À la rescousse des jeunes japonaises errant dans la nuit

Société

Des jeunes filles errent dans la ville la nuit. Elles ont fugué de chez elles pour diverses raisons : harcèlement, maltraitance, pauvreté. Passées entre les mailles du filet de la protection sociale, que leur reste-t-il pour s’en sortir ?

À 17 ans, un désir de repartir de zéro

J’ai créé en 2009 l’ONG « BOND Project », dont l’objectif est simple : être à l’écoute des jeunes filles qui se sentent en difficulté pour vivre, et faire entendre leurs voix afin de leur apporter l’aide dont elles ont besoin, à savoir leur offrir un endroit qui les accueille, les protéger d’un environnement nocif, et leur permettre d’accéder à une autonomie. À l’origine de ce projet, une rencontre avec une jeune fille qui errait la nuit dans le quartier de Shibuya. À cette époque, le journal gratuit que je dirigeais, Voices, toujours en main, je parcourais les rues nocturnes du quartier pour adresser la parole aux jeunes filles suscitant mon attention et écoutais leurs histoires.

Ce soir-là, j’ai parlé à Ayumi (le nom a été changé), une jeune fille de 17 ans. Elle m’a expliqué qu’elle avait fugué de chez elle, dans la région du Tôhoku trois jours plus tôt, et avait mis le message suivant sur un site de rencontres : « Fugueuse âgée de 17 ans. Recherche personne qui peut lui payer un repas à Shibuya ». Elle venait justement d’avoir rendez-vous avec un homme qui y avait répondu. « Je voulais partir à Tokyo et reprendre ma vie à zéro », m’avait-elle dit.

Quel genre d’environnement peut donner envie de repartir de zéro à 17 ans ? Je l’ai priée de m’en dire plus.

Ses parents avaient divorcé quand elle était enfant. Elle avait commencé à fuguer après le remariage de sa mère avec un homme avec qui elle ne s’entendait pas. En échange d’argent, elle fréquentait des personnes plus âgées avec qui elle avait très souvent des relations sexuelles. Elle avait également travaillé dans des établissements fournissant des massages sexuels. Victime de harcèlement scolaire, elle avait arrêté ses études à 16 ans quand elle avait eu un enfant, puis s’était mariée. Mais cette union était un échec, et son mari l’avait mise à la porte.

« Je voulais refaire ma vie dans une autre ville. Mais je ne connais personne à Tokyo où je n’ai ni travail ni lieu où vivre. Et pas d’argent non plus. Je ne sais pas ce que je vais faire. » Cette rencontre a eu une grande influence sur ma vie.

Un membre de l’ONG « BOND project » distribue un formulaire d’enquête à des jeunes filles dans le quartier de Shibuya, à Tokyo.

Suite > Faire entendre les voix de ces jeunes femmes ne suffit pas

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