Gagner de l’argent au Japon, un mirage pour beaucoup d’étudiants étrangers

Société

Le nombre d’écoles de l’Archipel spécialisées dans l’enseignement de la langue japonaise aux étrangers ne cesse d’augmenter, année après année. On en compte à l’heure actuelle plus de 600. Toutefois, beaucoup des élèves inscrits dans ces établissements se rendent au Japon non pas pour étudier mais pour gagner de l’argent, attirés par les promesses alléchantes d’intermédiaires peu scrupuleux. Pour ce faire, ils s’endettent lourdement et, une fois sur place, ils ont bien du mal à rembourser leurs emprunts avec les emplois mal payés qu’on leur réserve. Dans l’article qui suit, l’auteur dénonce les méthodes perverses de ce véritable « business de l’éducation ».

Des écoles de japonais jusque dans les régions dépeuplées

Dans le temps, les écoles de japonais étaient pour la plupart implantées dans les zones urbaines où l’on trouve facilement des emplois à temps partiel. Mais depuis peu, elles ont fait également leur apparition dans des régions affectées par le dépeuplement. En 2015, un établissement spécialisé dans l’enseignement du japonais a ainsi ouvert ses portes à Amami Ôshima, une île de la préfecture de Kagoshima. L’année suivante, on a assisté au même scénario dans l’île de Sado de la préfecture de Niigata. Et au cours de l’automne 2017, Oku-Tama, un bourg situé dans une zone montagneuse, aux confins de la préfecture de Tokyo, devrait accueillir une école de japonais installée dans les locaux d’un ancien collège. Enfin, la petite ville de Setouchi, dans la préfecture d’Okayama, envisage quant à elle d’ouvrir en 2018 un établissement d’enseignement professionnel destiné aux étudiants internationaux, dans une école primaire désaffectée.

Il se trouve que je suis né à Setouchi. La population de la ville ne cesse de vieillir et de diminuer. À l’heure actuelle, elle se limite à 38 000 personnes. La principale industrie de Setouchi est l’ostréiculture, un secteur où la main d’œuvre fait cruellement défaut. La ville essaie donc d’attirer les étudiants internationaux pour pouvoir les faire travailler sur place. Elle compte les héberger dans les maisons vides de plus en plus nombreuses qu’elle abrite. Pour faciliter la mise en œuvre de ce projet de revitalisation de l’économie locale, elle a proposé au nouvel établissement de langue de lui louer à bas prix les locaux de l’ancienne école primaire. Au train où vont les choses, les initiatives de ce type risquent fort de se multiplier dans tout l’Archipel. Reste à savoir si elles auront le succès escompté.

Une multiplication des séjours au-delà de l’expiration des visas

À la date du 1er janvier 2017, les autorités ont recensé 65 270 étrangers vivant encore au Japon, malgré l’expiration de leur visa. Leur nombre est en constante progression depuis 2014. L’augmentation est particulièrement nette parmi les Vietnamiens avec 5 137 résidents illégaux, soit 35 % de plus qu’en 2016. Sur la totalité des étrangers en situation irrégulière de janvier 2017, 3 807 sont d’anciens étudiants internationaux, soit 11 % de plus par rapport à l’année précédente. Autrement dit, la multiplication du nombre des étudiants venus du Vietnam est allée de pair avec un accroissement du nombre des Vietnamiens restés illégalement au Japon.

Une partie non négligeable de ces individus continue à travailler en toute illégalité au Japon pour rembourser les dettes qu’ils ont contractées dans leur pays. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que certains d’entre eux en arrivent à commettre des délits comme les vols, notamment à l’étalage, pour se procurer au plus vite l’argent dont ils ont besoin, avant de se faire attraper par la police et renvoyer dans leur pays. En 2015, les Vietnamiens sont arrivés en tête, en tant que nationalité, des étrangers arrêtés pour un délit commis dans l’Archipel, y compris par rapport aux Chinois qui sont quatre fois plus nombreux qu’eux au Japon.

Il est temps d’arrêter les méthodes lâches

La situation des « faux étudiants » est déplorable tant pour eux-mêmes que pour les Japonais. Pour venir dans l’Archipel, les étudiants internationaux empruntent de grosses sommes d’argent et une fois sur place, ils sont contraints de travailler pour payer leurs frais de scolarité et rembourser leurs dettes. Et les délits que commettent certains d’entre eux affectent aussi les Japonais.

Pour remédier à cet état de fait, il faudrait commencer par mettre un terme à l’afflux des « faux étudiants » actuel. Il suffirait pour cela que les autorités compétentes examinent avec soin les documents accompagnant les demandes de visa d’étudiant et qu’ils opposent un refus à toute personne ayant remis des documents falsifiés pour prouver sa capacité à subvenir à ses propres besoins. Malheureusement, les choses sont en train d’évoluer dans le sens opposé. En mai 2017, le Parti libéral-démocrate (PLD) à la tête de la coalition au pouvoir, a demandé à ce qu’on insiste sur l’objectif de porter le nombre des étudiants internationaux à 300 000, d’ici 2020. Le Conseil du PLD pour la promotion de l’engagement dynamique de tous les citoyens a émis un ensemble de directives appelant notamment à une « utilisation active » de ces mêmes étudiants pour pallier au manque de main-d’œuvre du Japon. Il semble même qu’il soit question de leur accorder plus que les 28 heures de travail hebdomadaires autorisées à l’heure actuelle.

S’il veut faire appel à des travailleurs étrangers pour remédier à la pénurie de main-d’œuvre dont il souffre, le Japon doit regarder les choses en face et prendre les mesures appropriées. Mais au lieu de cela, il préfère laisser entrer des étrangers ayant emprunté de grosses sommes d’argent pour obtenir un visa d’étudiant, leur donner des emplois dont les Japonais ne veulent pas et récupérer l’argent qu’ils gagnent sous forme de frais de scolarité. Dans ces conditions, il est tout à fait naturel que beaucoup d’étrangers, déçus par le Japon, en viennent à détester notre pays.

Au départ, le gouvernement japonais a adopté une politique d’accueil des étudiants internationaux pour accroître le nombre des étrangers qui contribuent à l’avenir de l’Archipel en apprenant sa langue et en se familiarisant avec sa culture. Mais à l’heure actuelle, ce système est en train d’avoir l’effet contraire de celui recherché. Il faut donc que le Japon renonce sur le champ à l’objectif formulé au niveau national de porter le nombre des étudiants étrangers à 300 000 d’ici 2020.

(D’après un article en japonais du 13 juillet 2017. Photo de titre : Une rue de Hanoï, à une heure de pointe. Le Vietnam fait partie des pays où il y a un véritable boom des « études au Japon ». Photo de titre : PIXTA)

Tags

Asie étudiant travail

Autres articles de ce dossier