Les escroqueries téléphoniques, une spécificité japonaise ?

Société

Les escroqueries téléphoniques continuent à faire des ravages au Japon. Les escrocs trouvent sans cesse de nouveaux moyens de persuader leurs interlocuteurs de leur remettre de l’argent. Pourquoi ces malversations se multiplient-elles ? Nishida Kimiaki analyse la psychologie des victimes et cherche à comprendre pourquoi ces tromperies sont particulièrement nombreuses au Japon.

Un contexte propre à la société et aux familles japonaises

Lorsque la victime apprend par un appel téléphonique que son fils a des ennuis, deux autres mécanismes psychologiques propres à la société et aux familles japonaises entrent en jeu. Le premier est l’idée que la famille doit faire bloc : la mauvaise conduite du fils est aussi la responsabilité de ses parents. Ceux-ci craindraient d’être critiqués pour leur froideur ou leur inconséquence s’ils n’aidaient pas leur rejeton.

Le second mécanisme est l’idée qu’il faut tenir compte des circonstances. Elle contribue à faire tomber plus facilement dans le piège tendu. En termes de responsabilité individuelle, un adulte à l’origine d’un accident ou d’un scandale doit bien entendu personnellement en assumer les coûts ou la condamnation. Les parents japonais le savent bien, eux aussi.

Mais au Japon, on a tendance à penser que si l’on fait preuve d’une profonde contrition, cette attitude sera prise en compte, et l’erreur qu’on a commise sera peut-être pardonnée, ou le crime perçu comme moindre. En d’autres termes, les victimes d’escroquerie s’accrochent à l’espoir qu’on pourra peut-être s’arranger à l’amiable si l’interlocuteur est ému, même si la situation justifie normalement un licenciement ou une intervention de la police.

Les escrocs utilisent en outre des approches de plus en plus raffinées. Parmi les pièges ingénieux qui empêchent la victime d’avoir des doutes, l’un consiste à faire croire à la victime qu’elle va remettre l’argent directement à son fils.

Dans ce cas, la victime qui a rassemblé l’argent nécessaire croit qu’elle va rencontrer son fils. L’idée de lui remettre la somme en mains propres la convainc qu’il ne s’agit pas d’un mensonge. Mais en réalité, après avoir longtemps attendu à l’endroit convenu, elle finit par recevoir un appel du « fils » qui prétexte un empêchement pour lui faire remettre l’argent à quelqu’un d’autre. Exprimer des doutes et refuser risquerait alors d’aggraver la situation, s’imagine-t-elle.

Prévenir ce genre d’escroquerie

Des mesures radicales doivent être prises d’urgence pour lutter contre cette criminalité. Trop de gens ont encore une confiance excessive en leur jugement et se croient à l’abri d’une telle escroquerie, ce qui freine l’adoption de mesures efficaces.

Il faut cesser de s’en remettre au jugement individuel, les autorités doivent prendre les mesures drastiques qui s’imposent. Par exemple, on pourrait apprendre au public à toujours vérifier sur un écran le visage de son interlocuteur lorsqu’il s’agit d’apporter une aide financière. Une vaste initiative, qui tienne compte des changements intervenus dans nos habitudes quotidiennes, me paraît indispensable, mais il nous manque un leader capable de proposer et de mettre en œuvre de telles actions.

(D’après un article en japonais du 16 juin 2017. Photo de titre : Aflo)

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