Les leçons de la crise financière de 1997 au Japon

Économie

L’économie japonaise reste sous l’emprise de la déflation et de la croissance faible, une situation que l’on peut faire remonter à 1997 et à la contraction brutale de l’économie provoquée par la crise financière survenue cette année-là. L’article qui suit, rédigé deux décennies plus tard, revient sur ce qui s’est réellement passé en novembre 1997.

Une aversion pour les injections de fonds publics

La première intervention directe du MoF auprès d’un établissement financier pour lui donner l’ordre, au nom de la Loi sur les banques – le fondement légal de la gestion des banques –, d’améliorer ses performances date de 1988. « Si l’on invoquait la Loi sur les banques, cela signifiait que l’établissement concerné était en danger, ce qui aurait pu susciter des inquiétudes en termes de solvabilité. Pour éviter ce genre de situation, nous prenions beaucoup de précautions pour invoquer la loi », se souvient un fonctionnaire employé à l’époque au Bureau pour les banques du ministère des Finances.

La querelle à la Diète entre les partis de la majorité et ceux de l’opposition à propos du problème des créances douteuses est venue d’un secteur inattendu. Plutôt que des banques, l’étincelle est venue des sociétés spécialisées dans le prêt au logement. Ces sociétés empruntaient des fonds aux banques pour effectuer des prêts individuels au logement. Pour donner de l’expansion à leur activité, elles ont fait un pas supplémentaire en octroyant des prêts immobiliers aux entreprises. Alors que les banques se livraient à une stricte évaluation des risques avant d’accorder des prêts, en prêtant aux sociétés spécialisées dans le prêt au logement, elles ont accumulé dans leurs portefeuilles des prêts assortis de conditions beaucoup plus laxistes. Ces prêts se sont dégradés avec l’éclatement de la bulle spéculative. Comme les sociétés spécialisées dans le prêt au logement n’acceptaient pas de dépôts, la mise en faillite aurait dû permettre de régler le cas de celles qui étaient devenues insolvables. Mais cette solution était difficile à mettre en œuvre du fait des sociétés de prêt au logement constituées de fonds provenant des établissements financiers du secteur agricole. À cette époque, les parlementaires liés à ce secteur jouissaient d’une influence considérable. Craignant l’impact des pertes sur les établissements financiers du secteur agricole, ils contraignirent le gouvernement à approuver en décembre 1995 une dotation budgétaire de 685 milliards de yens de fonds publics pour les indemniser.

Cette décision suscita une vive opposition.  Les journaux publièrent des éditoriaux intitulés « On ne peut pas autoriser cela » (Asahi Shimbun) ou « Un arrangement politique qui viole les règles » (Nikkei). Malgré le gonflement du portefeuille des créances douteuses détenues par les banques qui se trouvaient au cœur du système financier, et malgré l’imminence d’une crise, le MoF coupa court à toute discussion sur le recours à l’argent public.

Une fois cette option écartée, le ministère tenta de sauver la banque en difficultés Nippon Crédit Bank par le biais d’investissements et de prêts en provenance d’autres sociétés actives dans le même secteur. Ce procédé est devenu célèbre à cette époque sous le nom de « méthode de la liste de donation ».

En mars 1997, une conférence de presse fut convoquée pour annoncer que les parties concernées étaient parvenues à un accord en vue d’une fusion de la banque en difficultés Hokkaidô Takushoku Bank avec la Hokkaidô Bank. Mais l’accord tourna court et la Hokkaidô Takushoku Bank fit faillite en novembre, faillite précédée et suivie respectivement par celles des maisons de titres Sanyô et Yamaichi Securities. Tout de suite après, le 26 novembre, commença la ruée sur les banques.

Confronté à cette situation de crise, le MoF entreprit de mettre en place les fondements légaux permettant l’injection de fonds publics. Il n’y avait pas de temps à perdre, malgré l’aversion que le recours à l’argent public inspirait à la Diète depuis l’affaire de la société de prêt au logement. Pour éviter que l’économie japonaise ne subisse des dommages irréparables, il fut finalement décidé que l’ordre financier devait être maintenu, fût-ce au prix d’une augmentation des recettes fiscales.

Suite > La lenteur de réaction des autorités a laissé de profondes blessures

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