Harcèlement sexuel : insensibilité des hommes et timidité des femmes

Société

Muta Kazue [Profil]

Depuis quelques années, la société japonaise commence enfin à prendre conscience du problème que constitue le harcèlement sexuel. La société repose néanmoins encore sur des structures discriminatoires envers les femmes.

Une structure sociale coupable

De fait, dans les affaires de harcèlement sexuel, on entend souvent le harceleur affirmer qu’il n’avait aucune idée du malaise de sa victime. Un officier de police qui avait caressé la cuisse de sa jeune coéquipière dans leur véhicule officiel pendant plus de six mois a expliqué que la sensation était agréable, et qu’il avait continué parce que la jeune femme n’avait rien dit (Asahi Shimbun du 8 juin 2012, édition du soir). Un manque de sensibilité révoltant, mais on ne peut guère attendre d’un homme habitué à considérer l’amabilité féminine comme acquise qu’il s’inquiète du ressenti d’une femme si celle-ci ne lui dit pas non clairement. Cette absence de finesse est même considérée comme constitutive de l’homme. Dans ces conditions, on peut difficilement espérer voir le harcèlement sexuel disparaître.

Enfin, la société japonaise connaît un problème structurel de mépris et de manque de respect envers les femmes. Promouvoir le travail des femmes a beau faire figure de politique officielle, celles-ci sont difficilement considérées comme des actrices à part entière dans le monde du travail, et la proportion de femmes cantonnées à un contrat précaire ne cesse d’augmenter. La pauvreté des femmes constitue également un véritable problème. Le harcèlement pour cause de maternité est emblématique de cette situation ; le gouvernement a certes érigé les mesures de lutte contre la baisse de la natalité au rang de priorité, mais la maternité est toujours un handicap pour les femmes au niveau professionnel.

Dans une telle société, seules les femmes qui confient les tâches ménagères et l’éducation de leurs enfants à un tiers afin de pouvoir travailler de longues heures sont considérées comme de vrais travailleurs. Le droit au travail et à la vie des femmes est bafoué. Tant que cette structure sociale source de discrimination envers les femmes subsistera, les cas de harcèlement sexuel ne disparaîtront pas.

(D’après un article en japonais du 13 avril 2015. Photo de titre : les avocats à l’origine de la première condamnation dans un cas de harcèlement sexuel au Japon donnent une conférence de presse à Fukuoka, le 16 avril 1992. Jiji Press)

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Muta KazueArticles de l'auteur

Spécialiste en sociologie historique et études de genre. Titulaire d’un master de sociologie (Université de Kyoto, 1985) et d’un doctorat en sciences humaines (Université d’Osaka, 2007). Professeur à l’Université d’Osaka depuis avril 2004, après avoir été maître de conférences à l’Université de Saga, professeur adjoint à l’Université féminine Kônan, chercheur invité à Harvard et professeur invité à Columbia. Impliquée dans l’affaire de harcèlement sexuel jugée à Fukuoka en 1989, qui a mis le harcèlement sexuel sur le devant de la scène pour la première fois au Japon. Auteur de Par-delà les familles de genres – vie et sexualité en politique contemporaine et féminisme (Shin-yôsha, 2006) et Chef, cette déclaration d’amour, c’est du harcèlement sexuel ! (Shûeisha, 2013), entre autres.

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