Participation des femmes à la vie politique : le Japon a vingt ans de retard

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Miura Mari [Profil]

La proportion des femmes élues à la Diète japonaise est l’une des plus faibles du monde. Pourquoi le Japon a-t-il aussi peu progressé dans ce domaine et que peut-il faire pour remédier concrètement au déséquilibre de la représentation des sexes qui caractérise le monde politique de l’Archipel.

Surmonter les obstacles posés par le système en place

Un groupe parlementaire multipartite de la Diète dirigé par Nakagawa Masaharu, Noda Seiko et Kôda Kuniko a préparé un nouveau projet de loi destiné à promouvoir la parité des sexes et la participation sur un pied d’égalité dans le monde politique. Cette proposition inclut une clause demandant aux partis d’œuvrer en faveur de la parité des sexes. Si elle est adoptée, les formations politiques seront tenues de proposer autant d’hommes que de femmes candidats aux élections. Elle aura aussi le mérite de permettre à la société civile de faire davantage pression sur les partis politiques pour qu’ils soutiennent plus de candidates.

Ce groupe parlementaire est également en train de se pencher sur une révision partielle de la Loi sur les élections à des charges publiques autorisant les formations politiques à inscrire alternativement des candidats et des candidates sur les listes des scrutins à la proportionnelle aux élections législatives. Un des problèmes qui se posent à l’heure actuelle réside dans les règlements qui permettent aux partis de désigner les mêmes candidats pour des circonscriptions à la fois à scrutin uninominal et à scrutin proportionnel plurinominal. Les formations politiques ont aussi le droit de donner la même position à plusieurs candidats sur une liste. À l’heure actuelle, l’ordre de priorité entre les candidats est déterminé par le « taux du meilleur perdant » (sekihairitsu) calculé en divisant le nombre de votes obtenus par chaque candidat pour un siège à scrutin uninominal par celui des suffrages remportés par le vainqueur de l’élection. Les candidats qui ont le taux le plus élevé ont la priorité sur la liste du scrutin proportionnel plurinominal.

La plupart des grands partis japonais ont tendance à inscrire en première ou deuxième position sur leurs listes tous leurs candidats se présentant à deux scrutins. Ceux qui sont seulement en lice pour un siège à la proportionnelle se retrouvent souvent soit à la première place soit après des candidats également engagés dans un scrutin uninominal. Les candidates dans les circonscriptions à scrutin uninominal étant peu nombreuses, la seule façon réaliste d’augmenter le nombre des élues revient à placer en tête de liste celles qui sont en lice uniquement pour un siège à la proportionnelle.

La tactique qui consiste à inscrire à la même place les candidats qui se présentent à deux types de scrutin a pour effet d’annuler le principe des listes dites « bloquées » ou fermées. Quand une liste est fermée, c’est aux partis que revient la décision du choix et de l’ordre des candidats. Les formations politiques qui veulent augmenter le nombre des élues doivent en tenir compte au moment d’établir leurs listes. Il faut qu’elles prennent des mesures appropriées en alternant, par exemple, les hommes et les femmes sur les listes. Les listes de candidats sont très instructives sur la philosophie des différents partis. Les électeurs n’ont qu’à les regarder attentivement pour comprendre la façon de raisonner de chaque formation politique et faire leur choix en conséquence.

En fait, la majorité des partis préfèrent contourner le problème épineux posé par la place à donner sur les listes aux candidats qui sont en lice à la fois dans une circonscription à scrutin uninominal et pour un siège à scrutin proportionnel plurinominal. C’est pourquoi ils mettent tous les candidats de ce type en première ou deuxième position. L’ordre de priorité étant régi par le résultat des élections, les électeurs ne sont pas en mesure de comprendre la philosophie des partis d’après la liste des candidats. En fait, contrairement à ce que l’on pourrait croire, les listes « bloquées » sont pratiquement ouvertes.

Des solutions concrètes

En tant que conseillère du groupe parlementaire multipartite de la Diète qui prépare un projet de loi en faveur de la parité des sexes, j’ai proposé de conserver la disposition autorisant les partis politiques à faire figurer plusieurs candidats engagés dans deux scrutins à la même place sur une liste. Mais j’ai en même temps recommandé de changer les règles de façon à ce qu’un seul des candidats situés au même rang puisse être élu. Ceci permettra à une personne de figurer plusieurs fois sur une même liste à des positions différentes. Ce système a le mérite d’ouvrir plusieurs possibilités. Les partis qui veulent proposer une liste de candidats alternativement masculins et féminins pourront diviser les candidats se présentant dans deux types de circonscription en deux groupes. L’un d’eux sera composé d’hommes (20 candidats, par exemple) et l’autre de femmes (4 candidates, par exemple). On établira alors une liste où le groupe des candidates figurera, par exemple, quatre fois, en seconde, quatrième, sixième et huitième position. Le parti pourra alors placer des femmes se présentant uniquement dans des circonscriptions à scrutin proportionnel plurinominal dans les positions suivantes correspondant à un nombre pair. Les formations politiques auront aussi la possibilité de recourir à différentes combinaisons de candidats en lice pour deux scrutins et de candidats se présentant uniquement dans des circonscriptions à la proportionnelle, de façon à rester en accord avec la philosophie qui leur est propre.

Le Japon dispose de toutes sortes de moyens pour résoudre le problème de l’équilibre entre les sexes dans le monde politique, à commencer par une révision de la législation et des mesures adoptées délibérément par les partis. Et il va devoir combiner différentes méthodes pour aller dans le sens de la parité des sexes et du renforcement de la démocratie.

(D’après un texte en japonais du 9 mai 2016 publié le 17 mai 2016. Photo de titre : le 16 avril 2016, des élues du Parti démocrate à la Diète se sont exprimées à Sapporo, à l’occasion des élections complémentaires à la Chambre des représentants de la 5e circonscription de Hokkaidô. De droite à gauche, Tsujimoto Kiyomi, membre de la Chambre des représentants, Renhô, présidente déléguée du PD, et Yamao Shiori, présidente du Comité de recherche politique du PD. Jiji Press)
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Miura MariArticles de l'auteur

Née en 1967. Professeur à la faculté de Droit de l’Université Sophia de Tokyo. Spécialiste de politique japonaise contemporaine, de la théorie de l’État-providence et des études de genre. Docteur en sciences politiques de l’Université de Californie de Berkeley (UCB).

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