L’implosion attendue de la population du Japon

Société

Le Japon va faire son entrée en terrain inconnu, à mesure que s’instaure la phase de croissance démographique négative générée par le vieillissement rapide de la société japonaise. Cette tendance est-elle susceptible de s’inverser ? Comment le pays peut-il maintenir le cap de la croissance économique alors que sa population active diminue et que les coûts de sécurité sociale s’envolent ? Le journaliste Tani Sadafumi se penche ici sur ce dilemme démographique.

La population du Japon, qui est dès à présent la plus âgée du monde, continue de vieillir alors même qu’elle diminue. Dans les décennies qui viennent, le pays va se trouver confronté à des problèmes tels que la contraction de la population active et l’envolée des coûts de la sécurité sociale et, sachant que les personnes âgées occupent une part grandissante dans l’électorat, le gouvernement va devoir faire des choix pour trouver un équilibre entre les demandes de ces dernières et les intérêts des jeunes citoyens. Dans l’article qui suit, je m’appuie sur une analyse présentée le 14 juin par Kaneko Ryûichi, directeur général adjoint de l’Institut national pour la recherche sur la population et la sécurité sociale (sigle anglais IPSS) pour proposer un bref aperçu du dilemme démographique du Japon et m’interroger sur quelques solutions éventuelles.

Les graphiques de la figure 1 illustrent le changement considérable de la structure démographique du Japon au cours des 50 dernières années. La pyramide des âges en 1965, au plus fort du « miracle économique » japonais (et année consécutive aux derniers Jeux olympiques de Tokyo), évasée à la base et effilée au sommet, révèle une distribution des âges plus ou moins classique pour une population en augmentation. La tranche d’âges des 16-18 ans (le baby-boom de l’après-guerre) dessine la plus forte saillie, et éclipse celle des 65 ans et plus. Un demi-siècle plus tard, le changement de silhouette est spectaculaire, l’élargissement se produisant bien au-dessus du milieu et le rétrécissement se faisant vers la base. Ce profil nous apprend deux choses : tout d’abord, qu’un grand nombre de jeunes adultes de 1965 sont des sexagénaires et des septuagénaires toujours en vie, ensuite que le nombre de naissances a été trop réduit au cours des dernières décennies pour regarnir les rangs des jeunes tranches d’âges.

Pendant la période de temps considérée, la croissance nette de la population japonaise a été de 30 %. L’effectif de la population en âge de travailler (15-64 ans) a lui aussi augmenté, mais sa part du total est tombée de 68,1 % à 60,8 %. Et l’âge médian, qui est le meilleur indicatif de l’âge d’une population, est passé de 27,5 à 46,7 ans.

Des projections qui donnent à réfléchir

Ces tendances soulèvent de sérieuses questions quant à l’évolution de la structure de la population japonaise dans les années à venir. Les indicateurs démographiques figurant dans le tableau ci-dessous proviennent des dernières projections démographiques élaborées par le gouvernement à partir des hypothèses les plus plausibles en matière de fécondité et de mortalité.

Projections démographiques pour le Japon (variante moyenne)

2040 2065
Nombre d’habitants 110 920 000 (-12,7 %) 88 080 000 (-30,7 %)
Âge médian 54,2 ans (+7,5 ans) 55,7 ans (+9,0 ans)
Proportion des personnes en âge de travailler 53,9 % (-6,9 points) 51,4 % (-9,4 points)
Proportion des personnes âgées 35,3 % (+8,7 points) 38,4 % (+11,8 points)

Si l’on s’en tient à ces projections, la population japonaise se maintiendra au-dessus de la barre des 100 millions d’habitants jusqu’en 2040. Mais en 2065, elle sera tombée nettement en dessous de ce seuil symbolique et il est estimé que l’âge moyen avoisinerait les 56 ans. Pour mettre ce phénomène en perspective, il est intéressant de rappeler que, jusqu’à il y a environ 30 ans, les employés des entreprises japonaises devaient impérativement prendre leur retraite à 55 ans. Si cette formule était toujours en vigueur, la moitié de la population serait constituée de retraités en 2065.

La population en âge de travailler est vouée à diminuer. Entre 1965 et 2015, le segment productif de la population (15-64 ans) a certes diminué en pourcentage du total, mais son effectif a augmenté, passant de 66,9 millions à 77,3 millions de personnes. La population en âge de travailler va donc décliner aussi bien en termes absolus que relatifs, pour tomber à 59,8 millions d’individus en 2040 et à 45,3 millions en 2065. Cette perspective soulève le spectre de sérieuses pénuries de main-d’œuvre, à moins que l’arsenal des outils technologiques et politiques soit mobilisé pour trouver un remède à ce déséquilibre.

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