Athlétisme : un Japonais sous les 10 secondes au 100 m
Culture Tokyo 2020- English
- 日本語
- 简体字
- 繁體字
- Français
- Español
- العربية
- Русский
Une puissance en accélération jamais vue chez les Japonais
Kiryû Yoshihide a maintenant fait la preuve de son potentiel exceptionnel dans le sprint masculin. Lors du concours international d’athlétisme amateur Oda Mikio Memorial, dans l’épreuve du 100 m plat en 2013, il a conquis la victoire en 10 s 01, soit la seconde performance japonaise de tous les temps. Il avait alors seulement 17 ans. Depuis son entrée à l’Université Tôyô en mars 2015, il a gagné un tournoi au Texas devant l’Américain Ryan Bailey, 5e en finale des Jeux olympiques de Londres en parcourant la distance en 9 s 87, même si la performance ne fut pas homologuée, pour cause de vent arrière.
Il suffit de visionner sa course pour s’apercevoir que l’accélération fournie à 30 mètres du départ n’a plus rien à voir avec les performances des sprinters japonais avant lui. Il a un niveau équivalent à celui des athlètes jamaïcains et états-uniens. Et il n’a que 19 ans ! En 2020 pour les Jeux olympiques de Tokyo, et au-delà, il est permis de croire qu’il fera jeu égal avec les meilleurs athlètes du monde.
Kiryû Yoshihide : ses performances sur 100 mètres
Record personnel | 10”01 | 2013 | Concours international d’Athlétisme amateur Mikio Oda Memorial (17 ans) |
10”05 | 2014 | Championnats universitaires du Kantô | |
10”22 | 2014 | Championnat du Japon | |
Record non homologué | 9”87 | 2015 | Victoire aux Texas Relays (19 ans) |
(Références)
Record du Japon | 10”00 | 1998 | Itô Kôji |
Record d’Asie | 9”91 | 2015 | Femi Seun Ogunode (Qatar) |
Record du monde | 9”58 | 2009 | Usain Bolt (Jamaïque) |
Une vitesse qui naît dans son thorax
À la différence des athlètes d’origine africaine, le type de course en vigueur chez les sprinters japonais est une course qui ne leur fait pas lever les pieds très haut. Cette typologie est justifiée par la spécificité de l’angle pelvien et la répartition des masses musculaires, mais elle entraîne pour conséquence un balancement du haut du corps. Kiryû, pour sa part, est très efficace dans le balancement des bras, utilisant le haut de son corps de façon très habile pour augmenter sa vitesse.
Son thorax est très massif, avec une musculature du tronc impressionnante. En outre, il a un muscle ilio-psoas, qui a pour fonction de tenir et projeter les jambes en avant, très développé. C’est là que réside le secret de la vitesse de Kiryû en sprint.
D’un point de vue technique, sa course n’est pas encore parfaitement épanouie. Des points sont encore à améliorer : les mains balottent sur le côté, le balancement du corps sur la fin. On ne peut pas dire que son potentiel physique soit exploité à 100%. En principe, il lui faudrait encore préciser son entraînement avant de pouvoir prétendre à descendre en dessous du 10 s 10, or, Kiryû, lui, est déjà tout près des 10 s 00 avec une technique de 10 s 20 ! Il court sur ses capacités naturelles, presque pas dégrossi, ce qui est une garantie qu’il peut encore s’améliorer.
Franchir le mur des 10 secondes n’est qu’une question de temps
De nombreux athlètes voient baisser leurs performances à leur entrée à l’université, du fait du changement d’environnement sportif. Kiryû, lui, n’a pas ce genre de problème. Ses capacités ont manifestement augmenté depuis qu’il était au lycée, où il a déjà établi son record personnel à 10 s 01. Quand il a couru en dessous des 10 secondes au Texas, la performance n’a pas été homologuée à cause d’un vent positif trop fort, mais en réalité, il est encore plus difficile de courir avec vent arrière, car un vent trop fort empêche d’envelopper correctement sa jambe en avant. Et il a tout de même réalisé 9 s 87 ! Ce chiffre est d’une signification très importante. Il nous dit tout simplement qu’avec encore un peu de travail technique, un record du Japon sous les 10 secondes n’est plus qu’une question de temps.
Une inscription aux Championnats du monde à Pékin compromise
Kiryû visait cette année une participation aux Championnats du Monde d’Athlétisme, qui auront lieu à Pékin du 22 au 30 août. Or, une blessure à la cuisse droite contractée lors d’un entraînement compromet grandement cette participation. Il lui faudra environ six semaines avant de reprendre l’entraînement et il a déjà manqué les Championnats du Japon qui commençaient le 26 juin.
