Ce que l’Antarctique nous enseigne sur le futur de notre planète

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Motoyoshi Yôichi [Profil]

En 1956, le navire de recherche polaire Sôya est parti pour l’Antarctique. Au cours des 60 années qui se sont écoulées depuis, les chercheurs japonais sur le continent austral ont grandement contribué à améliorer notre compréhension de l’évolution de la Terre et de l’univers. Motoyoshi Yôichi, chef de l’expédition du Japon partie en novembre 2016, présente dans cet article l’importance de la recherche en Antarctique pour l’avenir de la Terre.

Les carottes de glace, de véritables capsules temporelles

Extraction d’échantillons de carottes de glace à la station Dome Fuji, située à l’intérieur du continent, en janvier 2005. La partie éclairée montre la perceuse pénétrant la glace. Les chercheurs ont excavé la glace jusqu’à 3 km de profondeur.

Le continent antarctique est recouvert de couches de glace, qui dans certains endroits fait jusqu’à quatre kilomètres d’épaisseur. Elles sont composées de neige qui s’est tassée au cours de nombreux siècles. Plus l’on va en profondeur, plus la glace est ancienne. À la station Dome Fuji, éloignée de 1 000 kilomètres de la station Showa, les chercheurs ont foré jusqu’à 3 035 mètres dans la glace, presque dans la roche, et ont récupéré des échantillons de glace qui était à l’origine de la neige tombée il y a environ 720 000 ans. Ces échantillons sont appelés carottes de glace. Ils ont permis aux chercheurs d’extraire des données sur les changements de température de l’air et les niveaux de dioxyde de carbone au cours des 720 000 dernières années. En ce sens, ces carottes de glace sont de véritables capsules temporelles.

La station Dome Fuji a été établie en 1996. Elle est située 3 800 mètres au-dessus du niveau de la mer, où la température moyenne est de -50 °C. Les températures peuvent atteindre les -80 °C en hiver. Pour établir une station de recherche dans un tel lieu, il a fallu construire des véhicules adaptés à la neige capables de transporter d’importantes quantités de matériels et d’équipement et de résister à des températures extrêmement basses. En ce qui concerne le forage, les chercheurs ont mis au point, après des essais menés au Japon et au Groenland, la foreuse la plus rapide du monde. Ce genre de technologie est essentiel pour les recherches de l’équipe. Sans cette foreuse, il aurait été impossible de creuser si profondément et de remonter à la surface des échantillons de carottes de glace.

L’Antarctique et l’avenir de notre planète

Motoyoshi Yôichi en Antarctique en 2001. Il a été nommé chef de l’expédition en Antarctique partie en novembre 2016.

L’Antarctique a été décrite comme une fenêtre sur notre planète et l’univers. La recherche polaire s’intéresse aux changements de notre environnement au niveau planétaire et aussi de l’espace proche de la Terre. Elle a un rôle important à jouer en particulier dans la compréhension des causes du changement climatique. Les mécanismes du changement climatique mondial sont tout sauf simples : énergie solaire, rayons cosmiques, géomagnétisme, tectonique des plaques, marées océaniques, calottes glaciaires, activité biologique, etc. Ces facteurs interagissent de façon complexe, chacun d’eux faisant partie d’une réaction en chaîne ayant un impact sur l’atmosphère, les océans, la faune et la flore.

Les régions polaires, où les calottes glaciaires, les océans et les terres peuvent être simultanément étudiés, sont des lieux extrêmement rares sur notre planète et par conséquent sont particulièrement importantes pour la recherche scientifique. Si quelqu’un me demande quel est le but de la recherche scientifique en Antarctique, voici ma réponse : « Élucider scientifiquement ce qui se passe sur la planète et ce qu’elle deviendra à l’avenir. » C’est aussi un moyen de découvrir le sens de notre existence sur cette plateforme que nous appelons la Terre et, en quelque sorte, de chercher une réponse à la question « d’où vient l’humanité et où va-t-elle ? ».

(Article initialement publié en japonais le 6 octobre 2016. Photo de titre : un groupe de manchots Adélie rendant visite à la station Shôwa en 2011. Toutes les photos avec l’aimable autorisation de l’Institut national de recherche polaire.)

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Motoyoshi YôichiArticles de l'auteur

Directeur des relations publiques de l’Institut national de recherche polaire du Japon. Chef de l’expédition en Antarctique partie en novembre 2016. Né dans la préfecture de Chiba en 1954. A pris part à huit expéditions en Antarctique entre 1981 et 2009, deux en tant que membre d’équipe d’hivernage, restant à chaque fois près d’une année sur le continent. Chef d’équipe en 2000 et 2009.

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