Les défis de la réforme du travail au Japon

Société

La réforme du travail est l’une des priorités du gouvernement Abe. Sera-t-il capable d’apporter une solution efficace aux longues heures supplémentaires qui accablent les Japonais depuis des décennies ?

Venir à bout des causes réelles des heures supplémentaires

Un point fait cruellement défaut au débat sur la réforme du travail : la cause même des heures supplémentaires. Elle est double : elle tient à l’esprit de compétition entre travailleurs pour l’avancement de leur carrière et à l’absence de définition claire des fonctions de chaque employé.

Bien sûr, il existe aussi des facteurs liés à la culture d’entreprise comme je l’ai mentionné ci-dessus. Certains voient dans l’ardeur des Japonais au travail l’une des principales causes de la multiplication des heures supplémentaires. Mais au lieu d’en appeler à des théories psychologiques, mieux vaudrait remettre en question une société dans laquelle tous les employés rivalisent pour grimper dans la hiérarchie, une structure de travail dans laquelle chacun se voit attribuer toutes sortes de fonctions sans aucune limite.

La réforme du travail n’apportera rien sans s’attaquer à ces deux facteurs. Avant toute chose, il est nécessaire de repenser la charge de travail dans sa totalité et la façon dont sont assignées les tâches aux employés.

Je suis favorable à des réformes sur le travail qui iraient dans cette direction, comme l’introduction de nouveaux systèmes de promotion, la clarification des tâches assignées aux employés et l’amélioration de la répartition du travail. Mais une réforme qui se borne à pousser les entreprises à réduire les heures de travail ou à restreindre arbitrairement les heures supplémentaires ne sera guère différente du modèle archaïque faisant appel à la persévérance et à la bonne volonté de chacun.

Une réforme qui rejette la responsabilité sur les entreprises est source d’heures supplémentaires non rémunérées. Autrement dit, un employé déjà surchargé de travail à qui on impose de surcroît des restrictions prendra sur lui de faire des heures supplémentaires. Un exemple vient justement étayer cette thèse : parmi les entreprises épinglées par les médias pour leurs cadences infernales, certaines interdisent formellement les heures supplémentaires, avec pour effet de contraindre le personnel à effectuer des heures supplémentaires non rémunérées.

Bien entendu, on peut aussi croire aux possibilités infinies de l’être humain. Dans les entreprises qui cherchent à raccourcir les horaires de travail, par exemple en imposant une heure de départ obligatoire, les mentalités évoluent et les employés s’adaptent. Les longues heures de travail sont maintenant vues d’un mauvais œil par les employés eux-mêmes dans certaines entreprises. Mais il est clair que la transition ne sera pas si aisée partout.

L’idée d’une réforme du travail ne suscite que peu d’opposition. Mais une réforme qui consiste à rejeter la responsabilité sur les entreprises risque surtout d’engendrer de nouveaux problèmes.

Suite > Faire participer l’opinion publique à une réforme voulue par le gouvernement

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