L’année dernière déjà, Kiryû avait dû décliner une rencontre asiatique à cause d’une douleur à la hanche et une déchirure musculaire à la cuisse gauche. Une tension à la cuisse gauche a de même été cause de son forfait à la finale des championnats universitaires du Kantô cette année. Kiryû semble donc assez sensible aux blessures.
Deux causes sont envisageables de ce point de vue. Premièrement, s’il a un mental prêt à courir encore plus vite, sa musculature ne suit peut-être pas encore. Ou alors c’est au niveau technique, que de menus déséquilibres fassent porter un effort supplémentaire sur un seul côté, conduisant à la rupture.
Dans le premier cas, l’entraînement peut régler le problème, mais dans l’autre cas, cela demandera une analyse très détaillée des déséquilibres dans l’effort pour rectifier la posture. Par exemple si c’est une habitude en course qui le mène à la blessure, il faudra l’identifier pour la corriger. Surtout qu’à ce niveau de performance, le moindre petit mouvement du corps peut déséquilibrer la charge musculaire sur une autre partie du corps et provoquer une douleur. Le travail de modification des pratiques de course est extrêmement difficile, seul un travail poussé avec son entraîneur peut porter des fruits.
Gérer le moment de sa condition optimale
Au troisième tour du tournoi de la Diamond League qui a eu lieu dans l’État de l’Oregon aux États-Unis le 30 mai dernier, le Chinois Su Bingtian a couru la disance en 9 s 99, devenant ainsi le premier athlète asiatique à passer la barre symbolique des 10 secondes. Kiryû ne sera donc pas le premier, mais de ce point de vue, le classement n’a pas grande importance. Bien plus importants pour un athlète sont les résultats aux Jeux olympiques une fois tous les quatre ans, et aux Championnats du Monde, tous les deux ans.
C’est sur cet objectif que Kiryû doit fixer son objectif. Nul besoin de le lui rappeler, en fait, il doit bien en avoir conscience. Passer dans la catégorie des sprinters à courir sous les 10 secondes n’est qu’une étape, le véritable objectif est d’être présent à la finale du 100 m lors des JO de Tokyo.
Quand on revoit ses performances jusqu’à ce jour, on s’aperçoit que tous ses records ont été établis en avril et mai. Dans l’avenir, pour ajuster sa préparation aux compétitions les plus importantes, il devra apprendre à gérer le point culminant de sa condition physique.
Autre point capital, dans un événement sportif majeur, pour passer les éliminatoires, la demi-finale et la finale, il faut un réglage ultrafin de ses capacités sur 48 heures. Pour accéder à la finale, il faut courir deux fois « sans se faire éliminer ». Et garder sa meilleure performance pour la troisième course. C’est du management de course : se garder chaud en passant les éliminatoires.
En plus de cela, il y a un mental à acquérir pour gagner une course décisive. Comment sortir le maximum de ses capacités quand la pression du public est énorme. Acquérir des méthodes de mental training est une condition sine qua non, et il faut être passé par toutes les expériences de l’entraînement et de la victoire.
En ce qui concerne son potentiel physique, Kiryû l’a déjà prouvé. Mais les autres réquisitions pour faire tête haute sur la scène mondiale sont encore inconnues. Voilà le défi qu’il doit aborder à l’avenir.
24 ans lors des JO de Tokyo.
Kiryû n’a pas encore 20 ans. Entre les Jeux olympiques et les Championnats du monde, une dizaine de grands rendez-vous l’attendent. Mais on peut regarder les choses à l’envers et se dire qu’il n’aura pas énormément d’occasions d’acquérir de l’expérience. Pour le moment, son objectif principal est les Jeux olympiques de 2020. Il aura 24 ans, le timing idéal. Avant ça, pousser le record du Japon dans les 9 secondes lui apporterait sans aucun doute une indéniable confiance en soi.
Bien entendu, les Jeux olympiques ne sont pas la fin de tout et on peut encore marquer un record après les JO : Asahara Nobuharu, médaille de bronze en relais 4 x 100 m aux JO de Pékin en 2008 a établi son record personnel à 10 s 02 (troisième meilleure performance japonaise de tous les temps sur 100 m.) à 29 ans !
Si Kiryû faisait passer le record du Japon sous la barre des 10 secondes, cela provoquerait sans nul doute un changement de conscience chez les autres athlètes. Je dois dire que j’adorerais voir deux ou trois Japonais sous les 10 secondes d’ici 2020, et les voir se mesurer sur la même ligne que les autres concurrents du monde entier à Tokyo !
(D’après un original en japonais du 26 juin 2015. Photo de titre : Jiji Press, Tokyo, 11 mai 2014.)