L’agence météo japonaise : des prévisions météo à la prévention des catastrophes

Société

Furukawa Takehiko [Profil]

À l’heure où les catastrophes naturelles se multiplient, l’Agence météorologique du Japon joue un rôle de plus en plus important. Surveillance des séismes, des tsunamis, des éruptions volcaniques ou encore de la couche d’ozone : un groupe de spécialistes est à l’affût de tous ces phénomènes naturels.

Supercalculateur et prévision numérique du temps

Maillage de la Terre pour les prévisions modélisées. (Agence météorologique du Japon)

Depuis l’ère Meiji jusqu’au milieu des années 1970, la prévision météorologique, effectuée par un météorologue à partir de cartes météorologiques, relevait de techniques subjectives, mais avec les progrès en météorologie, le développement des techniques de mesure et, surtout, l’apparition des supercalculateurs, la totalité des prévisions météorologiques est aujourd’hui effectuée sur des modèles de prévision (modèles de prévision numérique du temps) modélisant les lois de la physique atmosphérique.

L’image ci-dessus représente le maillage utilisé pour la prévision numérique du temps à l’échelle de la Terre entière. Il suffit d’entrer, pour chaque point du maillage, les données initiales tirées de l’observation journalière pour que les informations de température, pression, vent et précipitations, qui forment la base des prévisions météorologiques, soient calculées en une heure. Ce modèle, équipé d’un simulateur, marque le passage des techniques subjectives d’autrefois à des techniques objectives (la prévision numérique du temps). Outre les prévisions à court terme, toutes les autres prévisions comme le trajet d’un typhon, par exemple, se fondent sur ce modèle de prévision numérique du temps.

Des météorologues dans le privé

Ces dernières années, l’agence de météorologie a connu deux grandes évolutions. La première est l’ouverture du domaine des prévisions météorologiques au secteur privé. Dans le cadre de la vague de déréglementations des années 1993 et 1994 a été créée une qualification de météorologue accessible au secteur privé. Aujourd’hui, une soixantaine d’entreprises privées proposent des services de prévisions établies par des météorologues qualifiés. L’examen, entre la première session et la 44e, qui a eu lieu cet été, a déjà été passé par plus de 170 000 candidats, dont un peu moins de 10 000 ont été reçus. Le taux de réussite moyen s’établit à environ 6 % ; le plus jeune candidat reçu est âgé de 12 ans. À ma connaissance, il n’y a qu’au Japon qu’il existe une qualification nationale de météorologie. Néanmoins, les débouchés sont extrêmement limités, avec moins d’un millier de diplômés qui exercent dans leur domaine. À l’avenir, ils devraient pouvoir jouer de nouveaux rôles, notamment au sein des collectivités locales, dans l’aide à la prévention des catastrophes naturelles.

Prévention et action internationale

La deuxième grande évolution est l’usage des services de météorologie pour la prévention des catastrophes naturelles. Un événement marquant de cette nouvelle orientation est la mise en service, en août 2013, du système d’alerte spéciale. En réponse aux dérèglements climatiques de plus en plus fréquents, comme les pluies torrentielles, et aux problèmes liés au réchauffement climatique, le cadre des alertes météorologiques, déjà fort d’une longue histoire, a été renforcé. Les alertes spéciales relèvent d’une catégorie d’événements parmi les plus graves, qui n’interviennent qu’une fois en plusieurs décennies, et sont émises par les stations météorologiques à destination des municipalités de leur préfecture. Aujourd’hui, le soutien aux municipalités est encore renforcé : les stations météorologiques conseillent directement les responsables de la prévention des catastrophes naturelles pour aider les élus locaux à adopter des mesures d’évacuation ciblées.

Pour finir, abordons l’action de l’Agence météorologique du Japon en matière de coopération internationale. Outre la diffusion d’informations collectées par le satellite météorologique Himawari, l’agence s’est engagée dans un soutien d’ampleur internationale avec la création du Centre météorologique régional spécialisé (RSMC) et du Centre d’avis en cendres volcaniques (VAAC), entre autres. Elle délègue également du personnel à l’Organisation météorologique mondiale basée à Genève. L’agence japonaise est par ailleurs le deuxième contributeur mondial après les États-Unis au budget de cette instance, à hauteur d’environ 10 % de son budget global. Elle participe également à la rédaction des rapports sur le réchauffement climatique du GIEC, le Groupe d’experts gouvernemental sur l’évolution du climat. En matière de météorologie, la coopération internationale est indispensable.

(D’après un original en japonais rédigé en octobre 2015. Photo de titre : Kitagawa Sadayuki, directeur du bureau des volcans à l’Agence météorologique du Japon, en conférence de presse lors de l’éruption du mont Aso, à Tokyo le 14 septembre 2015. Jiji Press)

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Furukawa TakehikoArticles de l'auteur

Né en 1940 à Shiga, diplômé de l’École de météorologie et de l’Université de sciences de Tokyo, docteur en physique. Débute en 1959 sa carrière à l’Agence météorologique du Japon, où il sera entre autres directeur des prévisions, directeur des stations météorologiques de Sapporo, conseiller de l’Association de météorologie. Auteur de plusieurs ouvrages, parmi lesquels L’histoire de l’Agence météorologique – des prévisions météo aux séismes, tsunamis et éruptions volcaniques (Chûkô shinsho, 2015).

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