Fukushima : le retour à la normale reste une perspective lointaine pour ses habitants

Société

Suzuki Hiroshi [Profil]

Six ans après la catastrophe survenue à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, les autorités ont levé les consignes d’évacuation concernant quatre municipalités situées autour de la centrale et autorisé les habitants à revenir chez eux pour la première fois depuis la fusion des réacteurs. L’auteur de cet article, qui est impliqué dans la planification de la reconstruction depuis l’émission des consignes d’évacuation, plaide pour l’adoption d’un plan multidimensionnel, apte à répondre aux besoins complexes des personnes qui sont rentrées chez elles comme des évacués qui continuent de vivre ailleurs sous ce statut.

Évaluer la situation dans les zones affectées

Le fait que les autorités aient levé les consignes d’évacuation malgré les nombreux problèmes toujours irrésolus témoigne de leur désintérêt pour les difficultés auxquelles les habitants sont confrontés. Aujourd’hui plus que jamais, nous devons non seulement prendre en considération et évaluer les incertitudes qui pèsent sur les habitants, mais également anticiper les problèmes à venir.

Dans les zones qui viennent d’être jugées aptes à l’habitation, des piles de conteneurs souples remplis de matériaux contaminés continuent d’être provisoirement stockées en divers endroits depuis le début des opérations de nettoyage. Il est certes prévu de les évacuer vers des installations de stockage à moyen terme, mais je ne suis pas sûr que, au moment de lever les consignes d’évacuation, les autorités aient pris toute la mesure de l’anxiété et des tensions infligées aux habitants contraints de vivre leur vie au milieu de montagnes de débris contaminés.

Conteneurs de terre contaminée en stockage temporaire dans l’attente de contrôles de sécurité à Minami-Sôma, Fukushima. (Photo : Mainichi Shimbun/Aflo)

Hirono se trouve à 22 kilomètres de Fukushima Daiichi. Après la catastrophe, les services médicaux de cette ville en sont venus à se reposer sur les seules épaules du responsable de l’hôpital local, le Docteur Takano Hideo. Mais l’avenir de l’hôpital s’est trouvé remis en question à la fin de l’an dernier quand le Dr Takano a trouvé la mort dans un incendie. Au début de cette année, Nakayama Yûjiro, un médecin de Tokyo, a pris la relève pendant un certain temps, assumant pendant deux mois les fonctions de médecin résident de l’hôpital.

Nakayama Yûjiro a relaté l’expérience qu’il a vécue dans un journal de bord, publié en ligne en avril 2017 par Nikkei Business sous le titre « La réalité de Fukushima : le point de vue d’un docteur ». Dans son récit, le Dr Nakayama décrit la tragédie en cours provoquée par la catastrophe et parle des nombreuses personnes qui n’ont pas survécu au stress généré par les conditions de vie en habitat provisoire. Il attribue ces décès à trois grandes raisons : séparation de la famille et perte de la communauté, interruption d’un traitement médical en cours, modification de l’environnement. L’expérience du Dr Nakayama illustre bien les processus indirects à travers lesquels le bilan de la mortalité due à la catastrophe continue de s’alourdir.

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Suzuki HiroshiArticles de l'auteur

Professeur émérite à l’Université de Fukushima, spécialiste de la politique du logement et de la planification régionale. A officié comme expert au sein de nombreuses commissions de la préfecture de Fukushima sur le logement public et la reconstruction dans les zones affectées par la catastrophe de 2011 et ses séquelles. A participé à la planification de la reconstruction avec les experts locaux et les fonctionnaires de la préfecture.

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