L’isolement social au Japon

Les « hikikomori » : des reclus en marge d’une société vieillissante

Société

C’est à la fin des années 1990 que le phénomène appelé hikikomori – retrait volontaire et prolongé de la société –, observé chez les jeunes Japonais, a commencé à être perçu comme un problème. Depuis lors, la situation n’a fait qu’empirer à mesure que les hikikomori avançaient en âge.

Jamais sans leur smartphone, même au lit

Les smartphones, qui ont commencé à se répandre au Japon en 2010, représentent aujourd’hui plus de la moitié des téléphones portables en circulation. Leurs utilisateurs étant connectés sans interruption à Internet, ils se laissent facilement prendre par les jeux et les réseaux sociaux. Et la disponibilité de ces divertissements qui tournent vite à l’addiction crée un environnement dans lequel les individus basculent plus facilement dans l’état de hikikomori. Jadis, lorsque les gens développaient une véritable dépendance vis-à-vis d’Internet et aux jeux vidéo, ils se servaient principalement de leurs ordinateurs et de leurs consoles de jeux, et ils devaient donc s’asseoir sur une chaise, souvent devant un bureau. Aujourd’hui, ils peuvent jouer sur Internet et aller sur les réseaux sociaux allongés dans leur lit avec un téléphone.

La dépendance aux jeux reste un problème mineur tant que ces jeux sont gratuits. Mais certains reclus se laissent séduire par les bonus que les utilisateurs peuvent acquérir dans certains jeux en accumulant des points ou en payant. Et il arrive que leur facture mensuelle atteigne des sommes allant de 60 000 à 200 000 yens (entre 460 et 1540 euros). Comme ils n’ont aucun revenu, cet argent sort de la poche de leurs parents. Et si ces derniers rechignent à payer, il se peut que leur enfant se rebelle en leur disant, par exemple : « C’est votre éducation déplorable qui a fait de moi un hikikomori et le moins que vous puissiez faire pour compenser cet échec, c’est de me donner de l’argent. » Il peut même arriver qu’il devienne violent.

Bien sûr, la majorité des hikikomori ne crée pas des problèmes aussi graves. La plupart sont en fait trop calmes, voire léthargiques. Beaucoup sont victimes de brimades ou d’autres formes de maltraitance.

Il y a maintenant plus de 20 ans que le Japon s’est aperçu que les hikikomori constituaient un sérieux problème. Entre-temps, les changements survenus dans les modes de vie et le vieillissement à long terme de la population ont eu un impact important sur le problème des reclus, et la situation est devenue beaucoup plus complexe qu’on aurait pu l’imaginer auparavant. Dans le même temps, la capacité de la société à mettre sur pied des dispositifs destinés aux personnes affectées et à prendre soin d’elles n’a pas été en phase avec l’évolution de la situation. C’est ce que je ressens en tant que personne travaillant sur le terrain.

(D’après un texte original en japonais du 6 juillet 2017)

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