enfants sans registre familial ? D’après le ministère de la Justice, c’est pour 75,1 % d’entre eux en raison des règles du Code civil gouvernant la filiation, qui ont été élaborées à l’ère Meiji (1868-1912). Le paragraphe 1 de l’article 772 établit que le père présumé de l’enfant d’une femme tombée enceinte pendant la durée de son mariage est son époux. Cela s’appelle la « présomption de paternité ». Comme il est difficile de prouver que la grossesse a commencé pendant la durée d’un mariage, le Code civil estime dans le paragraphe 2 du même article que si un enfant est né dans les 200 jours après le mariage, ou bien moins de 300 jours après sa dissolution, l’enfant a été conçu pendant le mariage.

Toutefois, ces dispositions sont à l’origine d’un problème délicat. Supposons par exemple qu’une femme quitte le domicile conjugal pour échapper à la violence de son mari. Elle rencontre par la suite un autre homme, avec qui elle a des relations intimes, tombe enceinte et donne naissance à un enfant.  D’après l’article 772 du Code civil, pourtant, le père de l’enfant est juridiquement…son époux violent, puisque la grossesse de la mère a débuté pendant son mariage.

Dans un autre cas de figure, une épouse séparée de son époux noue des liens avec un autre homme. Les époux divorcent ensuite et la femme se remarie avec cet autre homme. Mais si l’enfant naît moins de 300 jours après le divorce, c’est son ex-mari qui en est légalement le père, même si elle sait que l’enfant est celui de son second époux.

Le nom des parents apparaît sur la déclaration de naissance. Dans les deux cas cités, du point de vue du droit, le père étant celui dont la mère est séparée ou même divorcée, il faut l’inscrire dans la colonne concernée. Si la mère écrit le nom du père biologique, la déclaration de naissance ne sera pas enregistrée. Mais dans le cas où la mère déclare quand même la naissance de cet enfant, celui-ci sera enregistré dans le registre familial d’un homme avec lequel il n’a aucun lien de sang.

Une mère qui connaît le véritable père de son enfant ne peut se satisfaire de cette situation. De plus, dans le cas où elle s’est séparée ou a divorcé de son époux en raison de sa violence, elle peut craindre que celui-ci découvre la vérité en consultant le registre familial, sur lequel est inscrit par ailleurs sa nouvelle adresse… Dans de telles circonstances, il se peut que la mère abandonne contre son gré l’idée de déclarer la naissance de son enfant.

Selon le ministère de la Justice, 11,2 % des mères d’enfant sans registre familial étaient mariées au moment de la naissance de l’enfant et le sont encore, 15,7 % ont donné naissance alors qu’elles étaient mariées mais sont aujourd’hui divorcées, et 50,9 % d’entre elles ont donné naissance dans les 300 jours après le divorce.

Suite > Comment prouver la désunion du couple ?

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Ninomiya ShûheiArticles de l'auteur

Né en 1951 à Yokohama. Il obtient en 1974 sa licence de droit à l’Université d’Osaka, et en 1991 son doctorat en droit. Spécialiste en droit de la famille, il enseigne depuis 1987 à la faculté de droit de l’université Ritsumeikan. Parmi ses ouvrages figure Kazoku Hô (Droit de la famille), éditions Shinchôsha, 2013, Kazoku to hô – Kojinka to tayôka no naka de (La famille et le droit à l’époque de l’individualisation et de la diversité), Iwanami Shinsho, 2007.

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