Fukushima : le retour à la normale reste une perspective lointaine pour ses habitants

Société

Suzuki Hiroshi [Profil]

Six ans après la catastrophe survenue à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, les autorités ont levé les consignes d’évacuation concernant quatre municipalités situées autour de la centrale et autorisé les habitants à revenir chez eux pour la première fois depuis la fusion des réacteurs. L’auteur de cet article, qui est impliqué dans la planification de la reconstruction depuis l’émission des consignes d’évacuation, plaide pour l’adoption d’un plan multidimensionnel, apte à répondre aux besoins complexes des personnes qui sont rentrées chez elles comme des évacués qui continuent de vivre ailleurs sous ce statut.

Un soutien aux personnes qui reviennent chez elles

Dans le scénario simpliste imaginé par les autorités, la levée des consignes d’évacuation entraîne le retour de chacun chez soi, suivi d’une longue vie heureuse. Mais la réalité n’est pas aussi simple et cette belle histoire ne propose aucune solution aux problèmes tels que ceux que nous avons évoqués plus haut. En plus des efforts qu’elles consentent pour restaurer et reconstruire l’infrastructure physique des villes et villages évacués, les autorités doivent travailler avec les habitants à l’élaboration de programmes qui les aideront à reprendre leurs vies en mains. Ces programmes doivent être fondés sur une vision réaliste de l’avenir et prendre en compte les aspirations des habitants eux-mêmes.

Depuis les premiers jours qui ont suivi la catastrophe, le gouvernement et la société TEPCO, l’exploitant de la centrale de Daiichi, répètent le même message : « Laissez-nous nous occuper de cela. » Cette position imprègne leurs façons d’agir dans tout ce qu’ils entreprennent : soutien aux évacués en logement provisoire, définition des normes de sécurité en matière de radiations, travaux de nettoyage, négociation des indemnisations, soutien aux moyens de subsistance et programmes de reconstruction. Cette gestion de tout au cas par cas a non seulement généré de l’incompréhension et de l’anxiété, mais encore creusé un abîme entre les autorités et les gens qu’elles sont censées vouloir aider. Pour les habitants, tous ces champs d’action sont étroitement connectés. Aucun processus n’a été mis en place en vue de bâtir un consensus et combler le fossé qui s’est creusé entre les autorités et les habitants, lesquels devraient pourtant jouer un rôle crucial dans la reconstruction de leurs propres communautés. C’est dans ce contexte que les consignes d’évacuation ont été levées.

Les autorités doivent en priorité élaborer un scénario moins simpliste, qui reflète mieux la réalité du terrain. Elles doivent se doter d’un plan multidimensionnel instaurant un équilibre entre, d’une part, les programmes de reconstruction des communautés et de soutien aux personnes revenues chez elles, et de l’autre, les mesures d’aide aux évacués ayant choisi de rester là où ils sont. On pourrait envisager, par exemple, un programme autorisant les évacués à partager leur vie entre deux zones pour une période relais, ce qui leur laisserait du temps pour reconstruire leurs villes d’origine tout en restant en logement provisoire. À cette fin, on pourrait fournir aux évacués des résidences où ils auraient la possibilité de vivre à temps partiel pendant qu’ils travaillent à la reconstruction de leurs communautés et à la réparation de leurs maisons endommagées et négligées.

(D’après un original en japonais du 9 mai 2017. Photo de titre : des cerisiers Somei Yohino à Tomioka, dans la préfecture de Fukushima, le 12 avril 2017. Le plus gros de l’alignement de cerisiers, long de 2,2 km, se trouve dans une zone d’évacuation interdite d’accès. Depuis le printemps dernier, les premiers 300 m de la route qu’ils bordent sont ouverts au public pendant la journée. Cet endroit est désormais classé en « zone d’interdiction provisoire d’habitation ». Jiji Press)

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Suzuki HiroshiArticles de l'auteur

Professeur émérite à l’Université de Fukushima, spécialiste de la politique du logement et de la planification régionale. A officié comme expert au sein de nombreuses commissions de la préfecture de Fukushima sur le logement public et la reconstruction dans les zones affectées par la catastrophe de 2011 et ses séquelles. A participé à la planification de la reconstruction avec les experts locaux et les fonctionnaires de la préfecture.

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