Le boom félin au Japon

Société

Kita Yôsuke [Profil]

Depuis quelques années, on trouve au Japon une multitude de livres et de produits en lien avec les chats, et les propriétaires de félins sont nombreux à poster sur les réseaux sociaux les plus mignons clichés de leurs petits protégés. Examinons ce phénomène en compagnie d’un amoureux des chats.

Le poids des réseaux sociaux

Les réseaux sociaux ont joué un rôle majeur dans le boom félin actuel. En effet, les photos et images de chats sont devenues un véritable moyen de communication.

Sur Instagram, Facebook ou Twitter, nous sommes nombreux à regarder et apprécier chaque jour des dizaines et des dizaines de photos et de vidéos de chats. Avant les réseaux sociaux, nous n’étions pas soumis à autant d’images félines qu’aujourd’hui.

Pour ma part, c’est après avoir découvert le charme des chats sur les réseaux sociaux que j’en ai adopté un. Sans aller jusque-là, nombre de personnes ont appris à aimer les chats par le biais de ces images qui distillent bonheur et bien-être.

Récemment, des réseaux sociaux réservés aux chats et aux chiens ont même fait leur apparition ; ils connaissent un succès fulgurant. L’appli Dokonoko permet de réaliser un album des photos postées, de le partager avec les autres abonnés et d’échanger des commentaires. Les abonnés sont à la fois créateurs et utilisateurs des contenus, un statut tout à fait représentatif du boom actuel.

Par ailleurs, de nombreuses maisons d’édition publient des recueils de photographies de chats devenus des « stars » sur les blogs et les réseaux sociaux. Dans la période difficile que traverse aujourd’hui le secteur de l’édition, il s’agit d’un créneau porteur.

L’album de l’auteur sur l’appli Dokonoko

Pourquoi les chats, et pas les chiens ?

Les chats sont donc devenus les compagnons de prédilection des Japonais.

Au Japon, la famille nucléaire est de plus en plus la norme, et le déclin de la natalité constitue un réel problème. Avec la baisse du nombre de personnes par foyer, le chat domestique est de plus en plus souvent considéré comme un membre à part entière de la famille, ou bien, il se conduit même en maître, comme c’est le cas chez moi.

D’après le ministère des Affaires intérieures et des Communications, le nombre d’enfants de moins de 15 ans s’établissait à 15,71 millions en avril 2017, en baisse pour la 36e année consécutive. On compte aujourd’hui presque deux fois moins d’enfants au Japon qu’en 1954, année faste où ils étaient 29,88 millions.

Dans le même temps, le nombre de chats de compagnie s’est stabilisé depuis 2011, à un peu moins de 10 millions. Faute de données suffisantes, il est difficile d’être péremptoire, mais l’écart entre le nombre d’enfants et le nombre de chats domestiques semble se réduire.

Puisque la population humaine décroît tandis que la population féline reste stable, on peut en déduire que celle-ci occupe une part plus importante.

C’est vrai aussi entre chiens et chats. Le graphique ci-dessous montre l’évolution du nombre de chiens et de chats domestiques au Japon. On voit que le meilleur ami de l’homme est sur le point de se faire détrôner par son adversaire à la fourrure soyeuse.

Mais pourquoi les chats supplantent-ils les chiens ?

Le Japon connaît à la fois une urbanisation et un vieillissement de sa population. Il est difficile d’élever un chien dans un appartement en ville, et il faut le promener régulièrement. Un chat, lui, s’adapte facilement à la vie en appartement et nécessite des soins moins fréquents et moins coûteux.

Bref, le chat est plus adapté au quotidien des citadins âgés. La présence de plus en plus prégnante des félins est l’autre face de la désaffection envers nos amis canins. La diminution du nombre de publications autour des chiens est un autre signe de l’effacement de leur présence.

Tous les amoureux des chats espèrent sans doute que le boom actuel, loin d’être un phénomène passager, sera durable.

(Photo de titre : des maneki-neko de tout le Japon dans le cadre de l’exposition « Le chat, toujours et encore » organisée par le Musée de la culture de Kyoto)

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Kita YôsukeArticles de l'auteur

Chercheur chez Mitsubishi UFJ Research & Consulting. Né en 1983, diplômé en économie de l’université de Kyoto. En poste depuis 2007, il est spécialisé dans la recherche sur les stratégies pour les PME et les start-up. Devenu un amoureux des chats après avoir recueilli un félin abandonné, il consacre ses loisirs aux recherches dans le domaine de la protection animale. Depuis 2016, en tant que « nekonomist », il s’attache à réfléchir et communiquer sur les relations entre humains et félins. Il est l’heureux propriétaire de Shinsuke, ex-chat de gouttière, et de Goma, adopté dans un refuge.

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