De plus en plus de meurtres familiaux de personnes dépendantes à domicile

Société

Yuhara Etsuko [Profil]

Dans le présent article, nous analysons le phénomène des meurtres familiaux de personnes dépendantes qui se développent dans tout le pays, pour réfléchir à des moyens préventifs.

Une société qui n’isole pas la personne en charge de soins

Le problème avait déjà été signalé il y a plus de trente ans(*2) : ce qu’il importe de faire, c’est de bâtir une société dans laquelle la personne en charge des soins à domicile de toute autre personne sur le long terme ne se trouve pas isolée. Non seulement la personne qui nécessite des soins continus doit être l’objet de notre attention, mais la personne qui donne ces soins également. À l’heure actuelle au Japon, le fait d’être considéré comme chargé des soins à une personne vous oblige à faire face à un isolement de plus en plus total. Être obligé de quitter ou de changer son travail parce que vous devez vous occuper de quelqu’un est courant. De même, il est difficile de maintenir un réseau d’amis si vous devez vous occuper de quelqu’un.

Il n’est que d’entendre quotidiennement des récits sur ces réalités pour comprendre que les Japonais sont extrêmement anxieux concernant ce problème des soins à personne dépendante. Selon une enquête de Carers Japan en 2010 auprès de 10 663 personnes dans les cinq régions du pays, 84,5 % des personnes qui n’ont pas à s’occuper de quelqu’un à l’heure actuelle expriment leur inquiétude concernant ce problème pour leur futur. Une autre enquête, réalisée en 2014 auprès de 6 195 personnes entre 20 et 69 ans à l’échelle nationale par le Laboratoire Meiji-Yasuda sur le mode de vie et le bien-être social, 38,0 % des hommes et 45,0 % des femmes se disent « très inquiets » concernant la prise en charge des soins à la personne de façon générale. Ces chiffres sont très préoccupants. Cette inquiétude générale que nous entretenons vis-à-vis de la façon dont nous nous occupons des personnes dépendantes signifie que nous n’avons pas une vision très optimiste de l’avenir.

S’il était possible de maintenir une vie personnelle, de profiter de son temps libre, sans se retrouver isolé, tout en ayant charge de soins de longue durée à une personne dépendante, les soignants n’auraient pas le sentiment de se trouver coincés au point d’envisager la mort comme une solution. Il est urgent de penser à la création d’une plateforme publique d’aide aux personnes mêmes qui donnent des soins à une personne dépendante de la famille.

Apprendre des soignants étrangers

Au Japon, l’aide aux personnes âgées nécessitant des soins est définie par la loi de 1997 instituant le système d’assurance sociale pour les soins à domicile des personnes dépendantes. Néanmoins, en ce qui concerne les soignants eux-mêmes, leur statut n’est pas suffisamment défini. Bien que la loi prévoie un devoir de soin de la part de la famille, ce devoir étant défini sur la base du volontariat il n’y a aucune obligation de la part des collectivités locales à faciliter cette prise en charge familiale.

À l’étranger, en revanche, les législations sur les aides aux soins de longue durée ont énormément progressé ces vingt dernières années. Au Royaume-Uni, par exemple, non seulement une aide est attribuée en cas de poursuite des soins à domicile, mais le rôle social des personnes qui accomplissent ces soins est contrôlé, de façon à ce que les soins n’isolent pas socialement la personne. En Australie, une loi fédérale a institué une plateforme d’aide aux personnes qui s’occupent des gens dépendants à domicile, et cette loi est peu à peu intégrée dans la législation de chaque état. Ces pays reconnaissant donc le droit des personnes qui exercent des soins à personne dépendante à domicile à une aide, et ont promulgué des lois dans ce sens, reconnaissant le droit des soignants à être « entourés socialement » et fournissent une aide financière au soignant. Les communautés locales organisent la mission de soins des soignants, ce qui garanti l’efficacité des soins en question. Ces efforts pourraient servir de guide au Japon pour une future réforme du système de soins à la personne.

Il nous faut nous aussi développer, sur le modèle des autres pays développés, un système d’aide publique aux personnes chargées du soin des personnes dépendantes à domicile. Cela permettra de réduire l’inquiétude associée à l’idée de soins à la personne, non seulement pour ceux qui doivent bénéficier de ces soins mais pour ceux qui les prodiguent, et ainsi promouvoir un avenir plus serein. Nous devons construire une société où chacun puisse continuer à vivre une vie digne, respectée dans son individu, même à l’intérieur de la famille. Nul doute qu’en chemin, les meurtres familiaux de personnes dépendantes diminueront naturellement.

(D’après un article en japonais du 5 octobre 2016. Photo de titre : Jiji Press.)

(*2) ^ Ôta Teiji (1987) : « Essai sur la question des soins à domicile – Étude d’un incident de soins à personne âgée »

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vieillissement famille soin meurtre

Yuhara EtsukoArticles de l'auteur

Professeur agrégé de l’Université Nihon Fukushi. Son domaine de recherche est la protection sociale, la justice et le bien-être. Diplômé de la faculté de droit de l'Université de Nagoya en 1992. En 2003, elle termine un cycle d’études doctorales à l’Université Nihon Fukushi. Docteur en sociologie du bien-être public. D’avril 2001 à mars 2003, attachée spécial de la Japan Society pour la Promotion des Sciences. D’avril 2008 à mars 2009, elle étudie la criminologie à l’Université de Melbourne, faculté des lettres. Principaux ouvrages : « Les meurtres de personnes dépendantes – du point de vue de la protection judiciaire » (2005, Kress), « Sur le front de la recherche en protection sociale » (co-auteur, 2014, Yûhikaku), etc.

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