La vraie nature du fiasco du nouveau stade olympique

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Katô Hideki [Profil]

Le projet du nouveau stade olympique a été annulé suite aux vives critiques concernant le coût gigantesque de sa construction. Les multiples questions relatives à ce stade destiné à être au premier plan pendant les Jeux olympiques de 2020 symbolisent la structure d’irresponsabilité qui affecte la politique et la bureaucratie au Japon.

Une structure dans laquelle personne n’est responsable

L’annonce de l’énorme coût de construction du stade a suscité une tempête au sein de l’opinion publique. Andô Tadao, l’architecte président du jury du concours d’architecture est devenu la cible de toutes les critiques et il a alors déclaré que son implication dans le projet se limitait à la sélection du projet, mais ne s’était pas occupé de la suite.

L’organisme responsable de « la suite » est le JSC, qui comme nous l’avons vu est l’institution administrative japonaise indépendante chargée de la gestion du stade olympique. Le JSC a créé en janvier 2012 un conseil consultatif chargé de discuter de la construction du stade olympique et de ses utilisations futures. Le jury du concours placé sous l’autorité de ce conseil a sélectionné le projet de Zaha Hadid. Un comité consultatif a approuvé les spécifications du concours et le résultat de l’examen des soumissions. De plus, le directeur du bureau des sports et de la jeunesse du ministère de l’Éducation, de la culture, des sports, des sciences et de la technologie, ainsi que le vice-ministre ont participé à ces délibérations.

La subvention du JSC est attribuée par le bureau des sports et de la jeunesse de ce ministère, et prélevée sur son budget. Le ministre est chargé de superviser le tout. Toutes les personnes placées sous son autorité sont proportionnellement responsables. Mais chacune d’entre elles cherche à rejeter la responsabilité sur quelqu’un d’autre. Malgré ce manque de définition claire de la part des responsabilités, c’est le JSC qui dispose d’un important pouvoir de décision.

Le JSC, un rassemblement d’amateurs disposant d’un pouvoir discrétionnaire

Bien qu’il n’y ait au JSC aucun spécialiste d’architecture ou de sports, c’est à cette entité qu’a été confié le choix de déterminer la manière dont le stade serait construit. De plus, le coût du remplacement du siège du JSC et de celui de la Nihon Seinen-kan (Maison de la jeunesse du Japon), un complexe alliant un hôtel et une salle de concert géré par une organisation auxiliaire du ministère, soit 13 milliards de yens, ont été inclus dans le budget de la démolition de l’ancien stade (20 milliards de yens). On voit que le ministère de l’Éducation, de la culture, des sports, des sciences et de la technologie et l’organisme qui lui est lié utilisent à leur profit l’argent du contribuable sans aucun contrôle parlementaire. Cela se comprend aussi en lisant le contrat passé entre le JSC et Zaha Hadid.

Le concours portait uniquement sur l’architecture, et l’architecte sélectionné est missionné pour diriger sa conception (avec une commission de 1,3 milliard de yens). C’est le JSC qui était soumis au choix du maître d’œuvre, et il pouvait même modifier l’ouvrage de manière significative, s’il le pensait nécessaire. C’est une des causes de l’importante modification du coût de la construction. Ces décisions sont ensuite approuvées par le comité consultatif formellement composé d’experts représentant tous les domaines, qui ne sont pas des spécialistes. C’est ainsi que l’on arrive à des décisions prises par des gens qui n’en assument pas la responsabilité.

Le résultat, c’est que les membres du comité consultatif affirment : « cela a été décidé par le JSC qui est le secrétariat du projet », et que le JSC pour sa part déclare : « le conseil consultatif a pris la décision », et « les instructions sont venues du ministère de l’Éducation, de la culture, des sports, des sciences et de la technologie ». Les cadres du ministère et le ministre lui-même changent d’attitude et de ligne directrice en fonction de la manière dont les choses évoluent. La conscience d’avoir la mission de gérer des milliards fournis par les contribuables devrait les faire trembler, mais aucun d’entre eux n’a fait preuve de sérieux ou de sens des responsabilités.

Suite > Un concours fermé aux architectes de la génération montante

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Katô HidekiArticles de l'auteur

Après des études d’économie à l’Université de Kyoto, il entre au ministère des Finances et en démissionne en 1997 pour créer Japan Initiative, un think-tank. Depuis cette année, il enseigne à la Graduate School of Economics de la faculté d’économie de l’Université de Kyoto. Il est notamment l’auteur de Ajia kakkoku no keizai-shakai shisutemu (L’économie et le système économique des pays d’Asie, Toyô Keizai, 1996), Kinyûshijô to chikyûkankyô (Les marchés financiers et l’environnement planétaire, Diamond, 1996), ou encore Dôrokôdan kaitaipuran (Un plan de démantèlement de la Régie des autoroutes du Japon, Bungei Shunjû, 2001).

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