Les enseignants japonais sont les plus occupés au monde

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Uchida Ryô [Profil]

Les enseignants japonais ont les horaires de travail les plus longs au monde. Cela est dû aux heures qu’ils doivent consacrer à d’autres activités que l’enseignement, notamment aux bukatsu, activités des différents clubs présents au sein des établissements scolaires. Comment les enseignants japonais sont-ils arrivés à détenir ce record ?

Une activité dite « volontaire » mais en réalité contrainte

Les directives scolaires du ministère de l’Éducation indiquent que « les élèves participent aux clubs scolaires volontairement et selon leur désir ». Ces activités se font hors du temps scolaire, et les élèves pratiquent dans ces clubs les activités culturelles et sportives qui leur plaisent. C’est le principe fondamental de ces clubs scolaires.

La réalité est cependant différente. En effet, alors que la participation est en principe volontaire, il y a des établissements qui l’imposent à leurs élèves.

De plus, même si ce n’est pas une obligation, en réalité la quasi-totalité des collégiens et des lycéens appartiennent de fait à ces clubs. D’après l’étude de 2009 de l’Institut Benessse de recherche et développement en éducation intitulée « Rapport sur le quotidien de nos enfants » (2009), 90 % des collégiens et lycéens japonais appartiennent ou ont appartenu à ces clubs. Il semblerait plus approprié de dire que pour les élèves, la participation à ces clubs est moins volontaire qu’obligatoire.

Une activité imposée aux enseignants

Les enseignants qui animent ces clubs, eux aussi, le font en principe sur la base du volontariat. Ces clubs scolaires n’ont à l’origine pas de contenu éducatif défini par les programmes scolaires. Les enseignants n’ont donc pas l’obligation de les animer. Dans la réalité cependant, tout au moins dans de nombreux collèges, la coutume veut que tous les enseignants y participent. D’après une étude un peu ancienne du ministère de l’Éducation (2006), 92,4 % des enseignants en collège animent des clubs scolaires. On peut donc dire qu’ils sont contraints de le faire, qu’ils en aient envie ou non.

Les enseignants sont d’abord des travailleurs

L’animation des clubs scolaires par les enseignants est sur le papier volontaire. Par conséquent, on considère que l’on a pas à leur accorder une allocation lorsqu’ils le font bien au-delà de leur heures de travail aussi longtemps que nécessaire : officiellement, c’est une tâche qu’ils assument parce qu’ils le veulent. L’allocation de quelques milliers de yens qu’ils reçoivent lorsqu’ils le font pendant le week-end est considéré comme suffisante. Le revers du principe selon lequel les clubs scolaires garantissent aux élèves des activités à peu de frais est le travail gratuit accompli par les enseignants.

Cela permet d’exiger des enseignants qu’ils travaillent sans être payés parce que sur le plan nominal, il s’agit d’une activité volontaire, et cette obligation est imposée à quasiment tous les enseignants. Les raisons qui expliquent que les enseignants japonais ont les heures de travail les plus longues au monde dépassent la longueur du service qu’ils doivent à leurs employeurs.

Avant d’être des « éducateurs », les enseignants sont des travailleurs. Ce n’est que lorsque cette responsabilité d’animation des clubs scolaires sera améliorée que les enseignants pourront redevenir pour leurs élèves des enseignants équilibrés. Notre devoir à tous de réfléchir à la manière d’y arriver.

(D’après l’original en japonais du 12 août 2016.)

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Uchida RyôArticles de l'auteur

Professeur adjoint en sciences de l’éducation à l’Université de Nagoya. Né en 1976, docteur en sciences de l’éducation, ce spécialiste de la sociologie de l’éducation travaille sur les risques d’accidents et les punitions corporelles à l’école ainsi que le suicide. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur le sujet, parmi lesquels L’Éducation comme maladie, aux éditions Kôbunsha, Les Accidents dans les cours de judo, aux éditions Kawade Shobô, Un regard sur les maltraitances contre les enfants, aux éditions Sekai shisôsha, un titre qui lui a valu le prix de la Société japonaise de sociologie de l’éducation.

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