Les bases américaines à Okinawa : passé, présent et futur

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Onaga Takeshi, l’ancien maire de Naha, opposé au transfert de la base de Futenma à Henoko, a été élu gouverneur d’Okinawa en novembre 2014 lors d’une élection où cette question a joué un rôle central. Le professeur Miyagi Taizô nous présente l’histoire des bases américaines à Okinawa, et évoque les perspectives futures.

Des tergiversations prévisibles

Voilà les circonstances de l’annonce du déplacement de la base de Futenma, dont la principale difficulté, trouver une installation de substitution, n’est pas encore résolue. Le communiqué précisait que les fonctions de Futenma seraient pour partie transférées dans la préfecture d’Okinawa, grâce à un héliport à bâtir au sein de base aérienne de Kadena, et pour partie hors d’Okinawa, notamment dans la base d’Iwakuni qui se trouve dans la préfecture de Yamaguchi. En réalité, les détails concrets n’avaient certainement pas été finalisés à ce moment-là, comme en atteste le fait que près de 20 ans plus tard, les tergiversations sur les installations de substitution se poursuivent.

Hashimoto lui-même en attribue la responsabilité en partie au fait que le temps avait manqué pour permettre à l’Agence de défense (devenue depuis ministère de la Défense) de se coordonner avec les responsables de l’armée américaine au Japon, à cause de la fuite d’informations qui a permis le scoop de certains journaux. Il a déclaré le 11 novembre 1999 au quotidien Asahi Shimbun : « J’ai des regrets à ce sujet. Si nous avions eu quelques jours de plus... »

Mais comment croire qu’un politicien aussi expérimenté que Hashimoto n’ait pas su que la vraie difficulté relative à la réduction des bases américaines à Okinawa était de rechercher des installations de substitution dans la même préfecture ? Le principe du transfert du port de guerre de Naha situé à proximité du centre-ville a par exemple été adopté en 1974, mais 40 ans plus tard, rien n’a été fait parce qu’il est conditionnel à une implantation dans Okinawa. Si Hashimoto et la partie américaine ont agi sur la prémisse d’un transfert de l’ensemble de Futenma dans la préfecture, les quelques jours perdus à cause du fameux scoop n’auraient certainement pas permis de trouver une solution.

Cela signifie évidemment que la mise en œuvre de la restitution de Futenma était quasiment impossible au moment même où l’annonce a été faite, et que les tergiversations ultérieures étaient prévisibles. Mais le premier ministre avait le dos au mur. Hashimoto a ensuite opté pour la proposition d’une base en mer consistant en une immense structure flottante, qui n’aura finalement été que le début de nouvelles tergiversations entre un emplacement à terre ou en mer.

Le fossé grandissant entre Okinawa et le reste du Japon

Ôta a été jusqu’à la cour suprême pour défendre son refus d’utiliser la procuration, mais celle-ci lui a donné tort et a été contraint de donner son consentement en août 1996. À l’intérieur de l’île, il a été à partir de ce moment-là de plus en plus critiqué parce que ce consentement était perçu comme lié aux contreparties financières accordées par le gouvernement central sous forme de mesures substantielles pour le développement d’Okinawa. La situation s’est compliquée plus encore lorsque le maire de Nago, la municipalité envisagée pour accueillir la base qui remplacerait Futenma, a annoncé qu’il ne tiendrait pas compte de l'opinion majoritairement défavorable de la proposition dans le cadre d’un référendum municipal sur le sujet. Coincé entre les habitants d’Okinawa et le gouvernement, Ôta a fini après beaucoup d’hésitations par adopter une posture d’opposition à ce transfert, mais cette idée avait déjà perdu sa force centripète.

Inamine Keiichi, élu gouverneur lors de l’élection de novembre 1998 qui vit la défaite d’Ôta, annonça qu’il acceptait le principe du transfert de Futenma à Henoko à deux conditions, la première que ce soit pour une durée limitée dans le temps, 15 ans, et la seconde que l’aéroport soit utilisé par les civils et les militaires. La mandature de Nakaima Hirokazu, le successeur d’Inamine, coïncida avec la seule période où le gouverneur, le maire de Nago et les autres autorités concernées étaient d’accord sur le transfert à Henoko, inévitable à leurs yeux. Au sein de l’administration centrale (ministères des Affaires étrangères ou de la Défense), on regrette aujourd’hui que cette chance unique d’agir n’ait pas été saisie. En effet, lorsque le Parti démocrate accéda ensuite au pouvoir, le Premier ministre Hatoyama Yukio déclara qu’il fallait a minima que la base soit transférée hors de la préfecture d’Okinawa.

La perception disant que s’il n’avait pas fait cette malheureuse déclaration, tout serait résolu aujourd’hui semble répandue dans la majorité de l’opinion japonaise hors Okinawa, ainsi que chez les autorités gouvernementales. Mais pour les habitants d’Okinawa, l’opposition quasi-universelle manifestée partout au Japon sitôt l’évocation par Hatoyama de la nécessité d’un déplacement de la base hors d’Okinawa a probablement constitué un choc plus violent. Eux comprenaient en effet que le traité de sécurité Japon-États-Unis n’est pas destiné à protéger Okinawa mais l’ensemble du pays. Le premier ministre a ensuite essayé de convaincre ses compatriotes par des arguments géopolitiques, mais comme l’a déclaré Morimoto Satoshi, un ancien ministre de la défense spécialiste des questions de sécurité, si la base de Futenma peut être transférée hors de la préfecture d’Okinawa d’un point de vue militaire, Okinawa reste le meilleur emplacement d’un point de vue politique.

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