L’isolement social au Japon

Les « hikikomori » : des reclus en marge d’une société vieillissante

Société

C’est à la fin des années 1990 que le phénomène appelé hikikomori – retrait volontaire et prolongé de la société –, observé chez les jeunes Japonais, a commencé à être perçu comme un problème. Depuis lors, la situation n’a fait qu’empirer à mesure que les hikikomori avançaient en âge.

Les reclus bien nantis constituent des proies pour les escrocs

À mesure que le phénomène d’isolement social des hikikomori se prolonge, il y en a de plus en plus dont les parents meurent de vieillesse. Beaucoup d’entre eux, dont les ressources se trouvent ainsi taries, sombrent dans l’indigence. Mais il arrive aussi que les parents d’un reclus lui laissent un important patrimoine, en espérant qu’il parviendra à s’en sortir malgré son isolement, pour peu qu’il sache faire montre de parcimonie et puiser sans excès dans les économies dont il a hérité. Certains parents laissent plus de dix millions de yens à la banque (plus de 75 000 euros), d’autres construisent sur leur propriété des logements dont les loyers constitueront une source de revenu pour leur enfant après leur décès.

Ces gros héritages peuvent toutefois avoir des conséquences tragiques, quand le reclus qui en bénéficie n’a personne à qui demander conseil et que le sens de l’argent ou une connaissance basique de la société lui fait défaut. Depuis peu, on voit surgir sur Internet des groupes d’escrocs qui prennent pour cibles les hikikomori bien nantis. Au début, ces groupes s’en prenaient surtout aux personnes âgées, mais ils ont commencé à cibler aussi les reclus bien pourvus.

Ces derniers, n’ayant plus leurs parents ni personne d’autre à consulter, ont tendance à faire d’Internet leur principale source d’information. Ils vont sur les forums et y discutent des problèmes existentiels qu’ils rencontrent après la mort de leurs parents et de l’usage qu’ils peuvent faire des biens dont ils ont hérité. Les escrocs font semblant de vouloir les aider et utilisent la flatterie et toutes sortes d’artifices pour les persuader d’investir dans une affaire en tant que cogestionnaires. Dès que les hikikomori leur remettent de l’argent, ils le prennent et disparaissent.

Parfois, la victime escroquée est alors contactée en ligne par des complices du premier escroc, qui lui proposent un moyen de gagner facilement de l’argent. Le but de l’opération est de permettre à ces délinquants de faire l’acquisition de téléphones portables ou d’ouvrir au nom du reclus des comptes bancaires destinés à commettre d’autres escroqueries. Une personne dont j’ai eu à m’occuper récemment a commencé par être la victime d’escrocs pour se retrouver au bout du compte accusée d’être leur complice, puis déclarée coupable et condamnée à une peine de prison. Après sa libération, j’ai été contacté par un membre de sa famille qui ne savait pas quoi faire de lui.

Les hikikomori nantis sont aussi la cible d’autres types de délinquants. Certains leur vendent de l’alcool et des drogues qu’ils leur facturent ensuite à des prix exorbitants. Il arrive aussi qu’une jolie fille approche la cible en prétendant vouloir le soutenir ou autre chose, et finisse par lui soutirer de fortes sommes d’argent et des cadeaux somptueux. Souvent, les victimes de ce genre d’escroquerie ne se sentent pas capables d’en parler à qui que ce soit et encaissent leurs pertes en silence. La colère et la tension accumulées peuvent alors les pousser à la violence.

Quand un hikikomori perd ses parents et se retrouve totalement seul et sans soutien, sans personne pour lui prêter une oreille sympathique, le moindre petit ennui peut se transformer en problème majeur. Si l’on veut éviter que ces personnes soient abandonnées par la société, nous devons nous doter de tout un éventail de réponses et de dispositifs.

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