Le vrai visage de l’extrême droite sur Internet

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Depuis quelques années, l’extrême droite japonaise anti-coréenne et anti-chinoise renforce sa présence sur Internet. Les discours haineux de plus en plus fréquents suscitent l’inquiétude. Qui sont ces extrémistes, et leur pouvoir va-t-il s’étendre ?

Fusion de la droite et de l’extrême droite sur Internet

Mais d’où émanent ces discours approximatifs présents sur la toile ? De la droite conservatrice. L’extrême droite sur Internet a vu le jour à l’occasion de la Coupe du monde de 2002, mais la mouvance conservatrice, elle, a une histoire bien plus ancienne : ses deux porte-voix traditionnels sont le Sankei Shimbun, devenu un quotidien national dans les années 50, à l’aube de la période de forte croissance économique, et la revue mensuelle Seiron, créée dans les années 1970.

Ces deux organes de presse ont promu l’idéologie anti-tribunal de Tokyo, qui réclame la dénonciation de l’ordre mondial d’après-guerre mis en place au travers des accords de Yalta et de Potsdam. Au milieu des années 2000, la chaîne de télévision indépendante de droite Sakura (Japanese Culture Channel Sakura) a étendu son activité jusque-là confinée aux chaînes du câble à YouTube et Niconico, des plateformes fréquentées par l’extrême droite sur Internet, sur lesquelles elle a organisé la diffusion de son discours conservateur. Ainsi s’est répandue sur Internet cette idéologie jusqu’alors relayée uniquement par des médias traditionnels.

Mais l’idéologie conservatrice présentée par ces vidéos est parfois teintée de conspirationnisme, et le fait qu’elles soient regardées par des téléspectateurs auxquels manquent les clés pour les comprendre ont débouché sur une fusion de la droite conservatrice et de l’extrême droite sur Internet, sans que celle-ci n’ait acquis de réelles bases théoriques. Malgré leur passé différent, ces deux mouvances sont aujourd’hui mêlées, liées par le sentiment anti-coréen et anti-chinois, et par leur tendance au repli identitaire.

Vers un affaiblissement de l’extrême droite sur Internet

L’extrême droite sur Internet commence à s’étioler, sous le gouvernement actuel. En novembre 2014, le ministère de la Justice a lancé un mouvement de lutte contre les discours haineux ; en décembre de la même année, la Zaitokukai (Association des citoyens contre les privilèges des résidents coréens), groupuscule le plus extrémiste de cette mouvance et surnommé « le conservatisme en action », a été condamnée à verser d’importants dommages et intérêts. L’administration comme la justice durcissent leur position face à l’extrême droite sur Internet.

À une époque où les discours de haine sont soit interdits, soit de plus en plus lourdement punis au niveau international, le gouvernement Abe, qui met en avant son « pacifisme proactif », se doit de faire preuve de fermeté face aux débordements de cette frange d’extrême droite qui ne peuvent qu’être nuisibles à l’image du Japon.

C’est dans ce contexte que le Parti pour les générations futures, unique porte-voix politique de l’extrême droite sur Internet, a rejoint le PLD après avoir perdu tous ses sièges à la Chambre basse en octobre 2015. Avec seulement cinq représentants à la Chambre haute aujourd’hui, la formation est au bord de l’implosion. L’avenir est sombre pour l’extrême droite sur Internet, qu’on imagine difficilement réémerger ; elle semble condamnée à être peu à peu intégrée à la mouvance conservatrice, plus modérée et étrangère au repli sur soi sur Internet. Il semble donc inutile de s’inquiéter d’une droitisation de la société japonaise due à la progression de l’extrême droite sur Internet.

(Adapté dun original en japonais écrit le 17 novembre 2015. Photo de titre : manifestation contre les étrangers au Japon, rue Ôkudo-dôri, 21 avril 2013, Tokyo, arrondissement de Shinjuku. Jiji Press)
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