Participation des femmes à la vie politique : le Japon a vingt ans de retard

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La proportion des femmes élues à la Diète japonaise est l’une des plus faibles du monde. Pourquoi le Japon a-t-il aussi peu progressé dans ce domaine et que peut-il faire pour remédier concrètement au déséquilibre de la représentation des sexes qui caractérise le monde politique de l’Archipel.

Le cas particulier du Japon

Il existe d’autres facteurs propres au Japon qui vont à l’encontre de la participation des femmes à la vie politique. L’un d’eux est directement lié à la compétition qui oppose les partis. Dans le reste du monde, les formations politiques sont souvent tentées de présenter des candidates pour attirer l’électorat féminin et remporter davantage de sièges. Cette stratégie a en général pour effet d’augmenter le nombre des femmes parlementaires. Quand elle réussit, les autres formations politiques s’empressent de l’appliquer pour éviter de perdre les voix des électrices. Les partis de centre-gauche sont dans bien des cas les premiers à s’intéresser à l’électorat féminin et ils sont ensuite suivis peu à peu par les conservateurs.

Le « boum des Madonna » qui s’est produit en 1989 au Japon s’inscrit dans cette logique. Il a provoqué un malaise qui a poussé le Parti libéral-démocrate (PLD), le parti conservateur au pouvoir, à prendre des mesures pour présenter davantage de candidates aux élections des deux chambres de la Diète. Les choses ont changé dans les années 1990, quand le Parti socialiste japonais (PSJ) s’est transformé en Parti social-démocrate (PSD) et a perdu son rang de première formation de l’opposition au profit du Parti démocrate du Japon (PDJ). Mais le PDJ n’avait pas particulièrement les faveurs des électrices japonaises et il n’a pas vraiment fait grand-chose pour recruter des candidates pour les élections à la Diète.

Dans les années 2000, c’est le Parti libéral-démocrate qui a pris l’initiative de proposer des candidats de sexe féminin. Lors des élections législatives de 2005, 26 femmes soutenues par le PLD sont entrées à la Diète. Et pour 16 d’entre elles, c’était une première. Le nombre des élues à la Chambre des représentants a pratiquement triplé. Pour les législatives de 2005, le PLD – alors sous la houlette de Koizumi Junichirô, Premier ministre de 2001 à 2006 – avait placé des femmes en tête de ses listes pour les scrutins à la proportionnelle, en appliquant un système de quotas. Il a ainsi réussi à faire élire six femmes de plus à la Diète. Le PLD a cessé d’utiliser ce système aux élections législatives suivantes, mais il a continué à soutenir autant de femmes qu’auparavant. Depuis lors, le nombre des candidates du Parti libéral-démocrate à la Chambre des représentants est resté le même et 23 femmes en 2012 et de 25 en 2014 ont été élues à une exception près, celles des élections législatives de 2009, désastreuses pour le PLD.

En 2009, le Parti démocrate du Japon (PDJ) a remporté une victoire décisive lors des élections législatives et remplacé le PLD à la tête du pouvoir. Il avait pour une fois soutenu davantage de candidats de sexe féminin, tant et si bien qu’à l’issue de ce scrutin, 40 des représentants du PDJ à la Chambre basse étaient des femmes. Du coup, la proportion des élues à la Chambre des représentants est passée à 11,3 %, franchissant pour la première fois le seuil des 10 %. Mais après ce succès électoral de courte durée, le PDJ n’a pas semblé particulièrement attaché à l’idée de présenter des candidates aux élections.

Dans le reste du monde, les partis de centre-gauche qui essuient une défaite électorale commencent en général à faire des efforts pour proposer davantage de candidates. Mais le PDJ qui a fusionné le 27 mars 2016 avec le Parti japonais de l’innovation (PJI) et pris le nom de Parti démocrate (Minshintô, PD) fait exception à la règle. Et c’est en partie pourquoi la proportion des femmes à la Diète japonaise reste si faible.

Un autre facteur qui a grandement contribué à cet état de fait, c’est que le pouvoir de décision sur le choix des candidats est entre les mains des hommes. Les deux avancées majeures réussies par les femmes – qualifiées respectivement d’« enfants de Koizumi » et de « filles d’Ozawa » – à la Chambre des représentants, en 2005 et 2009, sont le résultat d’une volonté des dirigeants politiques de présenter des candidates. Elles ne sont pas dues à l’intervention d’une femme soucieuse de promouvoir ses semblables, comme cela avait été le cas pour les « Madonna » élues en 1989, du temps où Mme Doi Takako était à la tête du Parti socialiste japonais.

Les partis continueront à avoir du mal à séduire l’électorat féminin aussi longtemps que ce sont des hommes qui choisiront les candidats. Tant que les femmes n’auront pas accès à des postes de direction dans les formations politiques ni de relations directes avec les électrices, la création d’un nouveau monde politique allant dans le sens d’un plus grand équilibre hommes-femmes restera impossible.

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