La vraie nature du fiasco du nouveau stade olympique

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Katô Hideki [Profil]

Le projet du nouveau stade olympique a été annulé suite aux vives critiques concernant le coût gigantesque de sa construction. Les multiples questions relatives à ce stade destiné à être au premier plan pendant les Jeux olympiques de 2020 symbolisent la structure d’irresponsabilité qui affecte la politique et la bureaucratie au Japon.

Les Jeux olympiques de 2020 ont été attribués à Tokyo et le stade olympique construit pour les Jeux olympiques de 1964 a été démoli. La construction d’un nouveau stade est prévue sur le site, mais ce projet a fait surgir de nombreuses questions liées au bâtiment, aux techniques de construction, au coût ou encore à la durée des travaux.

L’opinion publique s’est soulevée contre le projet lorsque Shimomura Hakubun, le ministre de l’Éducation, de la culture, des sports, des sciences et de la technologie, a déclaré qu’en raison de contraintes budgétaires et temporelles, le toit rétractable qui devait recouvrir la partie centrale du stade ainsi que les sièges amovibles de spectateurs ne seraient pas construits, en précisant que le coût de la construction dépasserait le budget originel de 100 milliards et il atteindrait vraisemblablement 252 milliards de yens.

Depuis la sélection du projet de Zaha Hadid, des experts de différents domaines ont indiqué à plusieurs reprises que ces divers problèmes se posaient. Le sujet a même fait l’objet d’un débat au Parlement. Le ministre et le directeur du service responsable du projet au sein du ministère ont toujours soutenu que ces problèmes n’existaient pas. Aucune mesure n’a été prise pendant deux ans. Cela n’a pas seulement été une perte de temps. En dépit des propositions de plusieurs architectes de rénover le stade olympique existant sans en reconstruire un nouveau, la démolition de l’ancien stade a été réalisée très rapidement, comme pour exclure définitivement cette possibilité. De plus, pendant ces deux ans, les milieux sportifs impliqués au premier chef dans ce projet ne se sont jamais exprimés à ce sujet. Le silence des médias à ce propos a été tout aussi étonnant.

Tout ceci révèle de graves problèmes qui, loin de se limiter aux Jeux olympiques, affectent la politique et la manière dont le Japon est gouverné.

Au centre à droite le stade olympique avant sa démolition, et les installations sportives de Jingû Gaien. La zone de verdure en haut à droite est celle du sanctuaire Meiji. (Jiji Press)

Un coût de construction total supérieur à 300 milliards de yens ?

Commençons par le coût de construction. Au moment du projet retenu par le jury du concours international en juillet 2012, il était chiffré à 130 milliards de yens, plus du double des 64 milliards du stade olympique de Sydney. Suite au tollé suscité par l’annonce du ministre au Parlement que les devis des entreprises du bâtiment aboutissaient à un montant de 300 milliards, le devis a été revu à la baisse, avec 170 milliards. Dans le plan directeur de mai 2014, il apparaissait à 162,5 milliards de yens. Le projet avait déjà subi de substantielles modifications au niveau de son apparence, et de sa surface utile qui avait diminué de 20 %. Un an plus tard, le ministre a annoncé que le stade olympique coûterait 252 milliards, même sans toit rétractable.

Pourquoi ces estimations ont-elles varié à ce point ? Cela tient tout d’abord à l’architecture du projet avec deux énormes arches d’une longueur de près de 400 mètres au-dessus du stade lui-même. D’où les commentaires selon lesquels, ce stade n’était pas sur le plan structurel un bâtiment, mais un pont. Il devait de plus être construit sur un site de dimension réduite au cœur de Tokyo et présentait de nombreuses difficultés techniques, concernant notamment les fondations. Les sociétés d’ingénierie de structures et de construction ont donc eu beaucoup de mal à fournir des devis précis.

Le 7 juillet, le Japan Sports Council (JSC), une institution administrative japonaise indépendante, a annoncé sa décision de reporter la construction du toit rétractable et des sièges amovibles (une économie de 26 milliards), un objectif de 252 milliards pour le coût des travaux, un démarrage du chantier en octobre prochain, et la livraison pour mai 2019. Un journal sportif japonais a fait remarquer que ce montant dépassait le total des coûts de construction des stades olympiques des quatre derniers Jeux (environ 240 milliards de yens au taux de change actuel).

Cette augmentation par rapport à la première estimation est attribuée à l’inflation du prix des matériaux et du coût du travail, une explication insuffisante pour cet écart de 110 milliards de yens, y compris les éléments éliminés. De plus, la nouvelle estimation ne comprend pas le coût des fondations des arches de forme sinusoïdale. Selon certains, le total atteindrait alors 400 milliards de yens.

Suite > Une grande partie des installations sans rapport avec le sport

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Katô HidekiArticles de l'auteur

Après des études d’économie à l’Université de Kyoto, il entre au ministère des Finances et en démissionne en 1997 pour créer Japan Initiative, un think-tank. Depuis cette année, il enseigne à la Graduate School of Economics de la faculté d’économie de l’Université de Kyoto. Il est notamment l’auteur de Ajia kakkoku no keizai-shakai shisutemu (L’économie et le système économique des pays d’Asie, Toyô Keizai, 1996), Kinyûshijô to chikyûkankyô (Les marchés financiers et l’environnement planétaire, Diamond, 1996), ou encore Dôrokôdan kaitaipuran (Un plan de démantèlement de la Régie des autoroutes du Japon, Bungei Shunjû, 2001).

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