À la rescousse des jeunes japonaises errant dans la nuit

Société

Des jeunes filles errent dans la ville la nuit. Elles ont fugué de chez elles pour diverses raisons : harcèlement, maltraitance, pauvreté. Passées entre les mailles du filet de la protection sociale, que leur reste-t-il pour s’en sortir ?

Faire entendre les voix de ces jeunes femmes ne suffit pas

Moi aussi, jusqu’à l’âge de 18 ans, je n’avais pas réfléchi à ce que je voulais faire de ma vie, et je prenais tous les adultes pour mes ennemis. Je ne vivais que l’instant présent, et cela me convenait totalement.

J’ai été interviewé par un magazine à cette période. Je me rappelle que le journaliste, un homme d’âge mûr, était quelqu’un à qui il était facile de parler. Il m’a écouté attentivement, en riant beaucoup, sans me faire la morale, et m’a posé beaucoup de questions. Je n’avais jamais rencontré de personne de ce genre. Cette rencontre m’a transformée. Elle m’a donné l’envie de m’intéresser aux adultes, de parler à toutes sortes de gens, et d’écrire, pour raconter avec mes propres mots les histoires qu’ils voulaient bien me faire partager.

Grâce à cette interview, j’ai fait connaissance avec le rédacteur en chef d’un magazine, et j’ai commencé à écrire des articles basés sur des interviews de jeunes filles vivant de toutes sortes de façons. En 2006, j’ai créé avec mes propres deniers Voices, un magazine gratuit dont 21 numéros, y compris des numéros spéciaux, ont été publiés à ce jour. Mon magazine a permis de faire entendre les voix de jeunes femmes qui racontaient leur vécu : grossesse, avortement, maltraitance, fugues, automutilation, relations tarifées, travail dans des établissements de prostitution, délinquance, enfermement chez soi, dépendance à la drogue...

Tel est le contexte dans lequel j’ai rencontré Ayumi, cette jeune fille qui m’avait confié son désir de refaire sa vie. En l’entendant, j’ai compris que je ne pouvais me contenter uniquement de retranscrire les paroles de ces jeunes qui erraient sans but, et qu’il fallait agir, en leur fournissant un environnement stable où elles pourraient s’émanciper et devenir autonomes. La plupart de celles que j’avais rencontrées n’avaient pas conscience des difficultés qu’elles affrontaient, ne savaient pas expliquer qu’elles étaient dans une situation où elles avaient besoin d’aide, et ignoraient jusqu’à l’existence des services sociaux vers qui elles pouvaient se tourner.

J’ai créé l’ONG « BOND Project » pour pouvoir jouer en quelque sorte un rôle « d’interprète » : aux personnes désireuses d’y participer, j’explique le ressenti et la situation de ces jeunes filles en détresse qui n’ont aucune protection sociale. À l’inverse, je transmets d’une manière simple à ces filles ce que me disent les personnes souhaitant leur venir en aide.

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