Ce que l’Antarctique nous enseigne sur le futur de notre planète

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Motoyoshi Yôichi [Profil]

En 1956, le navire de recherche polaire Sôya est parti pour l’Antarctique. Au cours des 60 années qui se sont écoulées depuis, les chercheurs japonais sur le continent austral ont grandement contribué à améliorer notre compréhension de l’évolution de la Terre et de l’univers. Motoyoshi Yôichi, chef de l’expédition du Japon partie en novembre 2016, présente dans cet article l’importance de la recherche en Antarctique pour l’avenir de la Terre.

Un continent regorgeant de fragments de météorites

Il y a plusieurs découvertes que nous n’aurions jamais faites sans le travail important des chercheurs japonais en Antarctique. Permettez-moi de vous les présenter brièvement.

En 1969, Yoshida Masaru, un des membres de l’expédition, était en train d’étudier la neige et la glace à l’intérieur du continent lorsqu’il a découvert un rocher de couleur noire dans les montagnes de Yamato, situées à environ 300 kilomètres au sud-sud-ouest de la station Shôwa. Yoshida était un géologue et a su presque immédiatement que c’était un type de roche qui n’existait pas sur Terre. Après être rentré au Japon, il l’a étudiée plus en détail et a fait une découverte remarquable : le rocher faisait partie d’une météorite. Peu après cette première découverte, le Japon a commencé une étude méthodique des météorites en Antarctique. Depuis, les chercheurs japonais ont recueilli un total de 17 000 fragments de météorites dans l’Antarctique (chiffre de 2016).

Des chercheurs observant des météorites dans la chaîne de montagnes des Sør Rondaneen en janvier 2013.

Le continent antarctique est près de 37 fois plus grand que le Japon et ce n’est pas en marchant au hasard que l’on peut trouver un si grand nombre de météorites. Les chercheurs japonais ont déterminé le mécanisme par lequel les météorites s’accumulent et ont mené des enquêtes ciblées en se basant sur ces données. Cela leur a permis de découvrir que l’Antarctique regorge de météorites. Cette découverte restera comme l’une des principales contributions du travail du Japon dans le continent.

On estime que la plupart des météorites trouvées en Antarctique proviennent d’astéroïdes, mais certaines d’entre elles viennent de la Lune et de Mars. Il est probable que ces recherches mèneront à de nouvelles découvertes à l’avenir. L’année 2019 marquera le 50e anniversaire depuis la première découverte de météorites en Antarctique. L’année suivante, la sonde spatiale japonaise Hayabusa 2 sera de retour sur Terre après un long voyage au cours duquel elle a recueilli des échantillons d’un astéroïde. La découverte de météorites en Antarctique a ouvert la voie à de nouvelles possibilités pour la science des matériaux planétaires. J’espère qu’il aura de nombreuses nouvelles découvertes dans ce domaine dans les années à venir.

Découverte du trou dans la couche d’ozone

En 1982, des chercheurs japonais ont été parmi les premiers à découvrir que la quantité d’ozone dans l’atmosphère au-dessus de l’Antarctique diminuait rapidement. Selon Chûbachi Shigeru, en charge des observations à l’époque, les données recueillies étaient si surprenantes qu’il a d’abord pensé qu’il y avait un problème avec son équipement. De retour au Japon à la fin de l’hiver, il a présenté les résultats de ses recherches au Symposium sur l’ozone, tenu en Grèce. Ce rapport a été le premier de l’histoire à attirer l’attention sur le trou dans la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique. L’instrument qui permet de mesurer la quantité d’ozone dans l’atmosphère s’appelle spectrophotomètre Dobson. Or ce dernier nécessitant la lumière du soleil pour fonctionner, Chûbachi a effectué un certain nombre de modifications pour lui permettre prendre des mesures à l’aide des rayons de la lune durant la nuit polaire (période de l’année durant laquelle le soleil ne se lève pas).

L’agrandissement du trou dans la couche d’ozone ne concernait pas seulement l’Antarctique : c’était un problème sérieux pour l’environnement de la Terre entière. Suite à cette découverte, le protocole de Montréal, interdisant les substances nocives pour la couche d’ozone, a été signé en 1987 au Canada et est entré en vigueur en 1989. Grâce à cet accord international, le trou dans la couche d’ozone, qui à un moment avait atteint presque deux fois la taille de l’Antarctique, a récemment commencé à diminuer.

La couche d’ozone joue un rôle vital pour la vie sur Terre en absorbant les rayons ultraviolets. Si la couche d’ozone était détruite, il n’y aurait plus de vie sur la surface de notre planète et seules les formes de vies dans les océans ou sous terre subsisteraient.

De la mousse dans les lacs de l’Antarctique

En 1995, Imura Satoshi a découvert une forme de la vie étrange au fond des lacs autour de la station Syowa : des formations végétales faisant environ 40 centimètres de diamètre et 60 centimètres de haut, qui ont par la suite été appelées kokebôzu ou « cônes de mousse ». Ces pyramides sont constituées de diverses formes de vie, mousse, algues et cyanobactéries, qui s’amassent au fond du lac.

Même pendant les jours les plus froids de l’hiver antarctique, les mers et les lacs ne gèlent jamais entièrement et il n’y a généralement de la neige et de la glace qu’en surface. Néanmoins, trouver de la vie végétale florissante sur une si grande échelle a été une réelle surprise. C’est une sorte de forêt au fond du lac. Il est fascinant de s’imaginer comment et quand ces plantes sont arrivées ici et ont commencé à vivre dans l’environnement hostile de l’Antarctique. L’écologie dans ce milieu extrême a beaucoup à nous enseigner sur les origines et l’évolution de la vie sur Terre.

Installation d’un système de vidéo sous-marin pour observer les « cônes de mousse » au fond d’un lac, en janvier 2010.

Suite > Les carottes de glace, de véritables capsules temporelles

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Motoyoshi YôichiArticles de l'auteur

Directeur des relations publiques de l’Institut national de recherche polaire du Japon. Chef de l’expédition en Antarctique partie en novembre 2016. Né dans la préfecture de Chiba en 1954. A pris part à huit expéditions en Antarctique entre 1981 et 2009, deux en tant que membre d’équipe d’hivernage, restant à chaque fois près d’une année sur le continent. Chef d’équipe en 2000 et 2009.

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